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conçus : [*] Art. 86. «L'attentat contre la vie on contre la personne du roi est punie de la peine du parricide. L'attentat contre la vie ou contre la personne des membres de la famille royale est puni de la peine de mort. » — Art. 87. « L'attentat dont le but sera, soit de détruire, soit de changer le gouvernement ou l'ordre de successibilité au trône, soit d'exciter les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité royale, sera puni de mort. » — Art. 88. « L'exécution on la tentative constitueront seules l'attentat. »

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Il résulte de ces dispositions que l'attentat puise son caractère dans le but même qu'il se propose d'atteindre. Ainsi ce crime, dans l'esprit du Code pénal, tantôt c'est l'acte qui met en péril la vie du roi ou des membres de la famille royale; tantôt c'est le soulèvement qui veut la destruction du gouvernement; tantôt l'insurrection contre l'autorité royale. Les art. 86 et 87 reconnaissent et énumèrent quatre espèces d'attentats.

L'attentat contre la vie ou la personne du roi ou des membres de la famille royale occupe le premier rang. Les termes dans lesquels la loi a défini ce crime soulèvent plusieurs réflexions. L'expression d'attentat contre la vie présente une idée nette et précise: c'est l'assassinat, l'empoisonnement, le meurtre même; ce sont tous les crimes qui menacent l'existence même de la personne. Mais qu'est-ce qu'un attentat contre la personne ? Il nous semble que ces mots, mis en opposition avec ceux d'attentat contre la vie, ne peuvent s'entendre que des blessures ou des violences graves commises sans intention de tuer. Il faut d'ailleurs rapprocher l'art. 86 de l'art. 305 du Code, qui comprend sous la dénomination d'attentats contre les personnes non seulement l'assassinat et l'empoisonnement, mais les autres violences graves. Or, quelle sera la gravité des violences pour qu'elles soient qualifiées d'attentat? C'est là seulement qu'est la difficulté, et la loi ne l'a point résolue. Fautil conclure de l'absence de cette distinction que toutes blessures et coups volontaires, que toutes violences, quelque légères qu'elles soient, doivent prendre cette qualification dès qu'elles sont exercées sur les membres de la famille royale? Fautil établir que l'action qui, commise envers des citoyens, sera considérée comme un simple délit correctionnel et punie de quelques jours d'em

prisonnement, doit être regardée comme un crime et être punie de mort si elle a été dirigée contre l'une de ces personnes? Pour admettre une conséquence aussi rigoureuse, il faudrait une loi plus explicite. Il nous semble qu'une distinction doit être adoptée : ce serait de ne comprendre sous la qualification d'attentat que les seules violences que la loi pénale range dans la classe des crimes. Cela nous paraît résulter de la gravité même de la peine applicable à l'attentat; de ce que cette expression, qui indique une action matérielle violente, une attaque à main armée, s'appliquerait difficilement à un simple délit ; enfin, de ce que l'article 305 semble restreindre les attentats contre les personnes aux faits qui sont punissables de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation.

Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait attentat, que le crime soit le résultat d'une pensée politique. L'article 86, dans un intérêt social, a couvert les membres de la famille royale d'une protection spéciale. Le législateur a pensé qu'à leur sûreté était attachée la sûreté de la société, et que les crimes commis contre ces personnes avaient un retentissement funeste et de fatales conséquences pour la paix publique. Or, qu'importe que ces crimes soient le fruit des vengeances des partis ou d'une vengeance privée, d'une haine particulière ? Si l'ébranlement social peut n'être pas le même, les conséquences ne sont pas moins alarmantes, le péril n'est pas moins grave. La généralité de l'art. 86 ne peut donc être restreinte par une distinction puisée dans la source d'où le crime émane, dans le sentiment qui l'a produit.

Cette disposition protége, il est nécessaire de le remarquer, tous les membres de la famille royale. Or cette extension soulève deux observations. D'abord est-elle nécessaire en elle-même? Le Code du 25 septembre-6 octobre 1791 n'avait étendu cette garantie qu'à l'attentat contre le roi, le régent et l'héritier présomptif du tróne. Les statuts de l'Angleterre ne punissent également le complot que lorsqu'il a pour objet la mort du roi, de la reine ou de l'héritier de la couronne [1]. Dans la Prusse et l'Autriche, les entreprises dirigées contre la vie ou la liberté du chef de l'état constituent seules des crimes de haute trahison. Il est évident en effet que les motifs politiques qui entourent la vie du chef

[*] Voy. les articles du Code ancien à l'appen- his queen, or of their eldest son and heir. (St. dice. 25 th Edw. III, C. 2, conf. by 38 Geo. III, C. 7, et

{1} The death of our lord the king, of our lady 57 Geo. III, C. 6.)

de l'Etat ou de son héritier présomptif d'une plus haute garantie, ne s'appliquent point avec la même force à la personne des autres membres de la famille : «La vie la plus précieuse à un Etat, dit Filangieri, est celle du représentant de la souveraineté de la nation et de son premier magistrat. Lorsqu'un citoyen ose frapper ce magisrrat suprême, la famille civile perd son père, la tranquillité générale est troublée, l'ordre public est détruit, la majesté du trône ou de la république est avilie [1]. » Or, ces effets, sont-ils les mêmes, se présentent-ils au même degré quand ce n'est pas le chef de l'état, mais l'un des membres seulement de sa famille qui est frappé? Est-il nécessaire alors d'élever les peines jusqu'à la peine capitale pour venger des violences ou des voies de fait? Dans la discussion de la loi du 28 avril 1822, M. Bavoux avait proposé un amen dement ainsi conçu : « Ces peines ne s'applique ront qu'à l'attentat ou au complot contre la personne du roi ou celle de l'héritier dela couronne. La peine du degré inférieur sera appliquée au crime qui serait commis à l'égard des autres descendants du roi. » On disait à l'appui : « Le roi, assimilé aux membres de sa famille, présente un grave inconvénient qui blesse la justice, la politique et l'ordre constitutionnel. Le roi est placé au point culminant de la hiérarchie sociale; il représente la force et la souveraineté de la société; sous ce rapport il n'a point d'égal, et il est impossible d'élever jusqu'à lui les membres de sa famille ou de le faire deseendre jusqu'à eux: seul il est inviolable. » Le rapporteur combattit cet amendement en ces termes : « Il résulterait de cette disposition que l'attentat ou le complot qui auraient pour objet les membres de la famille royale, pourvu toutefois que ce ne fût ni le roi ni l'héritier de la couronne, seraient punis de la peine immédiatement inférieure à celle du complot ou de l'attentat contre le roi ou son héritier présomptif. Or la peine immédiatement inférieure est celle des travaux forcés à perpétuité; d'où suit la conséquence que celui qui met à mort un simple citoyen sera puni de mort, tandis que celui qui assassinerait un membre de la famille royale sera puni des travaux forcés à perpétuité [2]. » D'après cette observation l'amendement fût rejeté. Cependant cette obser

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vation elle-même contenait une erreur évidente; car il en résulte que le mot attentat serait synonyme d'assassinat, ce qui est entièrement inexact, ainsi qu'on l'a vu plus haut. Du reste, il eût mieux valu peut-être, au lieu de former deux classes de peines pour l'attentat, laisser dans le droit commun les crimes commis contre les membres de la famille royale, autres que le roi et l'héritier présomptif de la couronne.

La deuxième difficulté est relative à la signification légale de ces mots : membres de la famille royale. L'article 3 du sénatus-consulte du 30 mars 1806 partait : « 1o La maison impériale se compose des princes compris dans l'ordre d'hérédité établi par l'acte du 28 floréal an XII, de leurs épouses et de leur descendance en légitime mariage; 2o des princesses nos sœurs, de leurs époux et de leur descendance en légitime mariage, jusqu'au cinquième degré inclusivement; 3o de nos enfants d'adoption et de leur descendance légitime. » Ces dispositions doiventelles être considérées comme étant encore en vigueur? Les collatéraux, jusqu'au cinquième de gré, sont-ils investis du privilége de l'art. 86? Cette question fut soulevée comme la première dans la discussion de la loi du 28 avril 1832, et elle y a trouvé une sorte de solution dans ces paroles du rapporteur : « Le sens des mots, membres de la famille royale,est déterminé par l'usage constant. Un prince du sang n'est pas membre de la famille royale. »>

Le deuxième cas d'attentat prévu par le Code pénal est celui qui pour but de détruire ou de changer le gouvernement; c'est-à-dire « de substituer, dit M. Carnot, toute autre forme de gouvernement à celui que la Charte constitutionnelle a établi; d'où il suit que le complot ou l'atteutat qui tendrait à substituer le gouvernement absolu au gouvernement constitutionnel, comme celui qui tendrait à substituer au gouvernement constitutionnel le gouvernement républicain, ferait nécessairement rentrer le crime dans la disposition de l'art, 87 [3]. »

La troisième espèce d'attentat est celle qui a pour but de détruire ou de changer l'ordre de successibilité au trône. Il ne faut pas confondre ce crime avec l attaque par la voie de la presse contre l'ordre de successibilité au trône, délit successi

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:

vement prévu et puni par l'article 4 de la loi du
17 mai 1819, l'article 2 de la loi du 25 mars 1822,
et par la loi du 29 novembre 1830 ainsi conçue
«Toute attaque par l'un des moyens énoncés en
l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819, contre l'ordre
de successibilité au trône...., sera punie d'ur
emprisonnement de 3 mois à 5 ans et d'une
amende de 300 à 6,000 fr. » [*] Cette disposition,
ainsi qu'on le verra plus loin, n'a point été mo-
difiée par l'article 5 de la loi du 6 novembre 1835.
L'attentat qui a pour but d'exciter les ci-
toyens ou habitants à s'armer contre l'autorité
royale, est le dernier cas prévu par l'art. 87. Le
projet primitif du Code portait : contre l'exer-
cice de l'autorité impériale. La commission du
Corps législatif proposa d'effacer ce mot exer-
cice: « Le motif de cette proposition est que
l'autorité impériale s'exerçant au nom du souve-
rain par une foule d'agents inférieurs, ils pour-
raient, pour des cas de simple obstacle, ou de
refus mal fondé de déférer sur-le-champ, ou de
démarches qu'ils couvriraient du prétexte de
leurs fonctions, être exposés souvent à des pour
suites; cas qui, quoique punissables, n'auraient
rien de commun avec le grand objet de cet arti-
cle. Cet inconvénient serait prévenu en se bor-
nant à n'indiquer que l'autorité impériale. » Cet
avis fut partagé par le Conseil d'état [1]. Au
reste, il résulte formellement des termes de l'art.
87 que, pour qu'il y ait attentat, il faut qu'il y
ait un acte exécuté, que cet acte ait pour effet
d'exciter à prendre les armes, et que cette prise
d'armes soit exclusivement dirigée contre l'au-
torité royale.

dont l'ancienne rédaction définissait l'attentat, un acte commis ou commencé pour parvenir à l'exécution, et dont le nouveau texte porte que l'exécution ou la tentative constituent seules l'attentat. Il faut donc, dans le système du Code pénal, qu'un acte soit préparatoire, soit d'exécution, ait été commis pour l'existence du crime.

L'interprétation de ces mots de tentative et d'exécution a soulevé quelques dissidences. Plusieurs personnes avaient pensé qu'il était difficile d'admettre que par le mot exécution le législateur eût voulu désigner la consommation de l'attentat. Car, en matière politique, la consommation c'est la victoire; et dans le nouvel état de choses que la victoire aura fondé, quel sera le vengeur du système aboli? L'éxécu– tion ne peut donc s'entendre que de la tentative; et dès lors le mot tentative ne peut plus désigner que les actes du dégré précédent, c'est-à-dire les préparatifs.

Ce système, dont nous avons déjà indiqué l'inexactitude au chapitre de la tentative (suprà, p. 151), est visiblement erroné. Le Code pénal réputait attentat, dans son ancien texte, tout acte extérieur commis ou commencé pour parvenir à l'exécution. C'était une dérogation flagrante au principe de l'article 2 du même Code, qui ne punit la tentative que lorsqu'il y a commencement d'exécution. La modification opérée dans la rédaction de l'art. 88 a eu pour but de faire disparaître cette anomalie en ce qui concerne l'attentat, et de replacer ce crime dans le droit commun, en disant que le fait ne constituera l'attentat qu'autant qu'il y aura eu exécution ou tentative: il est évident que le législateur n'a pu entendre que la tentative légale. « La manisfestation par des actes extérieurs, disait le garde-des-sceaux dans l'exposé des motifs, d'une résolution criminelle, mais avant le commencement d'exécution, ne saurait être assimilée à l'attentat lui même. C'est à l'attentat, c'est-à-dire à l'exécution déjà commencée, que la peine capitale sera réservée. »>

Une règle générale et qui s'applique aux quatre espèces que nous venons de parcourir, c'est qu'il ne peut y avoir attentat dans l'esprit du Code qu'autant qu'un acte matériel existe et a été constaté. En effet, tous les attentats énumérés par les articles 86, 87 et 91 du Code, supposent une action matérielle et violente, une attaque à force ouverte, une prise d'armes : le même terme, dans les articles 277 et 305, signifie un assassinat, un meurtre, un empoisonnement. Ainsi le premier élément de l'attentat est un acte de la force brutale, un acte de violence; et c'est aussi ce que la Cour de cassation a reconnu en jugeant que les actes immatériels, tels que les discours et les écrits, ne peuvent jamais constituer l'acte ou fait extérieur dont se forme l'attentat [2]. Cette règle devient évidente en face de l'art. 88, tive équivalente à l'exécution, c'est-à-dire celle

[*] Voy. une disposition analogue dans le décret belge du 20 juill. 1831, art. 1.

Au reste, cette interprétation a été consacrée par la Cour de cassation, qui a formellement reconnu: « qu'en substituant la tentative à un acte commis ou commencé, et en plaçant sur la même ligne la tentative et l'exécution, le nouvel article 88 n'a pu entendre que la tenta

[1] Procès-verbaux, séance du 9 janv. 1810. [2] Arr. cass., 26 avr. 1817 (Bull. no 33).

qui est considérée comme le crime même par l'art. 2 du Code pénal; que s'il en était autrement, et si elle avait voulu établir pour ce cas une tentative spéciale et hors du droit commun, la loi s'en serait expliquée, et ne se serait pas servie simplement d'une expression dont le sens légal venait d'être par elle déterminé dans l'article 2 révisé du Code pénal; que cette interprétation du nouvel article 88 résulte encore clairement des articles 89 et 90 et du deuxième paragraphe de l'article 91; qu'en effet, d'après les articles 89 et 91 le complot est puni de la déportation lorsqu'il y a eu un acte commis ou commencé pour préparer l'exécution des attentats prévus et punis par les articles 86, 87 et 91; qu'il en est de même dans le cas prévu par l'article 90, selon lequel un acte commis ou commencé pour préparer l'exécution de l'un des crimes énoncés en l'article 86 est puni de la détention; qu'il ne suffit donc pas d'un acte commis ou commencé, ou d'une tentative quelconque, pour constituer les attentats prévus par les articles 86, 87 et 91 ; qu'il faut la tentative caractérisée que l'article 2 de ce Code assimile au crime même [1]. »

Il résulte de cette régle importante, d'abord qu'il n'y a point de crime d'attentat toutes les fois qu'il y a eu désistement volontaire, même après le commencement d'exécution; car alors, aux termes de l'art. 2, il n'y a point de tentative légale; ensuite, que l'attentat n'existe aux yeux de la loi, et ne peut être puni, qu'autant que les actes de son exécution ont été commencés: nous avons vu(suprà, p. 150 et suiv.) la différence essentielle qui sépare les actes préparatoires et les actes d'exécution. Ainsi, dans ces deux hypothèses, à savoir, si l'agent s'est volontairement désisté de son entreprise, même après en avoir commencé l'exécution, et si les actes commis sont purement préparatoires de cette exécution et ne la commencent pas encore, le crime d'attentat s'évanouit; mais les mêmes faits peuvent devenir la base d'une accusation de complot, et il est important d'établir cette distinction, puisque la peine n'est plus la même pour ces deux crimes.

Il résulte encore de la même règle que l'exécution, dans l'esprit du Code, c'est la consommation même du crime. Faut-il s'arrêter à cette objection, qu'en matière politique la consommation du crime c'est la victoire, et que la vic

[1] Arr. cass. 13 oct. 1832 (Journ. du droit crim., 1832, p. 286).

toire c'est l'impunité? On confond ici deux cho ses bien distinctes : l'exécution matérielle et les effets de cette exécution. Un complot s'est ourdi: quand les préparatifs sont terminés, les conjurés prennent les armes, descendent sur la place publique, proclament la forme nouvelle qu'ils veulent imposer, et commencent une attaque à force ouverte. S'ils sont vaincus et dispersés, dira-t-on que le crime n'a pas été consommé ? Ce serait une méprise étrange. La consommation n'est pas le succès: le crime est consommé dès que tous les actes qui le constituent ont été accomplis; l'exécution n'est que l'ensemble de ces actes. Prenons une autre espèce: un attentat est dirigé contre la vie des membres de la famille royale; une machine infernale les menace tous à la fois; le coup part et sème la mort autour d'eux, mais aucune des victimes désignées n'est atteinte : le crime n'a pas eu le résultat qu'on en attendait; pourraiton soutenir qu'il n'a pas été consommé? Quel acte resterait donc à l'agent pour l'accomplir ? C'est un crime manqué, si l'on veut, dans son but principal, mais consommé dans l'intention de l'agent et dans l'action matérielle qui le constitue.

Ainsi donc la tentative, dans le sens de l'art. 88 du Code français de 1832, c'est le commencement d'exécution; l'exécution, c'est la conrsommation même de l'attentat. Tels sont les termes précis dans lesquels se résume l'interprétation de cet article.

Les expressions qui s'y trouvent consacrées doivent nécessairement se reproduire dans les questions soumises au jury; ces questions doivent donc être ainsi posées : L'accusé a-t-il exécuté tel attentat? A-t-il tenté de l'exécuter? Cependant la Cour de cassation a dérogé deux fois à cette règle, en confirmant des arrêts dans lesquels au mot exécuté on avait substitué les mots participé ou commis [1]. Il est résulté de cette jurisprudence de fâcheuses incertitudes sur la culpabilité légale des agents qui étaient l'objet de ces arrêts. En effet, l'exécution emporte l'idée d'une agression mise à fin ou du moins commencée, tandis que les expressions que l'on y a substituées peuvent s'entendre aussi bien d'une participation morale que matérielle. Il peut donc rester un doute sur le sens précis que les jurés y ont attaché; et toutefois cette exécution matérielle est une circonstance élémentaire du crime.

[2] Arr. cass. 13 oct. 1832 (Journ. du droit crim., 1832, p. 5) et 20 juin 1833. (Dalloz, 1834, t. 1, p. 246).

Quelques difficultés se sont élevées sur l'application aux attentats et complots des règles de la complicité. Quand il ny a qu'un simple complot, on ne compte que des auteurs et point de complices. Car le complot n'est qu'une résolution d'agir concertée entre plusieurs personnes: or on ne peut participer à une résolution qu'en la partageant. Aussi la Cour de cassation a décidé que par cela seul que le jury a déclaré un accusé coupable d'avoir participé au complot, cet accusé doit être considéré comme coauteur du crime [1]. Mais si cet accusé n'est reconnu coupable que d'avoir pris part aux préparatifs qui ont suivi le complot, quelle sera sa position vis-à-vis des auteurs? Il faut distinguer: si c'est avec la connaisance du complot qu'il a prêté son assistance aux actes préparatoires, il doit être réputé complice; l'article 60 du Code trace une règle générale, et l'article 89 n'en a point restreint l'application. Mais s'il n'a pas connu le complot, si par conséquent il n'a point participé à la résolution criminelle, si l'acte qu'il a commis ne se rattachait point dans son esprit à l'attentat qui en était le but, il est évident qu'il ne peut plus être réputé complice, puisque le crime ne se compose pas seulement d'un acte extérieur, mais d'un complot suivi d'un acte extérieur. Cette règle doit avoir pour effet de mettre en dehors des poursuites cette foule d'agents secondaires et inférieurs que les conjurés emploient pour préparer leur entre prise, mais sans les initier dans le secret de la conjuration. Ces agents peuvent être poursuivis à raison de l'acte qu'ils ont commis, si cet acte, détaché du complot, forme un délit sui generis; mais ils ne peuvent l'être ni comme auteurs principaux, ni comme complices.

La difficulté la plus grave est celle-ci : trois personnes forment un complot; une seule se charge de l'exécuter; une seule participe aux actes de l'exécution: les deux conjurés qui après avoir concerté le complot se sont placés en arrière sur le second plan de la scène, doiventils être réputés complices de l'attentat? On dit: il y a deux catégories distinctes d'agents, ceux qui ont pris part à la résolution criminelle, et ceux qui ont pris part aux actes d'exécution. De ce qu'un homme s'est trouvé dans la première de ces catégories, doit- on présumer qu'il a dû nécessairement se trouver dans l'au tre? Une présomption de droit suffit-elle'pour appliquer la peine capitale à celui qui n'est coupable que de la résolution et des préparatifs?

[1] Arr. 13 oct. 1832 (voy, suprà).

Constatez que les deux conjurés ont trempé dans l'exécution de l'attentat, ou qu'ils ne soient punis qu'à raison du complot. En droit, cette objection n'est pas fondée : il est impossible de ne pas considérer le complot comme un fait préparatoire de l'attentat; c'est là le but où il tend; ôtez la pens ée de l'attentat, le complot n'a plus de prétexte ; c'est pour l'atteindre que plusieurs volontés réunissent leurs puissances et leurs forces; l'action tout entière mûrit et se développe dans le plan des conjurés; il ne reste plus que l'exécution. Or, l'article 60 répute complices non-seulement ceux qui ont provoqué au crime ou donné des instructions pour le commettre, mais encore ceux qui ont assisté l'auteur dans les faits qui ont préparé ce crime. Comment donc soutenir en face de ce texte que ceux qui se sont liés à l'agent principal par un complot, qui lui ont indiqué le but qu'il devait atteindre, qui lui ont tracé le plan qu'il devait suivre (car autrement la résolution n'eût été ni arrêtée ni concertée), comment soutenir que ces agents ne doivent pas être atteints par une présomption de complicité? Sans doute, cette présomption peut être combattue par la preuve coutraire; le conjuré sera admis à établir qu'il s'est retiré du complot, qu'il s'est désisté du projet criminel, que les actes d'exécution n'ont pas eu son aveu. Mais la preuve de ces exceptions lui incombera; la présomption de complicité pèsera sur lui, elle justifiera l'accusation jusqu'aux débats.

On n'opposera point à cette solution le dernier paragraphe de l'art. 60, qui, après avoir énuméré les différents modes de complicité ajoute: « Sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le présent Code contre les auteurs de complots ou de provocations attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, même dans le cas où le crime qui était l'objet des conspirateurs ou des provocateurs n'aurait pas été commis. » Cette disposition n'a eu pour objet, ainsi que nous l'avons fait remarquer au chapitre de la complicité(suprà p. 170), que de réserver le droit que la nécessité accorde au législateur en matière politique, d'incriminer la seule résolution criminelle, indépendamment de son exécution: elle ne crée aucune exception à l'application des principes. de l'article 60 aux crimes et délits politiques.

Ici se termineraient nos observations sur les articles 86, 87 et 88 du Code, si des lois récentes' n'en avaient en quelque sorte altéré les règles, en s'en écartant dans des espèces nouvelles. Les lois françaises du 24 mai 1834 et du 9 septembre 1835 forment aujourd'hui un appen

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