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militaire, au moins dans la jurisprudence qui se fonde, à cet égard, sur des textes de la Charte. [*] Jusqu'ici nous n'avons parlé que des militaires proprement dits, des individus appartenant à l'armée, en vertu d'un brevet ou d'une commission, d'un appel ou d'un engagement. Mais les conseils de guerre ont aussi leurs justiciables volontaires; ce sont les individus employés dans un corps de troupes quelconque, à des titres et à des services divers. C'est ici qu'on peut juger quel esprit anime le législateur. S'il est enclin au régime de l'exception, il étendra la juridiction militaire aux classes innombrables d'employés qui marchent à la suite de toute troupe un peu considérable. Ainsi l'a fait le législateur de l'an 5. Il faut voir dans la loi du 13 brumaire les catégories nombreuses qui s'y trouvent énumérées. Si le législateur, au contraire, est ami du droit commun, il ne réservera la juridiction militaire que pour ceux des employés qu'il est indispensable, par la nature même de leur service, de soumettre aux règles d'une certaine discipline: la plus grande partie des classes de la loi de l'an 5 devraient être retranchées. [**]

La jurisprudence, soit en interprétant l'article 10 de cette loi, soit par analogie, a successivement renvoyé devant la juridiction, 1o un sous-traitant pour la fourniture des vivres, à raison des moyens illicites qu'il avait employés dans sa gestion [1]; 2o le portier d'une ville de guerre, accusé d'homicide dans l'exercice de ses fonctions [2]; 3° les domestiques des officiers, quand l'armée est en pays ennemi [3]; 4o enfin les musiciens des régimens à raison des délits commis depuis leur incorporation [4]. La juridiction ordinaire a été déclarée, au contraire, légitimement saisie des délits commis 1° par les domestiques des officiers dans les garnisons de l'intérieur [5]; 2° par les garde-ma

[*] Il a été décidé par la haute-cour militaire que l'art. 282 du Code de procédure militaire, maintenu par l'art. 139 de la Constitution belge, en établissant le principe de la mise en état de siége, a nécessairement maintenu l'art. 53 du décret du 24 déc. 1811, qui détermine les cas où cette mesure peut avoir lieu. Dans les cas non spécifiés, la mise en état de siége doit être établie par un décret du chef de l'état, duement publié aux termes de l'art. 129 de la Constitution. (Arr. du 18 fév. 1832). Les art. 8, 94 et 98 de la Constitution semblent pouvoir fournir des objections graves contre cette décision, au moins et tant qu'on voudrait l'appliquer à des individus non mi

gasins des subsistances militaires qui se trouvent, mais sans emploi, à la suite de l'armée [6]; 3o par les entrepreneurs de charrois militaires [7]; Toutes ces interprétations se motivent suffisamment sur l'art. 10 de la loi de brumaire.

Rappelons un dernier principe. Les tribunaux militaires sont institués pour prononcer sur les actions publiques, en tant qu'elles concernent les personnes soumises à leur juridiction. La nature d'infractions que ces tribunaux ont à réprimer, et la nature même de leur mission doivent donc avoir une influence nécessaire sur les pénalités qu'ils infligent.

Toute puine qui n'atteindrait que la fortune des coupables, ne saurait être appliquée par un tribunal qui ne saisit que les personnes. Ce principe conservateur des juridictions, et surtout des limites qui séparent les tribunaux ordinaires et les tribunaux d'exception, doit être soigneusement maintenue. Il serait inusité d'appliquer la peine de l'amende aux délits militaires; elle ne se trouve pas dans les lois actuelles. Il suit de là que les tribunaux militaires n'ont pas le droit de prononcer des réparations civiles; les parties lésées par les délits militaires doivent donc s'adresser aux tribunaux civils [8]. Ce principe a en outre été consacré par arrêt de la haute cour militaire, en date du 8 juin 1836.

Si maintenant l'on veut reprendre les lois et les arrêts que nous venons de parcourir et les ramener à des termes simples, on trouvera que, dans l'état actuel de la législation, la juridiction militaire s'étend, quant aux personnes, à tous individus militaires ou attachés a la suite de l'armée, présens aux corps et sous les drapeaux; quant aux faits, 1° à tous les délits contre la discipline; 2° à tous les délits même communs, commis au corps et sous les drapeaux. Voilà les limites de cette juridiction: tous les autres délits communs, accomplis hors du corps,

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[**] Voyez les articles 1er et suiv. du Code pénal militaire.

[1] Arr. cass. 25 mars 1817. (Sirey, 17, 1, 90). [2] Arr. cass. 15 prair, an 8.

[3] Arr. cass. 28 pluv.'an 11;5 mars 1818; Dalloz, 6, 175 et 176; Sirey, 18, 1, 273.

[4] Arr. cass. 4 avr. 1833; (Jurisp. génér., 1833, 1, 376).

[5] Arr. 5 mars 1818. (Dalloz, 6, 176).

[6] Arr. cass. 18 vendém. an 14. (Dalloz, 6, 159). [7] Arr. cass. 12 avr. 1834. (Sirey, 1834, 1, 289.) [8] Arr. cass. 23 oct. 1817. (Dalloz, 6, 150). J. de Belg. 1837, 1o cah.

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même en état de désertion [1], tous les faits que la loi n'a pas nommément déférés au tribunal exceptionnel, reviennent aux tribunaux ordinaires qui ont une juridiction générale, et qui ne peuvent être dépouillés que par la volonté formellement exprimée du législateur.

Encore une observation sur cette matière. Nous ne nous sommes occupés jusqu'ici que de fixer les bornes de la juridiction de l'armée de terre; mais les troupes de mer ont aussi leurs tribunaux et 1 urs délits spéciaux. A la vérité, la plupart des règles que nous avons rappelées s'appliquent à la fois aux deux juridictions militaires. Devant les tribunaux de la marine, c'est aussi la qualité des prévenus au moment des poursuites, c'est le lieu de la perpétration des délits qui règlent la juridiction. Quelques dispositions particulières doivent cependant être indiquées.

La juridiction maritime se compose de plusieurs tribunaux, dont la plupart révèlent de véritables commissions, créées pour le jugement du délit et dissoutes après ce jugement [*]. Les modifications opérées dans la juridiction militaire et qui ont eu pour objet de la composer de tribunaux permanens, n'ont point pénétré dans la marine. On y connaît encore les conseils de la justice et les conseils de guerre maritimes, les tribunaux maritimes spéciaux, dont l'organisation actuelle est évidemment incompatible avec les principes de notre droit public. Une voix puissant s'est chargée de signaler à l'attention publique l'existence illégale des tribunaux maritimes [2] ces louables efforts appelleront tôt ou tard la révision de cet inextricable législation.

On comprend aujourd'hui sous la dénomination de délits maritimes: 1o les infractions commises dans les ports et arsenaux contre leur police et le service maritime par les gens de mer; ces délits sont justiciables des tribunaux maritimes [3]. Deux questions se sont élevées sur l'application de cette juridiction spéciale, aux simples citoyens qui ont commis un délit con

[1] Arr. cass. 15 nov. 1811 et 22 fév. 1828; Dalloz, 5, 178; Sirey, 17, 1, 89, et 28. 1, 327. — Il n'en est pas de même en Belgique. (Arrêt de la hautecour mil. du 22 mars 1833).

[*] En Belgique il n'y a qu'un conseil de guerre maritime; l'appel de ses jugemens est porté devant la haute-cour.

[2] Réquisitoires de M. le procureur- général Dupin, Gazette des Tribunaux du 10 mars 1831, et 13 avr. 1834.

tre la police maritime dans les ports et arsenaux; et aux individus non marins mais attachés au service de la marine, qui ont commis un délit dans les mêmes circonstances. L'art. 11 du tit. XI du décret du 12 novembre 1806 déclare formellement les citoyens justiciables des tribunaux maritimes, et M. Legraverend avait vainement protesté contre cette exorbitante attribution qu'une ordonnance du 14 octobre 1818 avait confirmée [4]; mais la Cour de cassation vient de proclamer par un arrêt récent, cette disposition inconciliable avec la charte et inapplicable aux individus non militaires [5]. Quant aux personnes qui, sans être militaires, sont cependant attachées à divers titres au service de la marine, les lois maritimes n'ont nulle part déterminé celles qui doivent être considérées comme appartenant au corps de la marine, et celles qui lui sont étrangères, doit-on procéder alors par assimilation et recourir aux catégories de la loi du 13 brumaire an 5? La Cour de cassation l'a ainsi décidé [6]; et cependant si pour la juridiction militaire, il a fallu une loi pour établir ces analogies, il serait rationnel d'attendre que le législateur eut également établi quelles personnes, à raison de leurs rapports avec l'armée de mer, peuvent être assimilées aux marins. Les mêmes catégories ne peuvent exister dans les deux législations, et en procédant ici par voie d'assimilation, la jurisprudence inculque arbitrairement dans les règles de la juridiction maritime des règles qui lui sont tout-à-fait étrangères.

2o Les délits commis par les forçats détenus dans les bagnes : des tribunauv maritimes spéciaux ont été institués pour en connaître [7]. Les art. 70 et 71 du décret du 10 novembre 1806, soumettaient à ces tribunaux des personnes autres que des forçats. Cette disposition parut tellement exorbitante du droit commun, que le gouvernement de la restauration décréta par simple ordonnance, que les forçats détenus dans les bagnes seraient les seuls justiciables des tribunaux spéciaux [8]. Remarquons ici, qu'un

[3] Déc. du 12 nov. 1808.

[4] Législ. crim., tom. 4, pag. 259, éd. Tarlier. [5] Arr. 12 avril 1834. (Sirey, 1834, 1, 289). [6] Voyez le même arrêt et le réquisitoire, Gazette des Tribunaux du 13 avril 1834.

[7] Tit. VIII du décret du 12 nov. 1800, [8] Ord. du 2 janv. 1817.

forçat est justiciable des tribunaux ordinaires à raison d'un délit commis dans un bagne, si ce délit n'a été poursuivi que depuis sa libération : c'est la qualité au moment des poursuites et non du délit, qui règle la compétence [1]. 3o Les délits commis par toutes personnes embarquées sur les vaisseaux, ces délits sont déférés suivant leur gravité, soit à des conseils de justice, soit à des conseils de guerre maritimes [2].

4o Enfin, les faits de désertion pour lesquels une juridiction particulière a été créée, celle des conseils de guerre maritimes permanens [3]. Tels sont les faits qui sont soustraits par les lois existantes aux tribunaux ordinaires. Il serait inutile de s'arrêter à rechercher combien ces règles obscures et compliquées s'éloignent de la théorie que nous avons commencé par développer. Mais nous n'omettrons pas de signaler une disposition que l'on chercherait vainement dans la législation militaire d'après laquelle les délits commis à terre par des gens de mer, sous les drapeaux et à leur corps, contre des habitans, appartiennent aux juges des lieux la juridiction exceptionnelle ne peut en revendiquer la connaissance qu'autant qu'ils se rapportent au service maritime ou qu'ils ont été commis entre personnes de l'équipage. [4]. La jurisprudence militaire en Belgique est diffé

rente.

:

Ainsi se trouvent définis les crimes et délits auxquels le Code pénal a appliqué la dénomination de militaires; ainsi l'art. 5 reçoit une indispensable explication. Dans une théorie rationelle, répétons-le, les délits sont limités aux infractions à la loi militaire, et telle a été aussi l'intention des rédacteurs du Code pénal :

l'attestent; le vœu exprimé au procès-verbal de ce Conseil d'une réforme de la législation militaire sur de nouvelles bases en est la preuve certaine.

:

Mais cet espoir du Code est resté stérile la théorie a été étouffée sous le poids de quelques lois vieillies dont l'existence accuse le législateur la distinction tutélaire des délits militaires et communs, vainement essayée en 1808, est demeurée sans application. Il faut dire, comme nous l'avons fait en commençant ce chapitre, que d'après les lois en vigueur les délits militaires sont tous ceux que la loi défère à la juridiction militaire.

Et cependant, après avoir enlevé aux deux juridictions leurs limites naturelles et précises, le législateur qui déférait aux tribunaux militaires des délits communs, a été contraint de se reporter aux pénalités communes pour les réprimer. De là tant de dispositions successives qui prescrivent aux juges militaires d'ap→ pliquer les peines portées dans la loi commune, dans le Code pénal, à tous les cas que la loi militaire n'aura pas prévus [5]. Etrange contradiction par laquelle le législateur reconnaît à la fois le caractère commun des délits et les livre aux tribunaux exceptionnels.

De là il résulte, en définitive, que l'art. 5, qui déclare les dispositions du Code inapplicables aux délits militaires, ne doit pas être entendu en ce sens que ces dispositions seront appliquées par les tribunaux ordinaires seuls. Car la loi elle-même en provoque l'application par les tribunaux exceptionnels.

Cette application a fait naître du reste, quelques questions graves elles seront examinées dans la suite de cet ouvrage, et notamment aux chapitres de la récidive et des circonstances

les discussions préparatoires du conseil d'Etat atténuantes.

[1] Arr, cass. 4 fév. 1832. (Bull., no 39).
[2] L. 22 août 1790 et déc. 12 nov. 1826.

[3] Arrêté 5 germ, an XII ; ord. 22 mai 1816. [4] Déc. 12 nov. 1806, tit. 3; L. 22 août 1790, tit. 11, art. 5.

[5] Déc. 3 pluv. an 11, tit. xIII, art. 18; L. 21 brum. an 5, art. 22; 1er mai 1812, art. 10; arrêt de la cour de cassation de Bruxelles du 19 juin 1834; Bull. de cass., 1835, pag. 23.

CHAPITRE IV.

des peines en gÉNÉRAL ET DU SYSTÈME PÉNAL.-DES PEINES AFFLICTIVES ET INFAMANTES ET DE L'EMPRISONNEMENT.-ART. 7, 8, 12 A 21 ET 40 DU CODE PÉNAL.

La nécessité des peines dépend de leur efficacité. Cette efficacité forme avec la criminalité morale du délit et le péril social que ce délit entraîne, les trois conditions de la justice pénale, les trois caractères qui doivent se rencontrer dans les actions qu'elle condamne et les châtimens qu'elle inflige. Les peines sont efficaces lorsqu'elles atteignent le but que la justice humaine se propose en les prononçant.

Quel est ce but? Cette question fondamentale de tout système pénal, et que la loi elle-même devrait trancher peut-être pour fixer les interprétations et faire connaître la fin qu'elle se propose, a été jusqu'ici diversement résolue. Les publicistes, trop préoccupés par des systèmes, ont assigné aux peines légales un objet différent suivant les théories qu'ils voulaient établir. Bentham entraîné par cette idée que la pensée dominante des peines est l'utilité générale, enseigne que leur but principal est la prévention des délits ou l'intimidation. Le châtiment est, d'après cette théorie, un sacrifice indispensable pour le salut commun; le mal qu'il produit doit être considéré comme une dépense que fait l'État en vue d'un profit. Ce profit c'est la prévention des crimes [1].

On ne prétend point assurément nier à la peine son caractère d'exemplarité; mais peuton lui imprimer ce caractère aux dépens du coupable, aux dépens de la justice? Peut-on, suivant l'expression de M. Charles Lucas, imposer à un individu la souffrance et la mort pour l'édification de ses semblables? Si l'intimidation était le but principal des châtimens, la loi aurait pour tendance nécessaire d'effrayer,

[1] Théorie des peines, pag. 15 et 195; [2] Du système pénal, pag. 213, 272, 308. On trouve cette opinion dans les anciens auteurs: « Le premier objet des lois, disent Jousse et

d'épouvanter par ses peines. Les mesures les plus excessives seraient celles qu'elle devrait préférer : peu lui importerait qu'elles fussent injustes.

M. Charles Lucas, dans l'exposé de son système pénal, attribue à la peine un autre but, la réforme du condamné [2]. Cette réforme est, aux yeux de ce criminaliste, le caractère essentiel et fondamental de la répression. La législation pénale reçoit, pour ainsi dire, sa sanction du système pénitentiaire. C'est ainsi qu'il propose d'élargir le condamné, lorque sa régénération morale est suffisamment présumée; car, dans ce cas, il suppose que la justice l'a mal apprécié : le contrôle de l'expérience doit rectifier cette erreur. La mesure de la peine dépend en quelque sorte du condamné lui-même qui peut en abréger la durée et en modifier l'exécution par sa conduite.

Nous nous hâtons de reconnaître qu'une peine impuissante à produire aucun amendement dans les condamnés, serait en général une peine défectueuse; mais autre chose est de voir danscet amendement l'un de ses effets nécessaires, autre chose est d'y placer son objet principal. L'amendement du condamné est précieux en ce qu'il garantit l'avenir; mais suffit-il pour expier le passé ? La peine est une réparation solennelle due à la société. Cette dette du coupable envers la justice humaine peut-elle complètement se payer avec du repentir et des regrets? Et comment constater la véracité des promesses, la sincérité des larmes ? Comment s'assurer que la régénération ne s'est pas bornée à effleurer les habitudes extérieures, qu'elle est

Muyart de Vouglans, est de corriger les coupables. que l'on punit. » Traité de la justice criminelle, préf. ij. — Lois crim. p. 39.

descendue dans le cœur, qu'elle sera durable? Il n'est point donné à la justice humaine de sonder le fond des consciences.

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La théorie qui repose sur la loi morale, et que M. Rossi a développée avec tant de sagacité, après M. Guizot et M. de Broglie, reconnaît à la peine un but tout différent et plus élevé la rétribution du mal pour le mal, l'expiation du délit. Ce n'est plus sous ce point de vue un mal infligé dans une utilité générale, afin de produire sur le public une certaine impression ou de régénérer un coupable corrompu; c'est une punition infligée par la justice pour réparer le mal du délit [1].

L'application de cette théorie peut soulever plus d'une difficulté. Toute pénalité qui a l'expiation pour but, repose sur plusieurs élémens qui sont l'intention de l'agent, le rapport de l'acte avec la loi morale enfreinte, enfin un mal correspondant au degré de criminalité de l'agent et de l'acte; or, la justice humaine a-t-elle les moyens de saisir avec exactitude l'intention? Peut-elle remonter dans tous les cas et avec certitude jusqu'à la loi morale? Enfin, même en supposant ces nuages dissipés, ne sera-t-elle pas inhabile encore à traduire dans une peine exactement correspondante la criminalité de l'acte inculpé? On doit le dire la conscience est disposée à accueillir cette mission élevée et presque religieuse du châtiment; elle aimerait a reconnaître dans les actes de la justice une empreinte de sa divine origine; elle se plairait à l'entendre invoquer les mêmes lois que la justice providentielle; mais l'imperfection de ses moyens d'application vient répandre quelque incertitude sur ce but de la répression; il ne suffit pas que la justice se proclame une mission, il faut qu'elle puisse l'accomplir; et suivant l'aveu de M. Rossi luimême [2], faute de quantités certaines et de données fixes, le problème est encore à résoudre. Un magistrat distingué a voulu récemment concilier ces divers systèmes, en donnant à la loi pénale le triple but, de réformer, d'instruire et d'intimider, et il a rappelé ce texte de Sénèque, qui l'exprime, en effet, avec une précision remarquable : « In vindicandis injuriis, hæc tria lex secuta est, quæ princeps quoque debet, ut eum quem punit emendet, aut ut pæna ejus cæteros reddat meliores, aut ut sublatis malis securiores

[1] Traité du droit pénal, liv. 3, ch. 2. [2] Traité du droit pénal.

[3] M. Victor Foucher, Observations snr le Code

cæteri vivant » [3]. Mais on doit faire observer que cette combinaison des divers objets de la loi pénale est loin de renfermer une conciliation de ces trois systèmes, puisque chacun de ces objets cesse à la fois d'être la fin principale de la loi.

A nos yeux, l'intimidation, la réforme ou l'expiation ne sont point, à proprement parler, le but du châtiment, mais bien des moyens de l'atteindre. Et, en effet, la fin de toute pénalité est le maintien de l'ordre dans la société, la protection du droit. Tous les systèmes divergens viennent se confondre dans ce principe commun. C'est vers cette fin de la peine que tendent à la fois, et par des efforts instantanés, l'intimidation qu'elle inspire, l'expiation qu'elle proclame, la réforme qu'elle s'efforce d'opérer.

Ainsi, la crainte de la peine protége l'ordre social en agissant sur les hommes quì, assez corrompus pour n'être pas retenus par la seule immoralité du délit, calculent et mettent en balance le plaisir qu'il peut leur procurer et le mal du châtiment; la réforme, en enlevant au coupable lui-même le désir de commettre un nouveau délit; l'expiation, si elle est possible, en donnant satisfaction à la conscience publique, en proclamant comme un haut enseignement, le mal et sa réparation, le crime et sa punition. Mais tous ces moyens d'action sont renfermés dans la même peine; ils concourent à la rendre efficace; ils lui prêtent leur force; ils gravitent vers l'accomplissement de sa mission, qui est la conservation de la société.

Il suit de là que la peine, pour atteindre son but social, doit nécessairement produire les effets divers que lui donnait Sénèque, et qui sont de réformer, d'instruire, d'intimider. La peine la plus propre à assurer ce triple effet est donc la plus efficace : ses premières qualités sont donc d'être exemplaire, réformatrice, instructive. Exemplaire, en produisant un mal sensible à tous les yeux, et dont l'impression puisse intimider et retenir ceux qui seraient portés à imiter le coupable. Réformatrice, en régénérant le caractère et les habitudes vicieuses du condamné. Instructive, soit par son analogie avec le délit, en infligeant un mal qui soit dans une juste proportion avec sa gravité, soit par son autorité légale, en entretenant et fortifiant dans les ames la conviction de la perversité des actes qu'elle punit. C'est par là

pénal du Brésil ; Collection des lois des états modernes, 2o liv.

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