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dice nécessaire de cette partie du Code. La première (dont nous avons déjà examiné le système dans le paragraphe précédent, en détachant d'un crime essentiellement complexe divers actes d'exécution qu'elle incrimine séparément; l'autre, en instituant de nouveaux cas d'attentat qu'elle soumet à de nouvelles règles, restreignent l'application des dispositions du Code et les modifient même implicitement, tout en leur réservant leur sens et leur portée dans les cas qui restent prévus par ces dispositions: c'est un nouveau système qu'elles élèvent à côté de son système; ce sont des dispositions complementaires de ses dispositions, Notre plan nous impose donc la tâche d'examiner ces lois et de les coordonner avec les articles du Code: la loi du 24 mai 1834 doit d'abord fixer notre attention.

La pensée et le mécanisme de cette loi, relativement à l'attentat, se révèlent clairement dans ces paroles du rapporteur : « La législation caractérise l'attentat par le but auquel il veut atteindre, destruction ou changement de gouvernement, excitation à la révolte contre l'autorité royale ou à la guerre civile, etc. C'est dans les limites de cette définition légale que les accusations relatives à des attentats doivent être ramenées. Les actes les plus flagrants d'insurrection sont impunis s'ils ne contiennent pas un attentat descendre en armes dans les rues et sur les places publiques au milieu d'un mouvement insurrectionnel, s'y retrancher et se préparer à soutenir un siège contre la force publique, ce n'est rien encore si l'accusation ne prouve pas que cette prise d'armes et ces retranchements étaient l'exécution ou la tentative d'un attentat. L'attentat se produit toujours, il est vrai, par des actes extérieurs qui tombent aisément sous la preuve ; mais la relation entre ces actes et l'attentat, entre les moyens et le but, ne se prouve pas aussi aisément, et des faits dont l'ensemble constitue incontestable ment un attentat, se rapetissent, s'atténuent et tombent au-dessous de cette grande accusation, quand il faut les imputer séparément à chacun de ceux qui les ont commis. Au-dessous de ces attentats se placent des actes dangereux et criminels qu'il est difficile de leur assimiler complétement, et que la sûreté de l'État com mande cependant de ne pas laisser impunis incriminer et punir à titre de crimes spéciaux les principaux actes insurrectionnels, telle est la pensée qui a présidé à la rédaction du projet de loi. »

Le même rapporteur répondait aux attaques qui, dans le cours de la discussion, furent diri

gées contre la loi : « Cette loi n'est pas une aggravation, elle est une atténuation et un perfectionnement du Code pénal. Le Code punit l'attentat, et il comprend sous ce nom tous les actes qui peuvent faire courir un danger à la sûreté de l'État; quelle que soit la différence de leur gravité, il ne fait aucune distinction entre eux; il les incrimine tous à titre d'attentat, et les frappe tous de la même peine. La loi que nous proposons a pour objet de faire cette distinction nécessaire. Elle laisse l'accusation d'attentat pour les tentatives redoutables qui mettent en danger l'Etat tout entier, et établit des incriminations spéciales et des peines plus faibles pour des actes partiels qui n'ont ni la même gravité ni le même danger [1]. »

Ce principe ainsi posé, est nous avons déjà eu occasion de l'examiner, parcourons les différents actes d'exécution dont la loi a formé des crimes distincts: ils sont énumérés dans les articles 5, 6,7,8 et 9 de la loi du 24 mai 1834.

Le premier de ces actes est le port d'armes apparentes ou cachées, de munitions ou d'un uniforme ou costume dans un mouvement insurrectionnel. L'article 5 de la loi est ainsi conçu : «Seront punis de la détention les individus qui, dans un mouvement insurrectionnel, auront porté soit des armes apparentes ou cachées, ou dès munitions, soit un uniforme ou costume, ou autres insignes civils ou militaires. Si les individus porteurs d'armes apparentes ou cachées, ou de munitions, étaient revêtus d'un uniforme, d'un costume ou d'autres insignes civils ou militaires, ils seront punis de la déportation. »>

Cette disposition fondamentale doit être éclairée par un résumé rapide de la discussion législative.

Le projet de loi avait caractérisé par son objet ou par son résultat le mouvement insurrectionnel : « Les individus, portait ce projet, qui, dans un mouvement insurrectionnel ayant pour objet ou résultat l'un ou plusieurs des crimes prévus par les articles 86 et suivants du Code pénal, jusques et y compris l'article 97, seront pris les armes à la main..... » La commission de la Chambre des Députés a retranché cette définition. On lit dans son rapport : « L'esprit du projet de loi est de préciser les accusations et de renfermer le débat dans la forme d'un fait personnel à l'accusé. La définition du mouvement insurrectionnel que le projet de loi pro- · pose, agrandit sans nécessité le cercle de l'accu

[1] Analyse des discussions (Journal du dro crim., 1834, p. 164).

satiou, et introduit dans le débat, outre la preuve de la prise d'armes, fait personnel à l'accusé et celle du mouvement insurrectionnel dont l'accusé faisait partie, la preuve d'un but ou d'un résultat pour lequel il n'est ni poursuivi ni puni. » Il suit de là que le mouvement insurrectionnel, circonstance élémentaire du crime, rentre dans la classe des faits qui sont abandonnés à l'appréciation du jury.

Un député (M. Vivien) avait proposé d'ajouter, après les mots mouvement insurrectionnel, ceux-ci: pour l'appuyer ou le favoriser. Le but de cet amendement était de ne pas atta-. cher au seul port d'armes une présomption de criminalité, et de mettre de plus à la charge de l'accusation la preuve de l'intention criminelle. Cet amendement, repoussé comme destructif du système de la loi, n'a pas été adopté, mais il a soumis à une discussion approfondie la question grave qu'il soulevait : « Uu principe incontestable, a dit M. Odilon Barrot, c'est qu'il n'y a de crime dans notre législation que quand le fait matériel est uni à une intention criminelle; que tout crime se compose de deux éléments, la matérialité des faits et l'intention criminelle. Cependant les motifs donnés pour repousser l'amendement nous conduisent à appliquer une peine afflictive et infamante à un fait accidentel. On déclare que c'est aux prévenus à prouver qu'ils se sont accidentellement trouvés dans le mouvement. Ainsi, contrairement à ce principe d'éternelle justice, que la présomption d'innocence est toujours en faveur du prévenu, cette présomption se renverse contre lui; c'est à lui de prouver qu'il n'est pas coupable; c'est-àdire que vous incriminez le fait et le déclarez coupable par lui-même, à moins qu'une preuve contraire ne soit faite [1]. » Le garde-des-sceaux a répondu : « L'intention résulte de ce triple fait, savoir d'un mouvement insurrectionnel, de l'arrestation d'un homme dans ce mouvement, et de la circonstance qu'il a des armes ; et de là résulte une présomption suffisante pour le livrer à la justice comme ayant contribué à l'insurrection. Ce sera ensuite au jury à décider s'il n'y a pas eu intention de sa part. On n'a pas besoin de disposition additionnelle, parce que le Code pénal contient une règle générale portant qu'il n'y a pas de crime sans intention. » M. Renouard, membre de la commission, a ajouté : « que l'intention de la commission n'avait point été de matérialiser le crime, de le faire résider dans le seul fait matériel; qu'il est nécessaire d'établir

[1] Moniteur du 15 mai 1834, 2o suppl.

que le fait existe, et qu'il a été commis avec intention criminelle; que sans l'une ou l'autre de ces conditions il n'y aurait point de culpabilité, et le jury ne pourrait prononcer de condamnation. » De ces débats on peut induire, comme un principe certain, que dans le système de la loi, de même que dans tout système pénal, il n'y a point de crime sans intention criminelle constatée. Mais les conséquences en sont moins assurées en ce qui concerne les preuves qui sont à la charge du ministère public ou de l'accusé. Le ministère public se bornera-t-il à dire : Il est constaté qu'il y a eu un mouvement insurrectionnel, il est constaté que le prévenu s'y est trouvé avec armes, il doit être puni? La défense sera-t-elle en droit de répondre: Les faits matériels sont vrais, mais il n'y a point de crime sans intention criminelle et vous ne le prouvez pas ? M. Duvergier, dans ses notes judicieuses sur la loi du 24 mai, émet l'avis que la présomption légale de culpabilité pèse dans ce cas sur l'accusé: «Comment, ajoute-t-il, devra se défendre cet accusé contre lequel le fait matériel est prouvé ? Devra-t-il établir seulement qu'il n'avait pas l'intention de concourir au mouvement insurrectionnel? Non, cela ne suffirait pas pour le soustraire à l'application de la peine; car il n'est pas accusé d'avoir concouru à ce mouvement; si telle était l'accusation, il s'agirait d'un complot ou d'un attentat. Il faudra qu'il prouve que c'est par hasard ou par un motif louable qu'il s'est trouvé dans le mouvement insurrectionnel; car, d'après la loi actuelle, le seul fait de s'être rendu à dessein dans les lieux où se manifestait le mouvement est punissable, sans qu'on ait à s'enquérir du but plus ou moins coupable qu'on avait en vue [2].»> Cette opinion ne nous semble pas parfaitement exacte; et d'abord nous n'admettons point cette culpabilité de droit, cette présomption légale qui place tout homme qui s'est trouvé dans le mouvement, sur le banc des accusés et lui dit : Justifiez-vous ou vous subirez la peine. Si un principe est sorti pur et éclatant des discussions législatives, c'est celui qui proclame l'intention criminelle un élément indispensable du crime. Donc, et la conséquence est rigoureuse, c'est à l'accusation à la prouver. Maintenant, si les faits matériels n'emportent pas avec eux et nécessairement cette preuve de l'intention, rien ne s'oppose non plus à ce qu'on l'induise de ces faits. « Ce n'est pas, a dit le garde-des-sceaux, une présomption de culpabilité, c'est un fait qui sup

[2] Collection comp ète des lois, t. 34, p. 130.

pose l'intention de participer au mouvement in- évident que ce mot s'applique plus spécialement surrectionnel. L'accusation n'est jamais qu'une aux cartouches, à la poudre et aux balles. Les supposition jusqu'à ce qu'elle soit convertie en insignes sont plus difficiles à définir; cependant fait par le jugement. L'accusation suppose, le il a été reconnu que cet article ne s'appliquait jury est appellé à juger le fait et l'intention [1].» point à celui qui prend un costume de convenNul doute donc, lorsque des faits eux-mêmes, tion: « Il a pour unique objet de punir, a dit de la spontanéité de la prise d'armes, de la con le rapporteur, ceux qui, adoptant les insignes duite de l'agent dans le mouvement, de ses actes de l'autorité civile ou militaire, auraient intépersonnels, ressort une intention criminelle, rêt à faire croire que l'autorité civile ou miliqu'il ne soit dans l'obligation de se justifier: taire est avec eux. » On a demandé si la croix c'est la même position que celle de tout accusé d'houneur était comprise parmi les insignes, et qui invoque un alibi, ou qui présent à la con- la réponse a été négative. Il semble suivre de ces sommation d'un crime nie y avoir participé; et, - explications que l'on doit uniquement considans cette hypothèse, l'observation de M. Du- dérer comme insignes les objets qui caractévergier est fort juste: ce n'est pas son concours risent les autorités civiles et militaires: tels seau mouvement qu'il doit réfuter, c'est le fait raient l'uniforme, même partiel, de la garde d'avoir porté des armes dans ce mouvement, le nationale ou de l'armée, l'écharpe qui est le fait de s'y être rendu en armes. Mais si les faits symbole de l'autorité municipale, la ceinture constatés laissent incertaine et douteuse l'inten- que les commissaires de police revêtent dans tion de l'agent, si le ministère public n'apporte leurs fonctions, etc. C'est la simulation d'une à sa charge que le fait matériel de sa présence trahison, et cette fraude doit avoir pour but dans l'insurrection, sans qu'aucune circonstance de donner un appui à la révolte, en persuadant vienne révéler le crime de sa volonté, l'accusé à ceux que le succès entraîne que la garde napeut répondre: Vous m'accusez et vous ne cons- tionale ou l'armée, que l'autorité ou la force tatez contre moi qu'un fait accidentel; prouvez publique sont du côté des insurgés. le crime!

Au reste, il n'est pas nécessaire que l'inculpé soit arrêté porteur d'armes au milieu de l'insurrection; il suffit qu'il s'y soit trouvé. Ce point a été constaté par le rejet d'un amendement qui voulait faire de l'arrestation en flagrant délit une condition de l'existence du crime. M. Renouard a fait observer, avec une parfaite justesse, que toute la question est dans la criminalité du fait, et que cette criminalité n'est nullement affectée parce que l'agent a fui du théâtre de l'insurrection et n'a été saisi que le lendemain au lieu de l'être le jour.

La loi met sur la même ligne le port d'armes, de munitions, et d'un uniforme ou costume civil ou militaire. Ces différents termes ont été expliqués dans la discussion. Un député a rappelé la définition que l'article 101 du Code pénal donne du mot armes, et il a demandé si cette définition s'appliquait à l'article. La réponse du rapporteur a été que ce mot devait être pris dans le seus du Code pénal. Il ne faut pas, toutefois, tirer de cette réponse des conséquences trop judaïques : il ne suffirait pas d'avoir un baton à la main pour être réputé armé, s'il n'était pas prouvé que l'accusé a pris le bâton comme une arme. Quant aux munitions, il est

[1] Motifs de la loi (Journ. du droit crim. 1834, p. 172).

L'art. 5 ajoute dans son dernier paragraphe: « Les individus qui auront fait usage de leurs armes seront punis de mort. » L'exposé des motifs portait : « Si l'accusé a fait usage de ses armes, il est coupable d'assassinat ou de tentative de ce crime. Par conséquent, il ne faut pas être surpris si le projet de loi prononce contre lui la peine de mort: c'est le droit commun, » C'est là, en effet, un crime complexe : l'élément politique ne peut atténuer le meurtre ou l'assassinat.

On avait objecté que les mots faire usage d'armes étaient trop vagues. Le rapporteur a répondu que c'était le mot légal, qu'il se trouvait dans l'art. 381 du Code. « L'expression est très claire, a-t-il ajouté; c'est tirer des coups de fusil, c'est donner des coups de sabre, suivant les armes qu'on porte [2]. »

L'article 6 de la même loi incrimine comme un crime distinct, un deuxième acte d'exécution, le fait de s'emparer avec violence d'armes ou de munitions. Cet article est ainsi conçu : «Seront punis des travaux forcés à temps les individus qui, dans un mouvement insurrectionnel, se seront emparés d'armes ou de munitions de toute espèce, soit à l'aide de violences ou de menaces, soi: par le pillage de boutiques, pos

[2] Moniteur du 16 mai 1834, 1er suppl.

tes, magasins, arsenaux et autres établissemants publics, soit par le désarmement des agents de la force publique : chacun des coupables sera de plus condamné à une amende de 200 à 500 fr. » On a dit pour motiver cet article: « Les insurgés ne doivent pas toujours à des approvisionnements clandestins les armes dont ils sont munis au moment même de l'insurrection: le pillage des boutiques, le désarmement des gardes nationales et des soldats, leur fournissent celles qui leur manquent encore. Ici la violence personnelle aggrave et domine même le fait de rébellion : le citoyen qui défend sa propriété en vahie, le garde national ou le soldat qui se rendent au poste de l'honneur et du devoir, et qui défendent contre la sédition les armes que la loi a mises dans leur mains, engagent leur vie dans cette lutte courageuse. La loi leur doit un appui contre ces actes de guet-a-pens ou de brigandage, et la peine des travaux forcés à temps ne nous a pas paru trop sévère pour punir les agresseurs. >>

Cette peine puise son motif en ce que, outre le crime politique, ce fait présente un crime commun, celui de vol ou de pillage. Mais il semble qu'on aurait dû remarquer que ce dernier crime devient lui-même essentiellement politique, puisque son but est uniquement, telle est l'hypothèse de la loi, de favoriser le mouvement insurrectionnel; la peine politique de la détention eût donc paru plus appropriée à la nature de ce crime et à la criminalité spéciale de ses auteurs. Au reste, il est évident que les termes de cet article 6 sont restrictifs; il est donc nécessaire, pour l'existence du crime, qu'il y ait eu un mouvement insurrectionnel, que les accusés se soient trouvés dans ce mouvemement, et qu'ils se soient emparés d'armes et de munitions à l'aide de l'un des trois moyens indiqués par la loi ; savoir, les violences ou menaces, le pillage, et le désarmement de la force publique.

Les articles 7 et 8 ne présentent que les deux espèces d'un même acte d'exécution: l'envahissement dans une insurrection des maisons particulières on publiques. Il faut en rappeller les termes : Art. 7. « Seront punis de la même peine (des travaux forcés à temps) les individus qui, dans un mouvement insurrectionnel, auront envahi, à l'aide de violences ou menaces, une maison habitée ou servant à l'habitation.» -Art. 8. « Seront punis de la détention les individus qui, dans un mouvement insurrectionnel, auront, pour faire attaque ou résistance envers la force armée, envahi ou occupé des édifices, postes et autres établissements pu

blics. La peine sera la même à l'égard de ceux qui, dans le même but, auront occupé une maison habitée ou non habitée avec le consentement du propriétaire ou du locataire, et à l'égard du propriétaire ou du locataire qui, connaissent le but des insurgés, leur aura procuré sans contrainte l'entrée de ladite maison. » Il faut distinguer dans ces deux articles trois incriminations: l'envahissement d'une maison habitée, l'envahissement d'un édifice public, enfin l'occupation d'une maison habitée avec le consentement du propriétaire ou locataire, qui, ce cas, est réputé complice. Le rapport de la Chambre des Députés donne sur le premier de ces crimes les explications suivantes : « L'invasion violente du domicile d'un citoyen, dans un mouvement insurrectionnel, est un acte de même. nature que ceux prévus dans l'art. 6, et que la même peine doit frapper. Ici encore la violence personnelle aggrave et domine le fait de rébellion. Nous avons cru devoir une protection énergique au citoyen dont l'insurrection envahit la demeure, et qu'elle expose à tous les dangers de la violence qui l'accompagne et de la répression qui la poursuit. » Nous ne répéterons pas, au sujet de la nature de la peine, les observations que nous a suggérées l'article 6. Nous ferons seulement remarquer que les circonstances constitutives du crime sont l'existence d'un mouvement insurrectionnel, l'envahissement, pour concourir à ce mouvement, d'une maison habitée, enfin les violeuces ou les menaces : l'omission d'un seule de ces circonstances ferait disparaître ce crime spécial. La loi n'a point défini les mots maison habitée ou servant à l'habitation; nous pensons que, dans l'esprit du législateur, on doit chercher cette définition dans l'article 390 du Code; cependant il est visible que la protection personnelle dont la loi a voulu couvrir les citoyens permettait de prendre ce terme dans une acception moins étendue.

L'envahissement des édifices, postes et autres établissements publics, forme un crime distinct du premier: il n'y a plus ici lésion envers des tiers; le fait est exclusivement politique. Aussi les éléments qui le constituent ne sont pas les mêmes; les violences et le fait d'envahissement ne sont plus des conditions nécessaires de son existence: la simple occupation de ces édifices constitue le crime; mais il est indispensable que cette occupation ait eu lieu dans un mouvement insurrectionnel et pour faire attaque ou résistance envers la force armée: ce sont là les deux conditions de la criminalité de cette action.

Enfin l'insurrection peut encore se fortifier

dans les maisons que lui livre la complicité de leurs habitants. De la part des insurgés, c'est le même crime que l'occupation d'un établissement public: il n'y a ni violences, ni envahissement, dès que les habitans y consentent; il n'y a donc point de crime commun, et le fait reste purement politique. Mais de la part de ces habitants, il y a acte et complicité par le seul fait de procurer librement aux insurgés l'entrée de leur maison, avec la pleine connaissance de leur but. Toutefois il est évident que c'est à l'accusation à prouver cette connaissance; et il ne faut pas perdre de vue, dans cette espèce comme dans la précédente, que le but des insurgés est de faire attaque ou résitance envers la force armée dans un mouvement insurrectionnel.

Les derniers actes d'exécution de l'attentat que la loi ait détachés de ce crime pour les incriminer séparément, sont énumérés par l'art. 9 ainsi conçu: « Seront punis de la détention les individus qui, dans un mouvement insurrectionnel, auront fait ou aidé à faire des barricades, des retranchements ou tous autres travaux ayant pour objet d'entraver ou d'arrêter l'exercice de la force publique; ceux qui auront empêché, à l'aide de violences ou de menaces, la convocation ou la réunion de la force publique, ou qui auront provoqué ou facilité le rassemblement des insur gés soit par la distribution d'ordres ou de proclamations, soit par le port de drapeaux ou autres signaux de ralliement, soit par tous autres moyens d'appel ; ceux qui auront brisé ou détruit uu ou plusieurs télégraphes, ou qui auront envahi, à l'aide de violences ou de menaces, un ou plusieurs postes télégraphiques, ou qui auront intercepté, par tout autre moyen, avec violences ou menaces, les communications ou la correspondance avec les divers dépositaires de l'antorité publique. »

Les motifs de cet article sont indiqués dans l'exposé des motifs et le rapport de la commission de la Chambre des Députés : « A côté des factieux qui se présentent en armes dans une insurrection, disait le ministre, il y a des individus qui sont toujours prêts à leur porter secours, à les aider à se cacher derrière les barricades, les retranchements ou tous autres ou vrages. C'est sans doute une participation coupable qui n'est néanmoins punie, d'après notre législation nouvelle, qu'autant qu'on peut la considèrer comme une complicité dans le complot ou l'attentat. Il en résulte qu'il y a toujonrs impunité. » Le rapport ajoute: « En suivant les développemens de l'iusurrection, nous la trouvons occupée, soit à propager les ordres et à rassembler ses fauteurs, soit à empêcher le

ralliement de la force publique et à intercepter ses communications. Nous avons décrit ou puni tous ces actes qui peuvent ne pas constituer en eux-mêmes un attentat, mais donnent appui à la révolte qui tente de le commettre, ou entravent l'action de l'autorité publique dont le de→ voir est de l'empêcher. »>

La définition de chacun de ces actes donnée par la loi nous dispense d'en analyser les éléments. Mais on ne doit pas perdre de vue que deux principes dominent toute incrimination dans cette matière: il est nécessaire que l'acte, quel qu'il soit, ait été commis dans un mouvement insurrectionnel; c'est là ce qui fait son péril; et que cet acte ait été commis avec une intention criminelle, car sans volonté coupable il n'y a point de crime; cette règle plane sur toutes les dispositions de cette loi spéciale et s'incorpore avec chacune de ses dispositions pénales. Aussi, et à l'occasion de cet article 9, un député avait demandé que le mot volontairement y fût inséré. On répondit que cette insertion était inutile, et que l'article 64 du Code pénal excusait d'ailleurs les personnes qui n'auraient pas agi volontairement [1].

Deux dispositions complètent le système de la loi du 24 mai 1834: la première, introduite par l'article 11 de cette loi, permet dans tous les cas qu'elle a prévus, s'il existe des circontances atténuantes, de faire l'application de l'art. 463 du Code pénal : cette application fait aujourd'hui partie de notre système pénal; pour l'écarter il eût fallu sortir du droit commun. La seconde autorise la Cour d'assises à prononcer la surveillan-ce, dans le cas où la peiue est atténuée, pendant un temps qui ne peut excéder le maximum de la durée de l'emprisonnement prononcé par la loi. Cette dernière disposition, attaquéc dans la discussion, a donné licu aux explications qui suivent : « Les faits que la loi que nous discutons a pour objet de punir, a dit le rapporteur, entraînent de plein droit le renvoi sous la surveillance de la police, puisqu'ils sont punis de la détention, peine criminelle. Mais comme cette loi porte que, dans tous les cas, les peines prononcées par elle pourront être modifiées par l'art. 463, la peine de la détention peut descendre jusqu'à un emprisonnement qui ne pourra jamais être moindre d'une année. Dans ce cas, nous avons dû examiner s'il fallait abandonner ou retenir la faculté de renvoyer en surveillance, L'article 49 du Code pénal nous a paru décisif; il porte: « Devront être renvoyés sous la surveil

[1] Journ. du droit crim. 1834, p. 178.

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