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lance de la haute police ceux qui auront été con damnés pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de l'État. » Mais pourquoi donc redire ce que l'article 49 a déjà dit? Parce que cet article rend la surveillance obligatoire et perpétuelle, et que nous avons voulu la rendre facultative et limitée. » On doit, au reste, remarquer que par cet article, de même que par l'article 2 de la loi dn 10 avril 1834 sur les associations, la durée de la surveillance est déterminée par la durée de la peine prononcée par la loi, et non de la peine prononcée par le jugement. Le minimum de cette peine est d'une année.

Nous terminons ici l'exposé du système de la loi du 24 mai 1834. Il était indispensable d'en parcourir avec quelque détail les principales dispositions, puisque ces dispositions, complé mentaires de celles du Code sur l'attentat et étroitement liées avec elles, ne doivent plus en être séparées dans la pratique. C'est désormais dans la combinaison de ces lois diverses que les crimes contre la sûreté intérieure de l'Etat doivent trouver leur répression. Cette grande accusation de l'attentat, dont les preuves étaient péniblement édifiées, se dissémine en accusations moins graves, mais plus positives et plus faciles à constater. L'accusation devra donc examiner si les actes qui semblent manifester un complot ou un attentat ont une relation directe avec ces crimes, et si cette relation peut être prouvée. Si cette preuve existe, ils seront poursuivis comme éléments de l'attentat et en vertu des dispositions du Code pénal; si le lien qui unit ces actes au complot échappe aux investigations de la justice, ils pourront encore être l'objet de ses poursuites en vertu de la loi du 24 mai 1834, non plus comme actes d'exécution de l'attentat, mais comme crimes distincts, et puisant toute leur criminalité dans les faits isolés qui en forment la base.

Il nous reste maintenant à examiner les cas nouveaux d'attentat ajoutés au Code pénal par la loi française du 9 septembre 1835. Ces espèces nouvelles sont au nombre de trois: la provocation par voie de publication aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal; l'offense au roi commis par la même voie; enfin l'attaque contre le principe et la forme du gouvernement. La qualification d'attentat à la sûreté de l'Etat, attribuée par la loi à ces différentes attaques, appelle en premier lieu notre attention. La discussion législative a long-temps contesté cette qualification; mais le grand intérêt de cette controverse était d'écarter la juridiction de la Cour des Pairs, question dont nous n'avons point

à nous occuper ici. La seule question qui doit nous intéresser est la qualification en elle-même, abstraction faite des nouvelles règles de compétence qu'on peut y puiser.

M. Sauzet, rapporteur, s'est exprimé en ces termes : « Le législateur a toujours le droit, sui vant les périls sociaux, d'ériger certains faits coupables en attentats; la charte n'a pas décrété l'immutabilité de nos lois pénales; son article 28 réserve au contraire formellement le droit de la législation future. Ce serait, il est vrai, un subterfuge indigne de la Charte que d'étendre la juridiction de la Chambre des Pairs, en qualifiant attentats à la sûreté de l'État des faits dont la nature répugnerait à ce caractère; mais la provocation à la révolte est bien évidemment dirigée contre la sûreté de l'Etat; l'offense à la personne du roi est elle-même placée par le Code pénal au nombre des délits contre la sûreté de l'Etat; il y a mieux, de tels faits ne sont délits et crimes que parce qu'ils intéressent la sûreté de l'Etat, et à raison du péril qu'ils lui font courir. Or la provocation et l'offense sont punies aujourd'hui du maximum des peines correctionnelles ; l'intérêt de la société commande l'aggravation de la peine : la loi les frappe de la moins élevée des peines criminelles. Par là même, ainsi que par leur propre nature, ces faits deviennent des crimes; et comme, à l'époque où ils étaient simples délits, la loi les déclarait délits contre la sûreté de l'Etat, leur nature ne s'affaiblit pas quand ils deviennent crimes, et ils sont nécessairement des crimes contre la sûreté de l'Etat.»>

M. de Barante, rapporteur de la commission de la Chambre des Pairs, a soutenu le même système. « Si le délit et l'attentat avaient reçu de la loi une définition tirée de la nature des choses, a dit l'orateur, si le législateur avait cherché pour les classer des différences fondamentales tenant à une essence différente de criminalité, il est clair qu'appeler un délit attentat serait un mensonge de la loi, et qu'il y aurait iniquité à déduire des conséquences de ce qu'on a imposé le même nom à deux actes essentiellement différents; mais le Code pénal n'a point donné une définition morale et essentielle du délit et du crime, il les a classés par la peine que la loi applique à chacun. L'infraction que la loi punit d'une peine correctionnelle est un délit; l'infraction que la loi punit d'une peine afflictive et infamante est un crime; de sorte que, si par telle ou telle circonstance, le législateur change la peine, l'infraction peut changer de dénomination sans mensonge, sans que le sens légal du mot soit faussé ni contraint. Par là nous ren

trons tout simplement dans le fond de la question: Convient-il de regarder comme plus grave qu'autrefois l'acte de provocation ou d'offense au roi ? A-t-il ou n'a-t-il pas une similitude avec les actes qualifiés attentats? »

Cette théorie n'a pas été admise sans contradiction. Plusieurs orateurs ont soutenu que l'attentat a sa définition dans sa nature même, et qu'il ne dépendait point du législateur d'étendre cette qualification à des actes qui n'offrent pas les éléments constitutifs exigés par les principes généraux de la législation. «Tous les criminalistes, a-t-on dit, ont défini l'attentat un acte matériel d'attaque contre une personne ou contre la société. Ainsi le meurtre est un attentat contre une personne; la prise d'armes contre le pouvoir établi est un attentat contre la société. Il est évident qu'il ne saurait y avoir d'attentat sans un acte matériel, car il est l'attaque matérielle et ne peut être autre chose. »> -« Qu'estce donc qu'un attentat? a ajouté M. Nicod: c'est la force brutale attaquant les pouvoirs sociaux; c'est une action matérielle et violente qui est directement, immédiatement destructive de l'ordre social et de la paix publique; c'est une attaque à force ouverte et à main armée. Voyez les exemples qu'en donne le Code pénal dans tous les cas qu'il spécifie, vous voyez des faits matériels, vous voyez éclater la force, vous voyez une action violente et destructive. >>

Il est hors de doute que ces caractères appartiennent, ainsi qu'on l'a vu plus haut, aux crimes que le Code pénal a qualifiés attentats: mais ce Code n'a défini nulle part l'attentat à la sûreté de l'État ; il en a incriminé des espèces; le genre est resté dans le domaine du législateur. Cette interprétation est conforme à la Charte, qui déclare que les attentats à la sûreté de l'État seront définis par la loi. La loi a donc conservé le pouvoir, soit de tracer cette définition, soit de créer de nouvelles espèces de ce crime. Dans la pensée du législateur, l'attentat à la sûreté de l'État est un crime qui intéresse la société entière, qui jette la perturbation dans son sein, et qui compromet sa sécurité; et c'est à la loi qu'il appartient d'en définir les caractères et d'en énumérer les espèces, suivant les temps et les nécessités toujours variables de la société. De sorte qu'il pourrait arriver que certains faits qualifiés crimes contre la sûreté de l'État par le Code pénal ne fussent pas considérés par le légis lateur comme attentats à la sûreté de l'État, et que certains autres qui ne sont pas encore définis comme crimes dussent à une loi nouvelle et cette définition et le titre d'attentats. Posons donc

cette distinction importante, que l'attentat prévu par le Code et l'attentat prévu par la loi du 9 septembre ont chacun leurs caractères propres et leurs éléments distincts; qu'ils forment des espèces différentes d'un même crime, et que les règles qui s'appliquent à chacune de ces espèces sont en général inapplicables à l'autre. Tel est le principe qu'il nous a paru important d'établir.

Cela posé, il importe de parcourir succinctement les trois espèces d'attentats introduites par la loi du 9 septembre 1835.

L'article 102 du Code pénal réputait complices des complots et attentats, « tous ceux qui, soit par discours tenus dans les lieux ou réunions publics, soit par placards affichés, soit par des écrits imprimés, auront excité directement les citoyens ou habitants à les commettre.>> Mais dans un deuxième paragraphe ce même article prévoyait le cas où ces provocations n'auraient été suivies d'aucun effet, et leurs auteurs étaient punis du bannissement. Cet article a été abrogé par l'article 26 de la loi du 17 mai 1819, et remplacé par les articles 1 et 2 de la même loi. L'article 1er répute complice « quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre. » L'article 2 porte: «Quiconque aura, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er, provoqué à commettre un ou plusieurs crimes, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet,sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être de moins de trois mois, ni excéder cinq années, et d'une amende qui ne pourra être au-dessous de 50 fr. ni excéder 6,000 fr. » C'est cet article 2 que la loi du 9 septembre a eu pour but de modifier.

« Si la provocation n'a pas été suivie d'effet, a dit le rapporteur à la Chambre des Députés, la peine doit être moins grave; mais elle doit rester grave encore, car la perversité n'est pas moindre, et de telles provocations ne sont jamais entendues sans que la sécurité sociale en reçoive quelque atteinte. Cependant l'article 2 de la loi du 17 mai 1819 ne punit la provocation même formelle et directe au régicide que d'une peine correctionnelle. Une telle disposition n'est point en harmonie avec la nature et les conséquences politiques de l'attaque; aussi n'avons

nous point hésité à vous proposer de qualifier d'attentat à la sûreté de l'Etat, et de punir de la détention, la provocation non suivie d'effet aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal. » Voici le texte de l'article 1er de la loi «Toute provocation par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la loi du 17 mai 1819, aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, soit qu'elle ait été ou non suivie d'effet, est un attentat à la sûreté de l'État. Si elle a été suivie d'effet, elle sera punie conformément à l'article 1er de la loi du 17 mai 1819. Si elle n'a pas été suivie d'effet elle sera punie de la détention et d'une amende de 10,000 à 50,000 fr. »>

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Ainsi la provocation même indirecte, car la loi ne distingue pas, est considérée comme un attentat à la sûreté de l'État, lors même qu'elle n'a été suivie d'aucun effet, mais seulement lorsque cette provocation a pour objet les crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal revisé. Toute autre provocation non suivie d'effet, et qui aurait pour objet des crimes et délits autres que ceux prévus par ces articles, demeure dans la classe des délits correctionnels, conformément aux dispositions des lois des 17 mai 1819 et 25 mars 1822 [*]. La gravité du péril social, lorsque la vie des membres de la famille royale, lorsque la constitution de l'État est menacée par les factions, justifie sans doute cette dérogation à un principe jusqu'ici reconnu, et qui voulait qu'aux délits de la presse, à ces délits purement intellectuels, lorsqu'ils ne sont l'accessoire d'aucun délit commun, on ne pût appliquer qu'une répression correctionnelle.

Il n'importe pas moins de conserver pure et intacte la ligne qui sépare les provocations suivies d'effet et celles qui n'en produisent aucun. La loi nouvelle consacre cette distance, sinon dans la qualification qui dans les deux cas est la même, du moins dans la gradation des peines. Mais quel est le motif de cette distinction? « La perversité est la même, a dit le rapporteur, mais le crime ne jette pas la même alarme, le même péril dans la société. » Oui, sans doute, le péril diffère dans l'une et l'autre hypothèse; mais, on ne peut le méconnaître, la perversité diffère également. «La criminalité des faits de publication, disait un savant magistrat dans la même discussion, est de deux sortes tantôt elle est accessoire et se rattache à un délit qui existe en dehors de la publication, tantôt elle est principale et constitue elle-même

[*] Voy. décret belge du 20 juill. 1831.

:

et toute seule un délit. Ainsi un attentat à la sûreté de l'État ou tout autre crime est commun; à cet attentat se rattache un écrit qui le provoque eh bien! l'auteur de cet écrit est puni comme complice de l'attentat; ce n'est pas là un délit de la presse, c'est la complicité d'un délit commun; la peine n'est point dans les lois de la presse, mais dans le Code pénal. Si au contraire la provocation n'a produit aucun effet, si elle n'a été suivie d'aucun attentat, d'aucun crime, alors la culpabilité se renferme tout entière dans la publication. Cette publication constitue à elle seule un délit ; et c'est là précisément et seulement le délit de la presse, délit spécial, délit qui ne trouve pas répression dans le droit commun, dans le Code pénal, mais seulement dans les lois de la presse.»

Il existe donc une distance immense, certaine, entre les deux hypothèses, et quant à la nature du fait et quant à la culpabilité. Et en effet, dans quelles circonstances une provocation par publication peut-elle-être suivie d'effet? C'est lorsque cette provocation a lieu au milieu d'une crise actuelle, flagrante; c'est lorsque déjà gronde et se soulève le flot populaire. La publi. cation donne le signal à l'exécution du crime, c'est un brandon en feu qui allume l'incendie : la justice veut que le provocateur soit réputé complice; mais lorsque la provocation est demeurée sans effet, il faut supposer qu'elle avait moins de puissance et d'entraînement, et que les circonstances dans lesquelles elle se produisait étaient moins périlleuses. Assurément il y a plus de culpabilité à entraîner dans des excès un peuple déjà ému et prêt à s'y lancer, qu'à prêcher les mêmes crimes quand il est froid et tranquille; car là le provocateur s'attend à voir ses paroles traduites en actes, ici la même crainte ne l'arrête pas; il excite au crime, mais peutêtre s'il avait foi à la puissance de sa parole, il garderait le silence, car il y a loin d'une provocation générale à l'acte qui consomme ce crime: ce n'est donc qu'un délit immatériel, l'émission d'une pensée coupable. Et alors se présentent en foule les difficultés, les incertitudes que soulève l'appréciation de cette pensée; alors tous les périls de l'interprétation, et le principe longtemps contesté, mais recueilli par la loi du 17 mai 1819, qui n'accorde aux délits de cette nature que la qualification de délits correctionnels.

Ainsi donc le législateur, en élevant au rang des attentats la provocation non suivie d'effet, a limité cette qualification au seul cas où elle a pour objet les attentats prévus par les articles 86 et 87 revisés : le péril social a été la cause et la justification de cette incrimination et de cette

peine. Mais, ce cas excepté, la provocation non suivie d'effet reste dans la classe des simples délits, et cette règle n'a point perdu de sa force par la limite qui lui a été tracée.

Le deuxième cas d'attentat à la sûreté de l'État, créé par la loi du 9 septembre 1835, est l'offense au roi, lorsqu'elle a pour but d'exciter à la haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle.

L'article 86 du Code pénal, dans son deuxième paragraphe, avait déjà placé le délit d'offense publique au roi sous la rubrique des crimes contre la sûreté de l'État. Ce paragraphe est ainsi conçu: «Toute offense commise publiquement envers la personne du roi sera punie d'un empri sonnement de six mois à cinq ans, et d'une amende de 500 fr. à 10,000 fr. Le coupable pourra en outre être interdit de tont ou partie des droits mentionnés en l'article 42, pendant un temps égal à celui de l'emprisonnement auquel il aura été condamné. Ce temps courra à compter du jour où le coupable aura subi sa peine. »

Ce paragraphe, ajouté par la Chambre des Pairs dans la discussion de la loi du 28 avril 1832, n'était point lui-même introductif d'un délit nouveau. L'offense envers la personne du roi était déjà punie par l'article 9 de la loi du 17 mai 1819; et le législateur, en transportant cette disposition dans le Code, n'a changé ni la définition du délit ni les peines. Une seule modification a été apportée à son texte. D'après l'article 9 de la loi du 17 mai 1819, l'offense envers la personne du roi n'est punie qu'autant qu'elle a été commise par l'un des moyens énoncés dans l'article 1er de la même loi, c'est-à-dire par la voie de la publication [*]. A la publicité définie et restreinte par cet article, le Code a substitué une publicité générale et indéfinie : le délit d'offense existe donc, quels que soient les moyens par lesquels il ait été commis, pourvu qu'il soit reconnu qu'il ait été commis publique

ment.

Le sens de ce dernier mot exige quelques explications. Le rapporteur de la Chambre des Pairs a dit, à l'appui de cette disposition additionnelle : « Il y avait dans le Code pénal une lacune qu'on n'aurait pu remplir au moyen d'un article introduit dans la loi du 17 mai 1819, puisque cette loi ne s'occupait que des délits commis par voie de publication. Il convient aujourd'hui

[*] Voy. le décret belge du 20 juill. 1831, ort. 3. Il a été jugé que cet article embrasse toutes les injures envers le roi de quelque manière qu'elles soient articulées. Bruxelles, cass. 13 décembre

de réparer cette omission et d'établir une peine quelconque contre les offenses publiques qui pourraient être adressées au roi ; car les offenses secrètes ne sont pas du domaine de la loi; il faut que les offenses aient été proférées dans des lieux publics pour devenir un délit [1]. » On pourrait induire de ces expressions une condition restrictive, une limite apportée à l'application de cette disposition. Nous croyons qu'il n'en est point ainsi. Une offense peut être commise publiquement sans l'être dans un lieu public: c'est ainsi que la Cour de cassation a reconnu qu'un outrage public à la pudeur peut avoir lieu même dans un lieu non public [2]; et, d'un autre côté, la publicité du lieu n'entraîne point non plus nécessairement celle de l'offense; nous citerons ici encore un arrêt de la Cour de cassation qui a reconnu que les propos proférés dans un cabaret, mais dans le secret d'une confidence et en présence de deux témoins seulement, ne peuvent être considérés avoir été proférés dans un lieu public [3]. Ainsi, suivaut nous, la publicité de l'offense n'est pas essentielle ment soumise à la condition de lieu; le terme employé par la loi n'emporte aucune idée restrictive, et ce serait limiter la publicité qu'elle exige que de la faire nécessairement dépendre de celle du lieu où le délit a été commis. Elle acquiert ce caractère des témoins qu'elle a eus, des effets qu'elle a produits, du scandale qu'elle a causé, et surtout de l'intention de son auteur. Le but du législateur a été de réparer une omission de l'art. 9 de la loi du 17 mai 1819; or, comme cet article punit les offenses commises envers le roi par des discours, des cris ou des emblèmes dans un lieu public, il s'ensuit qu'en s'en tenant strictement à la définition du rapporteur, la loi nouvelle n'aurait à peu près fait que reproduire les termes de la loi ancienne, sans compléter la disposition qu'elle avait pour objet de généraliser. Ainsi la publicité est une condition constitutive du délit prévu par le 2o paraphe de l'art. 86, mais l'appréciation en est laissée souverainement au jury.

Maintenant examinons les modifications que la loi du 9 septembre a apportées à cette législation. L'art. 2 de cette loi porte : « «L'offense au roi commise par les mêmes moyens (énoncés en l'art. Ier de la loi du 17 mai 1819), lorsqu'elle a pour but d'exciter à la haine

1832; Bulletin de cassation, 1833, p. 7. [1] Moniteur du 25 mars 1832, 1er suppl. [2] Arr. cass. 22 fév. 1828. [3] Arr. cass. 1er fév. 1825.

et au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle est un attentat à la sûreté de l'Etat. » L'art. 3 ajoute : « Toute autre offense au roi sera punie conformément à l'article 9 de la loi du 17 mai 1819. >>

Il est inutile de faire observer, sans doute, que les termes trop généraux de ce dernier article ne s'appliquent qu'aux offenses commises par voie de publication. [*] Le 2o paragraphe de l'art. 86 conserve toute sa force à l'égard des offenses publiques. Mais il résulte des dispositions de la loi du 9 septembre qu'il y a deux espèces d'offenses au roi, celle qui provoque à la haine contre sa personne et au mépris de sa royauté, et celle qui ne consiste que dans des expression injurieuses ou dérisoires, en un mot l'offense grave et l'offense légère.

On lit dans le rapport : « Il est certain que l'offense à la personne du roi peut être un attentat à la sûreté de l'Etat ; on ne peut lui méconnaître ce caractère, si elle provoque à la haine contre sa personne et au mépris de sa royauté. Exciter à la haine du prince, c'est s'en prendre à l'Etat dont il est le chef; la société entre en péril quand de tels sentiments sont propagés contre le monarque; et, dans ces temps de fièvre politique, souvent il n'y a pas loin de la haine au crime. Mais tout le monde comprend qu'il est des irrévérences, des expressions injurieuses ou dérisoires qui peuvent être contraires à la majesté royale, sans mettre la société en péril: de tels manquements ne peu-, vent rester impunis, mais une peine correctionnelle est suffisante. C'est par le but politique qu'il convient de les distinguer; c'est ce but politique clairement indiqué qui seul nous autorise à en faire un attentat à la sûreté de l'Etat : on le commet quand on excite à la haine ou au mépris du prince lui-même, parce qu'alors on s'attaque à la sûreté même de l'Etat; autrement il y a irrévérence envers la majesté royale, et les lois existantes frappent le coupable du maximum des peines correctionnelles. »

M. Renouard a ajouté, dans le cours de la discussion «L'offense prévue par l'article 2 st celle qui joint à la qualité générale d'offense un but particulier qui est hautement criminel; c'est l'offense qui a pour but d'exciter à la haine ou au mépris de la personne du roi il ne faut pas la confondre avec l'offense qui ne joint pas à la criminalité ordinaire cet élément particulier. Lorsque l'offense présentera quelques atténuations, lorsqu'elle ne paraîtra pas au jury

[*] V. p. 287, la note de l'éditeur belge.

devoir être punie comme un crime d'attentat, là disposition de l'article 3 présente un moyen simple d'arriver à une pénalité beaucoup moindre. Lorsqu'un écrivain sera traduit en vertu de l'article 2, deux questions seront soumises au jury; on demandera : Y a-t-il offense au roi? On demandera ensuite: Cette offense at-elle pour but d'exciter à la haine et au mépris de la personne du roi ?»

de

Il était utile de recueillir ces paroles qui tracent avec clarté la distinction établie parla loi, indiquent aux Cours d'assises la forme des questions à poser, et offrent à la défense une ressource précieuse. Il reste à définir ce qu'il faut entendre par le mot offense, que la loi a laissé vague et indéfini. Il est évident que cette expression comprend les attaques que la loi du 17 mai 1819 qualifie d'outrages, diffamation et d'injures, quand elles s'adressent à d'autres personnes. Le projet de l'article 9 de cette loi portait les mots d'imputations ou allégations offensantes ou injures, et le mot offense ne fut substitué dans la discussion à ces premiers termes que dans la crainte que ce délit, qualifié injure, ne fùt déféré aux tribunaux correctionnels, tandis que sa gravité commandait qu'il eût pour juge le jury. [1]

Le dernier cas d'attentat institué par la loi française du 9 septembre 1835 est défini par l'article 5 de cette loi, ainsi conçu : « L'attaque contre le principe ou la forme du gouvernement établi par la Charte de 1830, tels qu'ils sont définis par la loi du 29 novembre 1830, est un attentat à la sûreté de l'Etat lorsqu'elle a pour but d'exciter à la destruction ou au changement du gouvernement. » L'art. 6 ajoute : «Toute autre attaque prévue par la loi du 29 novembre 1830 continuera d'être punie conformément aux dispositions de cette loi. >>

Cette incrimination, successivement prévue et définie par les articles 4 de la loi du 17 mai 1819 et 2 de la loi du 25 mars 1822, avait été modifiée par la loi du 29 novembre 1830, dont il est indispensable de reproduire le texte : « Toute attaque, porte cette loi, par l'un des moyens énoncés en l'article Ier de la loi du 17 mai 1819, contre la dignité royale, l'ordre de successibilité au trône, les droits que le roi tient du vœu de la nation française, exprimé dans la déclaration du 7 août 1830, et de la Charte constitutionnelle par lui acceptée et jurée dans la séance du 9 août de la même année, son au

[1] Moniteur du 17 avril 1819.

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