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les travaux seraient exécutés au profit de l'élat [*]. Le Code pénal n'a point reproduit cette disposition, et M. Carnot paraît conclure de cette omission, que les produits des travaux doivent être appliqués aux besoins des condamnés [1]. Mais il suffit, pour établir l'opinion contraire, de rapprocher l'art. 15 des art. 21 et 41 [**]. Le premier de ces articles n'attribue aux condamnés aux travaux forcés aucune partie quelconque du produit de leur travail; l'article 21 laisse au contraire au gouvernement la faculté d'en attribuer une partie au profit des condamnés à la réclusion; enfin, d'après l'article 41, les condamnés à l'emprisonnement ont droit aux deux tiers de ces produits. Ces dispositions diverses révèlent un système unique, qui est la progression des profits en raison inverse de la gravité de la peine; sa conséquence semble être la privation totale des produits pour les condamnés à la peine la plus grave, à celle des travaux forcés.

L'article 21 n'a point qualifié la nature des travaux des réclusionnaires. «Tout individu de l'un

1828. et Gazette des Tribunaux des 12, 25, 29 octobre 1828.

[*] Les sa'aires et les primes alloués aux prisonniers par l'arrêté du 4 nov. 1821 et 4 fév. 1828, ont été supprimés par arrêté du 28 déc. 1835, et remplacés par des gratifications. La répartition de ces gratifications est réglée par cet arrêté qui est motivé sur ce que les articles 15 et 16 du Code pénal, en prescrivant l'emploi des condamnés aux travaux forcés, aux travaux les plus pénibles, ne leur réserve aucune part du produit de ces travaux; que l'art. 21 du même Code, en permettant d'attribuer une partie du produit de leur travail aux condamnés à la réclusion, laisse au gouverne nement la faculté de régler la distribution de cette part, et ne donne aucun droit à cet égard aux condaninés ; que l'art. 41 du Code pénal, tout en accordant la jouissance immédiate pendant leur emprisonnement, d'une partie du produit de leur travail, aux condamnés pour délits correctionnels, subordonne néanmoins cette faveur à la condition qu'ils auront mérité quelques adoucissemens; finalement que le Code pénal ne contient aucune disposition spéciale à ce sujet à l'égard des détenus militaires; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, qu'il n'est aucune catégorie de détenus astreinte au travail, à qui la loi attribue le droit de toucher un salaire, le salaire étant le prix dû à l'ouvrier libre, et d'ailleurs l'unique ressource à l'aide de laquelle il pourvoit à sa subsistance, tandis que les détenus reçoivent la nourriture et les vêtemens aux frais de l'état; et que le sys

ou l'autre sexe, porte cet article, condamné à la peine de la réclusion, sera enfermé dans une maison de force et employé à des travaux dont le produit pourra être en partie appliqué à son profit, ainsi qu'il sera réglé par le gouvernement. » L'art. 10 de l'ordonnance du 2 avril 1817 porte également : « Il y aura dans toutes les maisons centrales de détention des ateliers de travail. » En général, chaque condamné doit donc avoir la faculté, autant que la police de la prison peut le permettre de travailler à l'art qu'il professe habituellement [***]. Nous remarquons ici que l'art. 11 de la même ordonnance attribue aux condamnés les deux tiers du produit de leur travail: cette disposition nous paraît contraire à l'esprit du Code pénal qui, évidemment, ainsi qu'on l'a dit plus haut, n'a pas voulu mettre sur la même ligne les condamnés à la réclusion et à l'emprisonnement.

Une mesure commune à toutes les peines afflictives ou infamantes est l'impression par extrait des arrêts qui les prononcent [2]. Cette me

n'est

tème de récompenses accordées aux détenus à titre de salaires et de primes d'encouragement, propre qu'à faire naître en eux une fausse idée de leur position et donner lieu à de graves abus. Cependant pour encourager dans les détenus l'habitude du travail, et leur fournir l'occasion d'apprécier les avantages qui y sont attachés, et les mettre à même de se procurer des moyens d'existence à l'époque de leur mise en liberté, cet arrêté permet d'allouer aux condamnés détenus dans les maisons de force, de réclusion, de détention et de correction des gratifications proportionnées à la quantité et à la nature du travail auquel ils sont employés.

[1] Comment, du Cod. pén., tom. 1, pag. 79. [**] Voy., pour la Belgique, la note plus haut et les arrêtés y cités.

[***] Les hommes condamnés à la réclusion sont dirigés sur la maison de Vilvorde. Il en est de même des femmes condamnées à la même peine et aux travaux forcés, mais elles y sont dans un quartier séparé.

[2] Art. 36: « Tous arrêts qui porteront la peine de mort,des travaux forcés à perpétuité et à temps, la déportation, la détention, la réclusion, la dégradation civique et le bannissement, seront imprimés par extrait. Ils seront affichés dans la ville centrale du département, dans celle où l'arrêt aura été rendu, dans la commune où le délit aura été commis, dans celle où se fera l'exécucution et dans celle du domicile du condamné ».

Les extraits dont fait mention l'article 36 du

sure, bien quelle puisse être considérée comme une forme de l'exécution, a cependant un véritable caractère pénal, et elle diffère sous ce rapport, de l'affiche des jugemens que les tribunaux correctionnels et de police ordonnent dans certains cas, à la demande de la partie plaignante, mais seulement à titre de réparation civile [1]. L'art. 26 de la loi du 26 mai 1819 fait toutefois exception à cet égard, relativement aux délits commis par voie de publication; mais dans ce cas, l'impression ou l'affiche des arrêts est une mesure facultative que les juges peuvent ordonner aux frais du condamné; ces arrêts sont d'ailleurs rendus publics par la voie de l'insertion au Moniteur.

Les arrêts étaient d'abord imprimés en entier: l'arrêté du 2 pluviôse an 5 prescrivit un mode de publication plus économique: on se borna à en dresser un état sommaire et mensuel; et le Code pénal a sanctionné cette mesure en prescrivant leur impression par extrait. On est aujourd'hui dans l'usage de réunir les extraits des arrêts dans un seul placard qui est affiché tous les trimestres dans chaque département. Les arrêts rendus en matière de presse doivent également être affichés par extrait, quoique l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819, ne se soit pas expliqué à cet égard. Les art. 104, 105 et 106 du décret du 18 juin 1811, règlent au surplus le mode d'impression et d'affiche de ces extraits [2].

Nous n'avons parlé jusqu'ici que de l'application matérielle de la peine : il faut examiner maintenant les difficultés qui peuvent s'élever dans le cours de son exécution.

Un principe qui domine cette matière est que les peines ne peuvent être subies que dans les

Code pénal, excepté dans le cas d'une condamnation capitale, ne seront plus imprimés ni affichés, si ce n'est sur l'ordre formel du ministre de la

justice. Décision du ministre de la justice du 14

déc. 1815.

[1] Voyez arr. cass., 21 mars 1811, 22 oct. 1812, et 25 mars 1813.

[2] Voyez le commentaire de ces articles dans le Traité des Frais de M. de Dalmas, pag. 9, 18

et 294.

[3] « Nul homme, dans le cas où sa détention est autorisée par la loi, ne peut être conduit que dans les lieux légalement et publiquement désignés par l'administration du département, pour servir de maison d'arrêt, de maison de justice ou de prison. » L. du 16-29 septembre 1791, tit. 14, art. 2.

lieux légalement et publiquement désignés par l'administration pour leur exécution [3]. Quels sont ces lieux? La loi a toujours soigneusement séparé les maisons d'arrêt ou de justice, qui sont destinées aux prévenus ou accusés, et les prisons établies pour l'exécution des peines [4]. Le Code pénal a rangé dans cette dernière classe les maisons de correction pour les condamnés à la peine d'emprisonnement (art. 40); les maisons de force, pour les condamnés à la réclusion, ainsi que pour les femmes et les septuagénaires condamnés aux travaux forcés (art. 16,21 et 72), enfin les forteresses pour les condamnés politiques (art. 20) [*].

Mais cette classification n'a pas été exactement conservée[**]. L'ordonnance du 2 avril 1817, en instituant les maisons centrales de détention, a réuni dans ces établissemens les maisons de force et les maisons de correction, ou du moins y a confondu avec les condamnés à des peines afflictives et infamantes, tous ceux qu'un simple emprisonnement correctionnel de plus d'une année a frappés. A la vérité, cette ordonnance avait à la fois prescrit la séparation dans les maisons centrales de ces deux classes de condamnés; mais cette division importante n'a nulle part été exécutée. Ainsi la seule classification, déjà bien incomplète, que la loi pénale eût tracée dans sa sollicitude pour la régénération des condamnés, a été renversée.

Les peines doivent être subies sans interruption. Cette règle qui se reproduit dans toutes les dispositions du Code n'a pas besoin d'être dévcloppée. Mais à compter de quel jour commencent-elles à courir? Il est évident que cette question n'a d'intérêt qu'à l'égard des peines tempo-

[4] L. 16 29 sept. 1791; Cod. du 3 brum. an 4; Cod. d'inst. crim., art. 603 et 604.

[*] L'arrêté organique du 4 nov. 1821, art. 1o, porte que les prisons existantes ou à établir pour peines, seront divisées en trois classes, savoir : 1o maisons de correction; 2o maisons de réclusion et de force; 3° maisons de détention militaire.

Outre les prisons il y aura, 1o des maisons d'arrêt; 2o des maisons de justice; 3o des maisons prévotales; 4° des maisons de dépôt. Art. 2. Une circulaire du 18 déc. 1832, adressée aux procureurs-généraux près des Cours d'appel. a pour objet de ramener à la classification des condamnés, telle que l'a prescrit le Code pénal. Elle invite ces magistrats à n'envoyer à Vilvorde que les réclusionnaires, et a Gand les condamnés aux travaux forcés. Voy., en outre, la note la pag. 99.

***

raires. Avant la loi du 28 avril 1832, les peines des travaux forcés à temps et de la réclusion se comptaient du jour de l'exposition; mais ce mode de calcul avait soulevé de vives réclamations qui se fondaient sur le retard que cette exposition n'éprouvait que trop souvent; d'ailleurs, cette peine accessoire étant devenue facultative, il a fallu changer le point de départ de la peine principale. L'article 23 a donc prescrit que: « la durée des peines temporaires comptera du jour où la condamnation sera devenue irrévocable. » Cette disposition n'a fait que rappeler nne proposition de la commission du corps législatif, dans la discussion du Code pénal de 1810: « la commission fait observer qu'il peut arriver que l'exposition soit retardée par négligence de ceux qui doivent la faire exécuter, ou par une longue maladie du condamné, en sorte que la durée de la peine se trouverait accrue par des circonstances indépendantes de lui. Comme l'art. 35 contient une disposition de même nature pour le bannissement, il paraît qu'il serait à propos de supprimer l'art. 23 et de le comprendre dans l'art. 35 qui serait rédigé ainsi qu'il suit : « la durée de la peine des travaux à temps, de la réclusion et du bannissement, se comptera du jour où l'arrêt sera devenu irrévocable [1]. » Cette proposition, qui ne fut point alors accueillie, est passée textuellement dans la loi du 28 avril 1832.

Un arrêt devient irrévocable lorsqu'il n'existe plus aucun moyen légal d'en obtenir la réformation; mais cette règle si claire peut donner lieu à quelques difficultés dans l'application. Ainsi, lorsque le condamné ne forme aucun pourvoi contre l'arrêt qui l'a frappé, de quel jour cet arrêt est-il empreint d'un caractère d'irrévocabilité? est-ce du jour même de sa date? est-ce du jour de l'expiration des délais du pourvoi? On peut dire, pour la première opinion, que le pour voi n'est qu'une faculté; que, si le condamné a renoncé à s'en servir, l'irrévocabilité de l'arrêt doit remonter au jour où il a été rendu ; qu'on ne doit pas faire tourner à son préjudice un délai qui a été mesuré en sa faveur et dans son intérêt. Mais cette considération n'est pas décisive: l'arrêt ne devient irrévocable que par l'expiration des trois jours pendant lesquels le pourvoi peut être exercé; ce n'est donc que du jour où cette faculté est épuisée, soit pour l'accusé, soit pour le ministère public, qu'aux termes de l'art.

23, la peine doit commencer à courir; et comme la Cour de cassation juge constamment que le délai de trois jours francs, fixé par l'art. 373 du Code d'instr. crim. pour les pourvois, ne comprend ni le jour où l'arrêt est prononcé, ni le dernier des trois jours qui ont suivi cette prononciation [2], il suit que l'arrêt ne devient irrévocable, et par conséquent que la durée de la peine ne doit compter qu'à partir du cinquième jour de la date de cet arrêt.

Mais s'il y a eu pourvoi, et qu'un arrêt de rejet soit intervenu, c'est évidemment du jour de la prononciation de cet arrêt que la peine doit être comptée, puisque c'est de ce jour que l'arrêt de condamnation a acquis un caractère irrévocable.

Faut-il distinguer entre le pourvoi de l'accusé et celui du ministère public? En cas de rejet du pourvoi formé par ce dernier seulement, la peine doit-elle remonter au jour où elle serait devenue irrévocable si le pourvoi n'avait pas eu lieu? Quoique la condition du condamné soit réellement aggravée à la suite de ce pourvoijugé téméraire, il serait difficile de se déterminer pour l'affirmative. Le ministère public n'a fait, en exercant son recours, qu'user d'un droit que la loi lui attribuait, et ce n'est que lorsque cette voie de recours est épuisée que l'arrêt devient irrévocable. La règle est générale, et l'exception que l'art. 24 a consacrée, et que nous expliquerons tout à l'heure, ne fait que la confirmer dans le cas qui nous occupe.

Quelques magistrats avaient pensé que la règle établie par l'art. 23 devait s'appliquer aux individus détenus à l'époque de sa promulgation, et dont la condamnation était antérieure à la loi du 28 avril 1832; ils se fondaient sur ce que le principe de la non rétroactivité des lois n'est établi que dans l'intérêt des citoyens, et qu'on ne peut l'invoquer quand il s'agit d'une loi de faveur dont l'application, même rétroactive, ne lèse aucun intérêt. Mais on doit remarquer que le principe qui permet de faire remonter à des faits antérieurs à leur promulgation, les lois pénales plus douces que celles qu'elles remplacent, ne s'applique qu'au cas où les faits sont encore à juger [3]. Or il s'agissait ici d'arrêts qui, avant la publication de la loi nouvelle, avaient revêtu irrévocablement le caractère de la chose jugée. Ce ne pouvait donc être que par un effet vraiment rétroactif, qu'on cût appliqué aux peines dont

[1] Observ. de la commission du corps législ. du Br. cass. 25 mai 1833: Bull. de cass. 1833, p.249; 16 déc 1809. Locré, t. 15, édit Tarlier.

[2] Arr. 7 déc. 1832, et 8 nov. 1834. (Journ. du droit criin., art. 1033 et 1477.) Sirey, 1833, 1, 559;

Legraverend, t. 2. p. 434, est d'une opinion contraire. [3] A moins qu'il ne s'agisse d'une simple mcsure de sûreté, telle que la surveillance dont l'exé

l'exécution déjà commencée, un autre mode de compuation que celui que l'ancien Code avait établi.

L'exécution des peines n'est pas exempte de difficultés lorsque plusieurs condamnations pèsent à la fois sur le même individu. Car ces peines doivent-elles successivement être subies? Fautil, au contraire, les confondre les unes dans les autres? et dans quelles limites doit se consommer cette absorption?

Il est avant tout évident que si le fait qui a motivé la deuxième peine a été commis postérieurement à la première condamnation, si en un mot le condamné est en récidive, aucune difficulté ne peut se présenter: les deux peines doivent se cumuler dans leur exécution. Ce n'est donc que dans le cas où l'accusé a été successivemement mis en accusation et condamné pour des faits antérieurs au premier arrêt, que le doute peut s'élever sur l'existence légale de ces différentes peines.

La loi n'a point posé de règle générale : deux espèces seulement ont été prévues dans les art. 365 et 379 du Code d'instr. crim.; le premier de ces articles pose le cas où l'accusé, soumis dans les mêmes débats à plusieurs accusations, est déclaré convaincu de plusieurs crimes, et il décide que la peine la plus forte sera seule prononcée. Le deuxième règle une seconde hypothèse, celle où l'accusé est inculpé dans le cours des débats d'un nouveau crime, et il déclare qu'il n'y a lieu d'instruire sur le crime nouvellement manifesté qu'autant qu'il mérite une peine plus grave que le premier. Mais de ces deux solutions particulières s'élève ce principe général, dont elles ne sont que des corollaires, qu'en subissant la peine la plus forte, le coupable expie tous les trimes passibles d'une peine de la même nature ou d'une moindre gravité que celle qui lui est appliquée.

Cette règle se justifie par de hautes considérations de justice et d'humanité. Lorsqu'un individu s'est rendu coupable de plusieurs crimes avant d'avoir été l'objet d'une poursuite, la justice doit s'imputer la lenteur ou l'impuissance de son action: si le coupable avait été saisi après son premier crime, s'il avait reçu le solennel avertissement d'une première condamnation, peut-être n'eût-il pas commis les crimes aux

quels il a été entraîné; l'inaction de la justice a, en quelque sorte, atténué ses fautes. Et puis la défense sociale ne demande qu'une peine; une seule peine suffit à l'expiation des crimes commis, les autres ne seraient qu'une inutile rigueur.

On retrouve des traces de ce principe dans les législations étrangères. C'est ainsi que le Code pénal d'Autriche dispose (art. 28 ) que : « si un délinquant est coupable de plusieurs délits de différente espèce, on doit le punir pour le délit qui entraîne la peine la plus grave, en ayant néanmoins égard aux autres délits. » Et l'art. 57 du Code prussien est ainsi conçu: «s'il y a concours de plusieurs peines afflictives, il faut augmenter ou prolonger celle du plus grave des délits à punir. » Le Code du Brésil, au contraire, nous paraît empreint d'une singulière dureté, lorsqu'il prescrit l'exécution des diverses peines: « l'une après l'autre, en commençant et en continuant de la plus forte à la moindre (art. 61 ). »

Le principe posé, arrivons à son application. Nous n'avons point à nous occuper ici de l'influence que ce principe doit exercer sur l'action publique et sur les poursuites qui peuvent être dirigées postérieurement à la première concondamnation [1], mais seulement de ses effets sur l'exécution des peines prononcées.

La Cour de cassation n'a point cessé de suivre un système qui peut se résumer en peu de mots. Si les diverses peines encourues par le même condamné sont d'une nature différente, par exemple cinq ans de travaux forcés et cinq ans de réclusion, elle décide que la plus forte de ces peines, celle des travaux forcés, doit seule être exécutée [2]. Mais si les deux peines sont de la même nature, par exemple huit ans, puis douze ans de travaux forcés, elle juge, au contraire, qu'elles doivent être subies cumulativement jusqu'à concurrence du maximum de la peine [3]. Ainsi, dans la première hypothèse, elle ne permet d'exécuter que la plus grave des peines prononcées; dans l'autre, elle en autorise le cumul. Là par la peine la plus forte, elle entend la plus grave des peines encourues, ici le maximum de la peine applicable.

A cette jurisprudence peu satisfaisante, nous opposerons une théorie qui nous paraît simple et rationnelle: c'est l'application du même prin

cution est, d'ailleurs, purement facultative dans no 146); 29 déc. 1826. (Bul. no 264); 6 avr. 1827. les mains de l'administration. Voy. suprà. ('Bull. no 73 ); 19 sept. 1828. (Sirey.|1828, 1, 364);

[1] Voy., à cet égard, de l'Humanité dans les 26 mai 1831. (Journ. du droit crim., pag. 221.) lois criminelles, pag. 163.

[2] Arr. cass., 29 juin 1821. (Dalloz, t. 21. p. 221); 15 oct. 1825. (Bull. no 207) ; 29 juill. 1826. (Bull.

[3] Arr. cass., 27 fév. 1824. (Bull. no 34.) 6 août 1824. (Bull. no 102); 8`oct. 1824; Dalloz, t. 22, p. 222; Sirey, 1824, 1, 399; 1825, 1, 81 et 115.

cipe à l'exécution de toutes les peines, soit qu'elles diffèrent ou se rapprochent par leur nature; car, à l'égard de toutes, il est empreint de la même puissance de raison. Qu'importe, en effet, que les deux peines encourues par le même condamué soient celles des travaux forcés et de la réclusion, ou deux applications successives de l'une de ces peines seulement? Dans l'un et l'autre cas, n'y a-t-il pas deux peines distinctes? et le vœu de la loi n'est-il pas de n'en exécuter qu'une seule? S'il y a cumul lorsqu'on réunit la réclusion aux travaux forcés, comment ce cumul s'effacerait-il lorsqu'on réunirait les travaux forcés aux travaux forcés?

L'erreur prend sa source dans l'interprétation donnée aux mots la peine la plus forte de l'art. 365. Ce que la loi a évidemment entendu, selon nous, c'est la plus forte des peines encourues pour les différens crimes, la plus forte comparée à ces autres peines, celle que le crime le plus grave a motivée. Sans doute la Cour d'assises avait la faculté d'épuiser le maximum de cette peine, si le coupable méritait cette sévérité; mais si elle ne l'a pas fait, la peine qu'elle a mesurée doit seule être appliquée, parce que la loi l'a jugée suffisante pour expier les différens crimes; et c'est contredire ce vœu clairement manifesté que de faire concourir, par des poursuites postérieures, les autres crimes à aggraver cette peine jusqu'à l'épuisement de son maximum, sous prétexte que la peine la plus forte, c'est le maximum de la peine.

La conséquence de la doctrine que nous combattons en démontre au surplus l'erreur; car elle fait dépendre la cumulation des peines, c'est-à-dire l'aggravation du sort du condamné, non du caractère plus ou moins immoral des crimes, mais d'un fait qui lui est étranger, du hasard qui lui a fait infliger des peines d'une même nature. Ainsi, déjà condamné à cinq ans de réclusion, si l'accusé encourt une deuxième fois cinq ans de la même peine, ces deux peines seront cumulées dans leur exécution, parce que réunies, elles n'excèdent pas le maximum de la réclusion. Si, au contraire, le crime nouvellement découvert a mérité cinq ans de travaux forcés, il ne subira que cette dernière peine, parce que, en vertu du principe de la non cumulation des peines, elle absorbe la première qui est la moins grave. Mais n'est-il pas impossible d'admettre cette diversité de solution pour un même cas, cette justice à deux faces pour le même degré de moralité, cette peine simple ou double, suivant que le condamné a été atteint de deux condamnations semblables ou dissemblables?

Il nous paraît donc que la règle qui défend la cumulation des peines doit recevoir une application uniforme dans toutes les espèces, et que par conséquent l'accusé, frappé de plusieurs condamnations successives, à raison de faits antérieurs à la première, ne doit subir qu'une seule peine, la plus grave de celles qu'il a encourues abstraction faite de leur nature et de leur analogie. Ainsi, lorsque cet accusé a été condamné, comme dans l'espèce de l'arrêt du 6 août 1824, d'abord à huit ans, ensuite à douze ans de travaux forcés, il ne faut pas, comme le décide cet arrêt, grouper ces deux peines pour n'en former qu'une seule de vingt ans, mais y voir ce qu'elles sont, deux peines distinctes, applicables à deux crimes divers, et n'exécuter que la plus forte, celle de douze ans de travaux forcés, attendu, comme la Cour de cassation l'a dit ailleurs [1], que « la peine applicable au crime le plus grave fait expier tous les autres crimes. >>

Toutefois, il est nécessaire de réserver une exception pour le cas où la Cour d'assises a formellement énoncé l'intention de réunir dans l'exécution deux peines de la même nature; car, le vœu de la loi, exprimé par les art. 365 et 379 du Cod. d'inst. crim., est que les divers crimes soient réunis dans une même poursuite, afin que la Cour d'assises, qui ne peut alors prononcer qu'une seule peine, puisse la mesurer sur l'ensemble de la conduite du prévenu, Or, si la position de l'accusé ne doit pas être aggravée par des poursuites à dessein multipliées, il ne faut pas non plus que la division, quelquefois indispensable, de ces poursuites, lui soit profitable en dérobant à la justice une partie de sa moralité. La Cour d'assises conserve donc, lorsque l'accusé reparaît devant elle, pour un fait antérieur au premier jugement, la faculté d'aggraver sa première peine jusqu'au maximum, car elle avait ce droit sur la première accusation; elle l'aurait eu, à plus forte raison, si les deux accusations avaient été réunies: elle ne peut donc en être privée parce qu'elles ont été séparées. Mais cette hypothèse ne peut que rarement se présenter, puisque l'accusé, déjà condamné, ne peut être remis en jugement pour un fait antérieur, qu'autant que ce fait serait passible d'une peine plus grave que la première.

Une difficulté sérieuse est de savoir quelle est l'autorité compétente pour statuer sur les questions qui naissent dans le cours de l'exécution des peines. Ainsi, deux arrêts successifs, con

[1] Arr., 29 juill. 1827. (Bull., no 1 46.)

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