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peut contester, est que les condamnés ne deviennent pas dans les prisons, pires qu'ils étaient en y entrant.

Le travail est la seconde règle de l'institution. Son but est, d'abord, d'arracher les détenus aux vices qu'engendre l'oisiveté; ensuite de leur donner des habitudes d'ordre et de travail qui les suivent, lorsqu'ils redeviennent libres. On a agité la question de savoir si la société avait le droit de contraindre les détenus au travail. Benjamin-Constant l'a nié : « Une maxime qui me semble incontestable, a-t-il dit, et sans laquelle l'esclavage aboli par la religion et les progrès des lumières, serait chaque jour à la veille de renaître, c'est que l'homme ne peut aliéner sa personne et ses facultés, que pour un temps limité et par un acte de sa volonté propre si l'usage qu'il en fait est nuisible, ôtez-lui en l'usage; si le mal dont il est l'auteur est tel que la sûreté publique exige qu'il en soit privé pour jamais, condamnez-le à mort. Mais tourner ses facultés à votre profit, c'est revenir aux époques les plus grossières, c'est consacrer la servitude, c'est dégrader la condition humaine [1]. » L'erreur de ce raisonnement a été parfaitement démontrée. Le travail dans les prisons n'a rien de commun avec l'esclavage; on n'attente pas aux droits de l'homme en exigeant qu'il répare le dommage qu'il a causé, et si l'on admet que la société a le droit de séquestrer celui de ses membres qui a fait abus de sa liberté, il faut qu'elle ait le moyen de le corriger, s'il est possible [2]. La question deviendrait plus délicate s'il s'agissait de savoir si l'on peut infliger des châtimens corporels au condamné qui refuse de se soumettre à l'obligation du travail. Nous ne faisons toutefois aucune difficulté de l'admettre; non que nous pensions qu'on doive, comme aux Etats-Unis, employer le fouet contre les condamnés rebelles [3] : cette peine ignominieuse, que nos mœurs repousseraient d'ailleurs, nous paraît plus propre à flétrir le détenu qu'à le relever à ses propres yeux. M. Edward Livingston propose de substituer à la peine du fouet, comme châtiment disciplinaire, l'emprisonnement solitaire de jour et de nuit, sans travail, et avec réduction de nourri

[1] Commentaire sur l'ouvrage de Filangiéri, 3e part., chap. 12, et Lettre de Benjamin - Constant à M. Taillandier, rapportée dans l'Introduction qui précède le rapport de M. Livingston, au sénat de la Louisiane.

[2] M. Charles Lucas, du Système pénal, p. 265, et M. Taillandier, loc. cit., pag. 2.

ture [4]. Quoi qu'il en soit, il nous paraît incontestable que la société doit employer tous les moyens de corriger le coupable. Or, un travail régulier contribue à effacer les mauvaises habitudes, donne à l'existence du condamné un but utile et moral, réveille dans son ame des idées d'ordre, le réhabilite à ses propres yeux, et en lui assurant un pécule à sa sortie, et une profession dans la société, lui donne des forces contre ses propres penchans et lui ôte jusqu'à l'occasion du crime.

Aux Etats-Unis, jusqu'à présent, deux modes d'exécution paraissent diviser les esprits : l'un et l'autre sont appliqués dans les pénitentairs d'Auburn et de Philadelphie. Ces deux systèmes reposent également sur l'isolement et le travail, mais ils diffèrent dans l'exécution. « Dans l'ancienne prison d'Auburn, disent MM. de Beaumont et de Tocqueville [5], on a essayé l'isolement sans travail, et les détenus qui ne sont pas devenus fous ou qui ne sont pas morts de désespoir, ne sont rentrés dans la société que pour y commettre de nouveaux crimes. » Les fondateurs de la nouvelle maison d'Auburn ont employé une voie différente : les détenus ne sont renfermés dans leurs cellules que pendant la nuit. Durant le jour, ils travaillent ensemble dans des ateliers communs, mais ils sont assujétis à la loi d'un silence rigoureux qui les isole les uns des autres et prévient toute liaison entre eux. A Philadelphie, au contraire, chaque prisonnier est renfermé dans une cellule particulière le jour comme la nuit, mais le travail les occupe, les soutient et les console: ils y trouvent un appui actuel, une espérance pour l'avenir. De nombreux avantages paraissent résulter de ce dernier système : néanmoins, le mode de la maison d'Auburn paraît jusqu'ici réunir le plus de suffrages. C'est celui qui a été adopté dans la maison disciplinaire de Genève.

Nous n'entrerons pas plus loin dans l'analyse du but et des effets présumés de cette institution. Il serait en dehors de notre plan d'examiner les divers systèmes proposés pour son exécution par des publicistes célèbres [6]. Nous nous bornerons à dire que de récentes expériences tendent à acclimater en France cette grande et

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bienfaisante pensée, et que quelques succès déjà obtenus permettent d'en espérer de véritables pour l'avenir.

Une dernière observation sur ce sujet particulier. Peut-être les partisans du système pénitentiaire se sont-ils trop exclusivement préoccupés de la partie matérielle de cette institution: l'instruction morale et religieuse en doit être la base nécessaire. L'influence de la religion est le plus puissant auxiliaire des efforts du pouvoir pour la réforme des détenus. Elle seule peut achever ce que la société commence et prépare: elle seule, en mettant son sceau à cette réforme, peut la rendre efficace et durable. C'est ainsi que la nécessité du travail qui dompte le penchant du condamné à l'oisiveté, la loi du silence qui le fait réfléchir, l'isolement qui le place en face de son crime et de sa peine, l'instruction religieuse qui le console en l'éclairant, enfin, l'habitude de l'obéissance et jusqu'à la régularité d'une vie uniforme, concourront à produire sur son esprit une impression profonde et régénératrice. Cette impression peut le laver de la tache de son crime, l'imprégner de sentimens nouveaux, lui rendre sa pureté primitive, et alors la société devra s'applaudir de ses efforts; mais alors même qu'elle n'aurait pour effet que de lui imprimer l'obéissance aux lois, en lui ôtant le désir et l'intérêt de les violer, cet effet serait encore assez beau, assez fécond, pour assurer au système pénitentiaire le concours et les travaux de tous es amis éclairés de l'humanité.

C'est comme moyen de produire ces effets, que la peine de la réclusion possède une supériorité évidente sur toutes les autres mesures répressives. M. Livingston en a fait la base de son code. M. Charles Lucas la propose comme le fondement de tout son système de répression; enfin, Bentham ne reconnaît qu'à cette peine les qualités nombreuses qu'il exige des mesures pénales [1].

Au surplus, ces trois publicistes établissent dans le mode d'exécution de la réclusion différens degrés : Bentham propose dans sa panoptique de l'aggraver de trois mesures péniten

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tielles, qui sont la solitude, l'obscurité et la diète. « Leur mérite, dit-il, est dans leur tendance à réformer les dispositions vicieuses du délinquant. » Le code pénal d'Autriche a adopté ces mesures, mais comme moyens d'aggravation de la peine et non d'amendement moral des condamnés. M. Edward Livingston a donné également trois degrés à l'emprisonnement la simple détention, l'emprisonnnement avec travail forcé, le confinement solitaire [2]. « Il n'y a pas d'offense, dit-il, quel- que légère qu'elle soit, qui ne trouve dans ces trois degrés une correction proportionnée à sa gravité, ni de crime si atroce qui ne soit efficacement puni par l'accumulation et le concours des différens degrés. Lorsqu'à ces peines on ajoute les règles qui sont établies dans certains cas, relativement à la nourriture et aux autres nécessités de la vie, pendant le temps de la punition, on trouvera que ce genre de châtiment possède au plus haut degré la qualité essentielle de se proportionner à tous les délits et à chacun des délinquans. »

M. Charles Lucas a emprunté aux prisons américaines, cet emploi du solitary confinement qu'il combine avec la réclusion: de même que M. Livingston, c'est par l'application de cette mesure aggravante de l'emprisonnnement, qu'il a proposé de remplacer la peine de mort. En 1791, le comité de législation et de constitution avait émis la même pensée. Cette peine est tellement rigoureuse, qu'on a reconnu en Pensylvanie, l'impossibilité de la faire subir sans intervalles dans toute sa durée : les inspecteurs des prisons ont le pouvoir d'en répartir la durée à leur choix « pourvu, dit M. de Larochefaucaud-Liancourt, que la portion ordonnée par la sentence ait lieu dans le cours du temps de la détention [3]. »

Ainsi la peine de la réclusion ou emprisonnement, peut être variée et dans sa durée et dans son mode d'exécution; temporaire ou perpétuelle, suivant la gravité du délit, elle se combine avec le travail; s'aggrave de la solitude et même de l'obscurité et du changement de nourriture, suivant les exigences de l'ordre

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ou les besoins de la réforme morale du condamné; elle se plie à tous les genres de criminalité légère pour les délits légers, grave et terrible pour les crimes atroces. Elle procure à la société l'expiation de l'offense et lui promet la régénération du coupable; elle ne laisse aucune erreur irréparable. C'est donc à cette peine que l'ordre social semble devoir demander le plus souvent les garanties dont il a besoin. La détention, peine nouvellement introduite dans nos lois, n'est qu'une variété de la réclusion : elle n'en diffère que par le mode d'exécution. « Quiconque, porte l'art. 20 du Code pénal, aura été condamné à la détention, sera renfermé dans l'une des forteresses situées sur le territoire continental du royaume, qui auront été déterminées par une ordonnance du roi, rendue dans la forme des réglemens d'administration publique. Il communiquera avec les personnes placées dans l'intérieur du lieu de la détention ou avec celles du dehors, conformément aux réglemens de police établis par une ordonnance du roi. La détention ne peut être prononcée pour moins de cinq ans, ni pour plus de vingt ans, sauf les cas prévus par l'article 33 [1]. » Ainsi, les condamnés ne peuvent être assujétis à aucun travail, et les communications, soit entre eux, soit avec leur famille et leurs amis sont formellement autorisées. Le législateur a voulu adoucir la peine; toutes les mesures, telles que le travail ou la solitude, qui pouvaient l'aggraver, en ont été bannies: elle se borne à la simple privation de la liberté.

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La détention est destinée à réprimer les attentats politiques. « Cette peine, disait M. Taillandier, lors de la discussion de la loi, portera aux âges futurs la preuve du haut degré de civilisation auquel notre patrie est arrivée [2]. » Et, en effet, elle manquait à nos lois; elle révèle un esprit de mansuétude et d'humanité qui honore le législateur. Les délits que la détention est destinée à punir, supposent moins de perversité que d'audace, moins de corruption dans le cœur que d'inquiétude dans l'esprit, en un mot, moins de vices que de passions. L'améliration morale a beaucoup moins à faire. Le temps et la réclusion suffisent; le but que le législateur se propose, c'est la sécurité de la société, et la détention l'assure. Il est donc inutile de l'aggraver soit par le régime humiliant, soit par les travaux pénibles des prisons.

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« C'est, a dit le rapporteur de la chambre des députés, une peine spéciale réservée à des crimes spéciaux, et qui ne peut pas plus être comparée aux autres peines que les crimes politiques ne peuvent être comparés aux autres crimes [3]. »

Nous terminerons ce chapitre par un rapprochement des systèmes répressifs qui sont considérés comme les moins défectueux.

Le code pénal d'Autriche ne prononce que deux peines : la mort et la détention du coupable dans une prison; mais cette dernière peine se divise en trois degrés; la prison est simple, dure et très dure, suivant le degré de la culpabilité; elle peut encore être aggravée par le travail public, par l'exposition au carcan, par des coups de bâton et de verge et par le jeûne. Dans tous les cas, à la peine de la prison est jointe l'obligation du travail.

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Les pénalités du code du Brésil sont plus variées après la peine de mort, viennent les galères, la prison aux travaux, la prison simple, le bannissement, la déportation, l'exil local, enfin l'amende proportionnelle, réglée selon ce que les condamnés peuvent retirer chaque jour de leurs biens.

Les peines de la loi anglaise se réduisent à un petit nombre: la peine de mort, la transportation à Botany-bay, l'emprisonnement avec ou sans travail, (with or without hard labour), le pilori, le fouet et les amendes [4].

Enfin le système pénal du code de la Louisiane se résume dans ces termes : amendes pécuniaires, destitutions d'office, simple emprisonnement, privation temporaire des droits civils, privation permanente des droits civils, emprisonnement aux travaux de force à temps ou à vie, enfin réclusion solitaire durant des périodes fixées par la sentence.

En examinant ces divers systèmes répressifs, en suivant leurs applications, il serait facile d'établir que l'échelle pénale de notre code est moins défectueuse encore que celle des autres codes, celui de la Louisiane excepté. Mais ce dernier code, qui supprime la peine de mort et s'adapte entièrement au système pénitentiaire, attend encore la sanction de l'expérience. En matière pénale, le législateur ne doit s'avancer qu'avec une sage réserve dans la carrière des innovations; on ne doit pas légèrement désarmer la loi. Nous pensons done, et

[3] Code pénal progressif, pag. 100.

[4] Summary of the criminal law, by Henry Stephen, 1834, pag. 320.

c'est à cela que se résument nos observations, que le système pénal du code, sans être bouleversé, comme l'ont proposé quelques publicistes, pourrait être utilement modifié. En maintenant la peine de mort, avec quelques sages restrictions, en maintenant les peines perpétuelles, ces deux premiers degrés de l'échelle, il faudrait détruire la distinction qui sépare les peines afflictives, infamantes et non infamantes, resserrer l'emploi des travaux forcés,

confondre la réclusion avec l'emprisonnement laborieux, élargir cette peine pour y comprendre la plupart des crimes contre la propriété, enfin assigner au régime des prisons un but pénitentiaire. A ces simples termes, semblent se réduire les réformes les plus urgentes, et la société doit les accueillir sans effroi, car elle y trouve de nouvelles garanties pour l'avenir et elle conserve toutes celles qu'elle possédait déjà.

CHAPITRE V.

DES PEINES INFAMANTES.-DU BANNISSEMENT, DE LA DÉGRADATION CIVIQUE ET DE L'EXPOSITION PUBLIQUE. — ART. 22, 32, 33, 34 ET 35 DU CODE PÉNAL.

Nous avons parlé dans le chapitre qui précède de cette distinction capitale que le Code a reprise de notre ancien droit criminel, et qui consiste à séparer parmi les peines celles qui sont infamantes et celles qui ne sont pas infamantes. Il nous semble parfaitement inutile d'insister sur ce sujet [1].

Le Code, depuis la suppression du carcan, [*] ne compte plus que deux peines exclusivement infamantes le bannissement et la dégradation civique. Mais on doit ajouter l'exposition publique, qui, abolie comme peine principale sous le nom de carcan, a été conservée comme peine accessoire avec les mêmes caractères et les mêmes effets. L'examen de ces trois peines fait l'objet de ce chapitre.

Le bannissement est défini par les art. 32 et 33 du Code pénal [2] : c'est l'expulsion du condamné du territoire. On peut considérer cette peine sous deux points de vue, comme

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une peine générale applicable à des crimes d'un ordre différent, ou comme une mesure spéciale réservée à des crimes d'une nature particulière et identique.

Beccaria propose d'appliquer le bannissement aux cas les plus divers : il semble qu'il ait voulu en faire une peine universelle pour tous les délits. « Celui qui trouble la tranquillité publique, dit-il, qui n'obéit point aux lois, qui viole les conditions sous lesquelles les hommes se soutiennent et se défendent mutuellement, celui-là doit être exclu de la société, c'est-à-dire, banni [3]. » On retrouve dans cette idée une influence vivante encore des républiques anciennes l'exil était la peine la plus commune des citoyens de la Grèce et de Rome. Les Romains en distinguaient trois espèces : le premier laissait à l'exilé le choix de tous les lieux moins un seul; le second le fixait dans un lieu à l'exclusion de tous; le troisième le

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peine, rentre sur le territoire du royaume, il sera, sur la seule preuve de son identité, condamné à la détention pour un temps au moins égal à celui qui restait à courir jusqu'à l'expiration du bannisment, et qui ne pourra excéder le double de ce temps. (D'après le Code de 1810, encore en vigueur en Belgique, il encourt la déportation.)

[3] Des délits et des peines, chap. 17.

jetait dans les fers d'une île, in vinculum insula.

Considéré sous un point de vue général, le bannissement a été parfaitement défini par M. Pastoret: l'action de s'envoyer de peuple à peuple l'écume de la société. « L'universalité de cette peine, ajoute ce publiciste, démontre bien chez toutes les nations, l'égoïsme de la loi. Au lieu de nous regarder comme une immense famille, nous rejetons sans pitié sur les peuples voisins un mal redouté.... Quand le délit tient moins à la demeure du coupable qu'à ses inclinations ou à sa misère, il ne trouve dans son éloignement ni correction, ni ressource [1]. >>

Il est certain que le bannissement, fût-il un remède efficace, est peu en harmonie avec la justice et les procédés que les nations se doivent entre elles. Le coupable, chassé d'un pays, doit nécessairement se réfugier dans un autre; et partout où il porte ses pas, ses inclinations perverses le suivent; il amène le fléau de sa corruption. Si le crime qu'il a commis a rendu sa présence dangereuse dans sa patrie, comment deviendrait-elle inoffensive dans la contrée qu'il a choisie pour asile? Y trouvera-t-il des ressources plus abondantes pour prévenir sa rechute? Quelque distance placée entre le lieu du crime et le criminel, aura-t-elle pour effet d'amender tout-à-coup ses penchans vicieux? Chaque nation, d'ailleurs, aurait le droit de se plaindre d'une loi qui fait de son territoire un repaire des bandits de ses voisins; chaque nation aurait le droit de leur refuser l'entrée de son territoire; et dès lors quelle serait une peine qui ne pourrait être infligée qu'avec le consentement d'un peuple étranger, et qu'il serait nécessaire de commuer sans cesse en une autre peine d'une autre nature et d'une gravité différente?

Ces considérations ont été suffisantes pour dérober à l'application de cette peine les crimes communs; aussi de nos jours, n'est-elle infligée que rarement et pour des crimes politiques. C'était là l'intention des rédacteurs du Code qui la rétablirent.

M. Treilhard s'exprimait ainsi : « Nous avons rétabli la peine de la relégation ou du bannissement; elle nous a paru convenable pour cer

[1] Lois pénales, tom. I, 2o part., pag. 112. [2] Traité du droit pénal de Rossi. [3] Locré, tom. 15, édit. Tarlier. [4] Du Système pénal, liv. 3.

ne

tains crimes politiques qui, ne supposant pas toujours un dernier degré de perversité, doivent pas être punis des peines réservées aux hommes profondément corrompus. » M. d'Haubersaert ajoutait devant le corps législatif : « le bannissement avait été aboli par l'assemblée constituante; il faut convenir qu'appliqué comme il l'était alors aux délits de toute nature, cette suppression était politique et sage; le bannissement à cette époque était un échange de malfaiteurs entre les gouvernemens; aussi n'est-il rétabli par le projet que pour les crimes politiques; ainsi modifiée, cette peine devient sans inconvénient. Un homme, en effet, peut être mauvais citoyen dans un pays, et ne l'être pas dans un autre ; la présence d'un coupable d'un délit politique, n'a ordinairement qu'un danger local, et qui peut disparaître dans le gouvernement sous lequel se fixe le banni [2]. » M. Rossi [3] et M. Charles Lucas [4], s'accordent aussi à considérer le bannissement comme approprié aux délits de cette nature il perd alors, suivant les publicistes, ce qu'il a de malfaisant et de dangereux quand on l'applique à une grande masse d'hommes coupables de crimes divers; il est en même temps suffisant pour le but de la justice sociale [5].

M. Livingston ne partage pas cette opinion: « même appliqué aux crimes d'état, dit-il, ce mode de châtiment est dangereux, car un factieux trouve souvent au dehors des moyens de nuire plus efficaces, et plus redoutables que ceux que lui eût fournis sa patrie [6]. »

Nous ajouterons que la convenance de cette peine pouvait n'être point contestée à une époque où le bannissement retranchait complètement le banni de sa patrie. Mais dans nos états modernes, où la facilité des correspondances, fait, pour ainsi dire, vivre l'exilé au milieu de son pays, où la rivalité des nations et la solidarité des partis offrent partout à l'exilé des amis et des auxiliaires, le bannissement est quelquefois, en matière politique, une peine très peu préventive: il renvoie le condamné à ses complices [7].

Ensuite, on doit remarquer que cette peine n'est nullement exemplaire, puisque le mal que souffre le banni est entièrement perdu pour l'exemple; et qu'elle est essentiellement iné

[5] On peut citer pour exemples les lois du 12 janv. 1816 et 10 avril 1832.

[6] Report on the plan of a penal Code, p. 20. [7] Rapport de M. Dumon, Code pénal progressif, pag. 152.

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