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Plusieurs lois spéciales renferment des dispositions diverses sur la responsabilité, et quelques-unes de ces dispositions dérogent également au droit commun. Il suffira d'en énoncer les dispositions. L'art. 6 de la loi du 30 avril 1790 déclare les pères et mères responsables des délits de chasse commis par leurs enfants mineurs de vingt ans ; et l'art. 7 du tit. 2 de la loi du 25 septembre

le sens de cette loi exceptionnelle doit être ren- ponsabilité aux propriétaires de marchandises, fermé dans ses termes [*]. à l'égard du fait de leurs agents et facteurs; dans les décrets du 6 juillet 1810 (art. 59) et 18 août 1810 (art. 27), qui imposent aux greffiers la responsabilité des contraventions, délits et crimes de leurs commis, etc. L'examen de ces cas divers nous entraînerait trop loin de notre sujet. Nous répéterons seulement que la responsabilité doit être appliquée, dans chaque espèce, d'après les dispositions de la loi spéciale, sans pouvoir en étendre les termes, sans pouvoir y comprendre un cas nouveau par voie d'analogie. Car la responsabilité, comme le dit Grotius [2], n'est pas selon le droit de la nature; elle est purement de droit civil, et dès lors doit être restreinte plutôt qu'étendue.

6 octobre 1791 est ainsi conçu

« Les maris, pères, mères, tuteurs, maîtres, >> entrepreneurs de toute espèce, sont civile»ment responsables des délits de police rurale » commis par leurs femmes et enfants, pupilles, >> mineurs n'ayant pas plus de vingt ans et non >> mariés, domestiques, ouvriers, voituriers et >> autres subordonnés. » Quelques tribunaux ont pensé que cette dernière disposition avait été modifiée par les dispositions postérieures de l'art. 1384 [1]. Mais, quoique cette doctrine paraisse plus en harmonie avec l'esprit général de la nouvelle législation, ainsi que l'attestent l'art. 205 du Code forestier et l'art. 74 de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale, qui se réfèrent l'un et l'autre, quant à la responsabilité civile, à cette disposition de l'art. 1384, il faut se tenir à la maxime que les lois générales ne sont jamais réputées déroger aux lois spéciales; d'ailleurs le Code rural de 1791 forme un corps complet de législation qui doit être maintenu dans toutes ses parties.

D'autres cas de responsabilité se trouvent dans la loi du 16 vendémiaire an IV, qui prescrit que tous les habitans d'une commune seront civilement garants des attentats commis sur le territoire de cette commune; dans l'arrêté du 7 nivòse an vi, qui déclare les employés des arsenaux responsables du vol des armes; dans les arrêts du 7 fructidor an IV (art. 9) et de prairial an vII (art. 6), qui rendent les maîtres de poste responsables des contraventions de leurs postillons et conducteurs; dans le décret du 1er germinal an XIII (art. 35), qui étend cette res

[*] La responsabilité ne s'étend pas à l'amende. Liége, 20 févr. 1834; J. de Belg., 1834, p. 319. [1] Arr. Douai, 24 août 1832 (Jour. du droit crim., 1832, p. 329).

[2] Droit de la guerre et de la paix, t. 2, P. 8. [**] N'est pas recevable l'action civile formée devant les tribunaux de répression exclusivement contre la partie civilement responsable; l'auteur du délit doit être en cause, l'action civile n'étant qu'un accessoire à l'action publique. Dans ce cas

Il nous reste à envisager la responsabilité civile dans ses rapports avec l'action criminelle. Les tribunaux de répression ne sont compétents pour statuer sur les effets de la responsabilité, qu'autant qu'ils sont saisis de l'action publique pour l'application de la peine [**]. En effet, l'obligation de celui qui est soumis à la responsabilité d'un fait auquel il n'a point concouru, est une obligation accessoire purement civile, et dont par conséquent ces tribunaux ne peuvent connaître qu'accessoirement à l'action criminelle qui constitue l'obligation principale. Cette compétence, matérielle et absolue, est véritablement d'ordre public, et peut donc être proposée en tout état de cause, même sur l'appel [3]. Mais ce ne serait pas un motif pour renvoyer purement et simplement de la plainte la partie civilement responsable qui aurait seule été traduite devant le tribunal de simple police correctionnelle; ce tribunal devrait surseoir à statuer, et fixer le délai dans lequel le ministère public serait tenu de mettre en cause le contrevenant [4].

La personne civilement responsable ne peutelle encourir une condamnation aux dépens, qu'autant que cette condamnation est accessoire à une condamnation en des dommages-intérêts? L'affirmative résulte d'un arrêt de la Cour de cassation [5] qui a rejeté le pourvoi formé con

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tre un jugement correctionnel, lequei avait jugé que « lorsque les tribunaux ne prononcent aucune restitution, aucun dommage, il n'y a pas lieu de déclarer le père civilement responsable des dépens; que la condamnation aux dépens est l'accessoire de la condamnation première prononcée contre la personne civilement responsable?»Cette doctrine, contraire d'ailleurs à d'autres arrêts de la même Cour [1], ne parait pas devoir être suivie. Le premier motif sur lequel elle s'appuie, et qui consiste à dire qu'il n'y aurait pas eu, dans l'espèce, de préjudice causé, n'est nullement concluant; car il y avait eu, dans cette espèce, un délit constaté, et dès lors la poursuite avait été avec raison exercée. Or, la Cour de cassation a toujours décidé que les frais causés par une telle poursuite étaient un préjudice causé à l'État, et avaient le caractère de véritables dommages-intérêts. Il y avait donc préjudice causé, et même partie civile en cause, puisque l'État peut, dans le système de la même Cour, être réputé partie civile à l'égard des dépens dont il a fait l'avance. Le second motif est

que la condamnation des frais doit être l'accessoire d'une condamnation principale en dommages-intérêts. Mais cette condition n'est nullement imposée par l'art. 194 du Code d'inst. crim., et on ne voit pas d'ailleurs pourquoi le juge, tout en déclarant qu'il y a lieu à responsabilité, ne serait pas le maître d'en limiter les effets aux frais de la poursuite.

L'action en responsabilité étant purement civile, passe contre les héritiers, lors même qu'elle n'a pas été intentée avant la mort de la personne que la loi y soumet. Mais par quelle prescription cette action est-elle éteinte? Evidemment par la prescription que la loi criminelle applique au crime ou au délit dans lequel elle se puise. Car, ainsi que nous l'avons déjà dit, elle ne constitue qu'une obligation accessoire; elle ne peut donc durer plus que l'obligation principale. Ainsi, c'est d'après les règles posées aux art. 637, 638 et 640 du Code d'inst. crim., qu'il faut déterminer les délais pendant lesquels elle peut être exercée.

CHAPITRE XVI.

DES CRIMES ET DÉLITS POLITIQUES. DES CRIMES ET DÉLITS COntre la sureETÉ EXTÉRIEURE
DE L'ÉTAT.
DE LA CLASSIFICATION DES CRIMES ET DÉLITS EN GÉNÉRAL. EXAMEN DES
DIFFÉRENTES DIVISIONS ADOPTÉES PAR LES LÉgislateurs ou PROPOSÉES PAR LES PUBLICIS-
TES. SYSTÈME DU CODE PÉNAL. CRIMES CONTRE la chose pubLIQUE. — CARACTÈRES GÉ,
NÉRAUX DE CES CRIMES. - S'ILS DIFFÈrent des CRIMES PRIVÉS.

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RELATION DES FAITS CRIMES CONTRE LA SURETÉ EXTÉRIEURE

DE L'ÉTAT. — § Ier PORT D'ARMes contre la FRANCE. SERVICE A L'ÉTRANGER. CARACTÈRES DISTINCTIFS. – Éléments de CRIME. —§ II. intelligences criminelles avec LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES.

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CORRESPONDANCE.

-TRAHISON DE SECRETS. -COMMUNIGATION DE PLANS. RECEL D'ESPIONS. MACHINATIONS PRATIQUÉES CONTRE LA FRANCE ET SES ALLIÉS. DÉFINITION LÉGALE ET ÉLÉMENTS CONSTITUtifs de ces dIVERS CRIMES. SIII. ACTES HOSTILES DE NATURE A PROVOQUER UNE DÉCLARATION DE GUERRE OU DES REPRÉSAILLES. (COMMENTAIRE DES ART. 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84 ET 85 DU Code pénal).

Le Code pénal se divise en quatre livres. Le premier traite des peines en matière criminelle

[1] Arr. cass. 14 jaill. 1814, 4 juill. 1830, et 31 janv. 1833 (Journ. du droit crim., 1833, p. 76 et 78.)

et correctionnelle; le deuxième, des personnes punissables, excusables ou responsables; le troisième, des crimes et des délits et de leur punition; le quatrième enfin, des contraventions de police.

Le premier livre a fait l'objet des neuf pre

miers chapitres de cet ouvrage; le deuxième, des cinq chapitres suivants. Nous commençons maintenant l'examen du troisième livre où se déploie la longue série des incriminations légales; c'est la partie la plus importante et à la fois la plus pratique du Code. Jusqu'ici nous avons posé des principes, nous allons les suivre dans leur application aux multiples espèces des crimes et des délits.

La classification générale des actions punissables réclame d'abord notre attention. Cette classification a quelque importance; les divisions arbitraires, en classant les faits, non d'après leur nature, mais d'après une idée systématique, peuvent leur imposer un caractère qui ne leur appartient pas, et entraîner dès lors de funestes conséquences. La place où le délit est inscrit dans un Code, a souvent influé sur la nature et la quotité de la peine dont il a été atteint. D'ailleurs la classification des crimes fait partie du système général du Code, et en révèle les tendances et l'esprit.

Cette classification a puisé le plus souvent sa base dans les diverses législations pénales, soit dans le caractère des délits, soit dans la nature des peines. La loi romaine, source de toutes ces législations, avait posé la distinction des crimes publics et privés, et cette distinction, prise dans la nature des choses, s'est en général maintenue, quoique le même sens ait cessé de s'attacher à ces deux classes de crimes. En droit romain, les crimes publics étaient ceux dont la répression intéressait le peuple entier, et dont la poursuite était permise à chaque membre de la cité [1]. On désignait, au contraire, sous le nom de crimes privés, ceux qui n'intéressaient que les individus qui en étaient lésés, et ces personnes pouvaient seules en provoquer la répression [2]. Les lois subdivisaient ensuite les crimes publics en ordinaires et extraordinai. res, capitaux et non capitaux. Les crimes ordinaires étaient ceux dont la peine était établie par la loi, les constitutions des empereurs, ou même l'usage; le juge ne pouvait en aggraver ni en diminuer la quotité [3]. On appelait extraordinaires ceux dont les peine étaient arbitraires, de sorte que le juge les pouvait graduer selon l'atrocité du crime et la qualité de

[1] Instit, de publ. jud.. § 1; l. 1, Dig. eod tit.; Farinacius, quæst. 18, no 21.

[2] L. ult. Dig. depriv. del.; l.ult.Dig.de furtis. [3] L. 1, § 2, Dig. ad. sen. tert.; l. 1, C. ad lég. jul. rep.; l. 13, § 7, Dig. de his qui not. inf.; \. 11,Dig. de pænis.

l'accusé [4]. Enfin les crimes capitaux étaient ceux qui emportaient la mort, la déportation, ou le travail des mines; les non capitaux, ceux qui entraînaient une peine infamante, accompagnée de toute autre peine corporelle, ou d'une peine pécuniaire [3].

Cette division n'était point suivie dans l'ancienne législation, qui s'était peu occupée de classer les délits avec méthode. La pratique seule avait retenu la distinction générique des crimes publics et privés, capitaux et non capitaux; mais on entendait par crimes publics ceux qui nuisent au bon ordre et à la sûreté publique, tels que les crimes de lèse-majesté divine et humaine, d'hérésie, de blasphème, de fausse monnaie, de meurtre; et par crimes privés, ceux qui intéressent les parties offensées plus que la sûreté publique, tels que les injures et voies de fait. Enfin on entendait par crimes capitaux ceux qui étaient punis de la peine capitale; les autres crimes, quelque grave que fût la peine dont ils étaient passibles, étaient rangés dans la classe des crimes non capitaux [6].

La distinction des crimes publics et privés se retrouve dans la plupart des législations; elle forme même dans quelques-unes la seule division des actes punissables. Le Code de Brésil, dont les dispositions sont classées avec assez de méthode, ajoute cependant à ces deux catégories une troisième classe sous le titre de crimes de police. On y a compris les offenses à la religion, à la morale, le vagabondage, la mendicité, les sociétés secrètes, le port d'armes prohibées, etc. : dans les autres Codes ces divers délits figurent parmi les délits publics. Enfin quelques législateurs se sont bornés à faire l'énumération des crimes et des délits sans s'embarrasser de les classer systématiquement. Notre Code a formulé un système complet de classification. Les crimes sont d'abord divisés en deux classes principales, contre la chose publique et contre les particuliers. Chacune de ces classes se subdivise ensuite: la première, en crimes contre la sûreté de l'État, contre la Charte constitutionnelle, contre la paix publique ; la deuxième, en crimes contre les personnes et contre les propriétés. Cette division, au premier abord, paraît sa

[4] L. 1, § 1, Dig. de refract.; l. 1, Dig. de publ. jud.; \. 7, § 3, Dig. ad leg. jul. rep.; l. ult. Dig. ad leg. flav. de plag.

[5] Instit. de pub. jud., § 2; l. 1, Dig. eod. tit. [6] Rousseau de la Combe, p. 2; Jousse, t. 1,

p. 3.

tisfaisante et méthodique; cependant on pourrait lui reprocher de ne pas tracer entre les diverses classes des limites assez nettes et assez tranchées. Il est difficile d'apercevoir la ligne qui sépare les crimes contre la constitution et les crimes contre la paix publique : cette dernière classe pourrait, à tout prendre, renfermer l'universalité des incriminations de la loi. Mais le reproche le plus grave qui doive être adressé an législateur, c'est de n'avoir pas même suivi les divisions qu'il s'était tracées. Ainsi une foule de délits sont compris parmi les délits contre la chose publique, et ne sont au fond que des délits privés. Nous en citerons un seul exemple, ce sont les faux en écritures. Ces transpositions nombreuses, qui se retrouvent également dans la classe des crimes privés, répandent nécessairement quelque confusion dans la loi pénale et tendent d'ailleurs à altérer le caractère intrinsèque de chaque délit, en imprimant implicitement à ce délit le caractère général de la classe dans laquelle il est rangé.

Ce n'est pas qu'une classification parfaitetement exacte nous semble possible. Un grand nombre d'action punissables forment des délits complexes, qui portent atteinte à la fois aux intérêts publics et privés, qui sont dirigés simultanément contre les personnes et contre les biens; tels sont les faux témoignages, les vols avec voie de faits, les incendies, etc. Un double péril se présente dans la classification de ces faits. Si l'on sépare les espèces du même genre, en les transportant sous différents titres, suivant le but principal ou le résultat du crime, on scinde une même matière, on substitue à l'ordre naturel un ordre factice qui n'est souvent que de la confusion. Si, au contraire, on réunit sous un même titre les délits qui ont un caractère commun, quoiqu'ils diffèrent sous certains rapports, on s'expose à créer de nombreuses exceptions aux divisions méthodiques et à bouleverser les classifications.

Faut-il conclure de cette observation que le législateur doit renoncer à toute division logique, et se borner à une simple énumération des divers genres de crimes et de délits? Quelques criminalistes l'ont pensé : « Cette méthode, dit M. Haus, outre qu'elle évite aux codificateurs l'embarras d'une classification systématique, et qu'elle place les divers faits punissables dans un même ordre tout naturel, présente encore cet avantage qu'elle permet facilement d'encadrer dans le Code toutes les lois spéciales qu'on

[1] Observ. sur le C. pén, de la Belgique, t. 2, p. 6.

veut y ajouter, opération qui devient souvent très-difficile avec des classifications systématiques [1]. >>

Mais que serait une simple énumération, si elle n'était dominée par aucune règle, sinon la confusion et le désordre? Il faut nécessairement que les délits soient divisés au moins par genres, et toute la difficulté est de reconnaître et de séparer les genres. Nous n'attachons point toutefois à cette division un intérêt théorique. Nous pensons, avec M. Livingston, que « la division des délits n'a pour objet que de mettre quelque ordre dans l'arrangement d'un code. » Son utilité, en effet, est toute pratique : son seul but est de répandre sur l'œuvre du législateur cette clarté qui en rend l'accès facile, et la connaissance populaire. La classification des délits est donc nécessaire comme mesure d'ordre et comme méthode d'exposition; mais la division la plus simple et la plus naturelle doit être préférée, parce qu'il s'agit d'une œuvre de législation et non d'une science, parce que la prétention d'une classification systématique entraîne le danger de ces déductions logiques que le législateur n'avait pas prévues, et quipeuvent altérer sa pensée.

Quelques auteurs ont essayé cette classification; nous ne nous arrêterons pas à la division proposée par Bentham des délits privés et réflectifs, semi-publics et publics [2]. Les délits réflectifs, qui ne nuisent qu'au seul délinquant, ne sont point imputables aux yeux de la loi ; et les délits semi-publics, qui affectent un corps, une corporation, une commune, ne doivent point former une classe à part, puisque la nature de l'objet auquel ils s'appliquent n'a nullement pour effet de modifier leur caractère intrinsèque. Reste donc la grande division des délits publics et privés. Bentham subdivise les premiers en délits contre la sûreté extérieure, la justice, la police, la force publique, le trésor public, la souveraineté, la morale et la religion. C'est a peu près la division du Code pénal. Les délits privés se partagent en quatre classes: contre les personnes, les propriétés, la réputation et la condition civile. Il est évident que ces deux dernières classes ne sont que des subdivisions des délits contre les personnes.

M. Charles Lucas prend la base d'une classification différente, non dans le caractère des actions, mais dans la nature de l'objet auquel elles s'appliquent les offenses sont séparées en trois classes, en offenses personnelles ou contre les personnes, réelles ou contre les cho

[2] Traité de législ. t. 2, p. 240.

ses, et mixtes qui lèsent à la fois les personnes et les choses [1]. Cette division, qui a le mérite de la simplicité, entraînerait cependant après elle une étrange confusion; car on verrait figurer dans cette classe vague et illimitée les offenses mixtes, les délits les plus divers, tels que les délits politiques, les vols à main armée, les incendies, le vagabondage, enfin tous les faits si nombreux et si différents quine constituent des atteintes exclusives ni contre les personnes, ni contre les propriétés. Cette classification n'atteint donc pas son but principal qui est de faire régner l'ordre parmi les incriminations de la loi, et de réunir à cet effet par un lien commun celles qui révèlent a même espèce de perversité, qui sont le fruit des mêmes passions ou des mêmes vices [2]. Enfin, M. Rossi propose cette division: 1o délits contre les personnes; 2o contre la personnalité du corps social (l'existence et le mode d'exister d'un état); 3o contre les propriétés particulières; 4o enfin contre les propriétés publiques [3]. Il nous semble encore qu'on est fondé à critiquer le dernier terme de cette division: car aucune différence caractéristique ne sépare les crimes contre les propriétés particulières ou publiques. Qu'importe que la maison détruite, la forêt incendiée, les deniers enlevés soient la propriété de l'État ou des particuliers? Le fait ne change pas de nature, et la peine ne variera pas en général ses degrés. Cette division n'aurait donc d'autre effet que de mutiler les matières et d'amener la loi à d'inutiles répétitions. A la vérité, M. Rossi place le crime de fausse monnaie dans cette classe des délits contre les

[1] Du système pénal. liv. 3.

[2] Les comptes de la justice criminelle divisent également les crimes en crimes contre les personnes et contre les propriétés. Mais d'abord rette division, large et séduisante au premier coupd'œil, couvre de nombreuses inexactitudes; c'est ainsi que l'incendie, qui le plus souvent est dirigé contre les personnes, s'y trouve rangé parmi les crimes contre les propriétés, et que le vol commis avec violences, qui n'a d'autre mobile que la cupidité, est classé dans les crimes contre les personnes; il y a beaucoup d'autres exemples de cette confusion. En second lieu, une classe nouvelle a déjà été introduite forcément pour les crimes politiques dans le compte de 1833, et dès lors on est rentré, à quelques transpositions près, dans la division du Code pénal.

[3] Traité du droit pénal.

[4] Les lois pénales anglaises, composées de statuts intervenus successivement et à des temps éloi

propriétés publiques. Mais cette classification est-elle exacte? Toute falsification de monnaie et de papier-monnaie n'est évidemment qu'une atteinte à la propriété privée, puisque ces effets sont dans les mains des particuliers. Faut-il, par une inutile fiction, et à raison de leur circulation rapide, les considérer comme composant en masse le patrimoine de tous, un bien commun à la fois à tous? Mais si cette circonstance peut aggraver le crime par le péril plus grand dont il menace la société, elle n'en change pas le caractère tous les crimes, en blessant l'Etat et les particuliers, sont à la fois une alarme pour la sécurité de tous; or, si cette alarme est plus grave, ce peut être une raison d'augmenter la peine, mais non d'imposer au fait une qualification arbitraire et inexacte. La division de M. Rossi se trouve donc restreinte à ces trois premières branches : délits contre la personnalité du corps social ou délits politiques, délits contre les personnes, et enfin délits contre les propriétés. Or, c'est revenir en définitive à la division du Code pénal [4].

C'est qu'en effet cette division générale est simple et rationnelle, c'est qu'elle se fonde sur la nature même des choses. Le Code pénal n'a été justement critiqué que parce qu'il s'est égaré dans des subdivisions inutiles, que parce qu'il n'a pas suivi avec exactitude le plan même qu'il avait adopté. La division des crimes publics et privés, ou, pour employer les termes du Code, contre la chose publique et contre les particuliers, cette vaste division embrasse le cercle entier des infractions punissables. Les crimes

gnés, ne forment point de corps, et dès lors n'ont pas de division systématique. Mais un document officiel, qui paraît annuellement (tables : criminals offenders), a adopté, pour présenter la statistique des crimes, la classification suivante: 1° offenses contre les personnes; 20 offenses contre la propriété avec violences; 3° offenses contre la pro priété sans violences; 4° offenses contre la propriété avec dessein de nuire à la personne (comme l'incendie, la destruction de fabriques); 5o offenses contre la sûreté du commerce (forgery and offences against the currency) ; 6o autres offenses non comprises dans les cinq premières classes. Il est évident que cette classification est défectueuse par cela même qu'elle est incomplète, puisque les faits les plus divers sont rangés dans cette dernière classe, tels que les délits contre l'ordre public, les délits politiques, les faux témoignages, les délits de chasse, etc.

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