Images de page
PDF
ePub

XVII. JOUR DE MARS.

SAINT PATRICE,

APOTRE D'IRLANDE.

Entre un

on en

grand nombre de Vies de faint Patrice, diftingue deux principales ; l'une écrite par Probus, qui vivoit dans le feptieme fiecle, felon Bollandus; l'autre écrite par Jocelin, Moine de Citeaux, qui floriffoit dans le douxieme fiecle. Ce dernier Auteur cite quatre Vies compofées par les difciples du Saint. Mais fon Ouvrage n'en mérite pas pour cela plus de créance. On y trouve, comme dans celui de Probus, des faits apocryphes, ou qui ne font appuyés que fur des bruits populaires. L'Écrit appellé la Confeffion de faint Patrice, & fa lettre à Corotic, feront nos principaux guides. Ces deux pieces ont paru à M. de Tillemont avoir des marques certaines d'authenticité. Elles portent l'une & Pautre le nom du Saint, qui s'y nomme plufieurs fois; elles ont d'ailleurs le même caractere &le même ftyle. La Confeffion de S. Patrice eft citée par tous les anciens Auteurs de fa Vie. Pour la lettre à Corotic, elle fut certainement écrite avant la converfion des François fous le Roi Clovis, c'est-à-dire, avant l'an 496; circonstance qui convient parfaitement à notre Saint. Voyez Til lemont, T. 16. p. 455. & la Britannia fancta.

L'AN 464.

S'IL eft vrai que l'éclat de la vertu des enfants

rejailliffe fur les peres, quelle gloire pour faint MARS 17. Patrice d'avoir été le Fondateur d'une Eglife,

4

qui fut durant tant de fiecles fi féconde en héros MARS 17 Chrétiens, qui peupla de Saints un grand nombre de régions étrangeres, & qui même dans ces derniers temps s'eft montrée fi ardente à conferver le dépôt de la Foi, malgré toutes les perfécutions que l'héréfie lui a fufcitées!

Patrice naquit fur la fin du quatrieme fiecle, dans un village de la Grande Bretagne, qu'il nomme dans fa Confeffion Bonaven Tabernia (a). Il fe donne lui-même les titres de Breton & de Romain (b), & dit que fon pere, nommé Calphurnius, étoit d'une bonne famille, & citoyen d'une ville voifine qui appartenoit aux Romains (c). Sa mere, felon quelques Auteurs, s'appelloit Conceffe, & étoit niece de faint Martin de Tours. A l'âge de quinze ans, le jeune Patrice commit une faute, qui ne paroît pourtant pas avoir été bien confidérable. Il en conçut un fi vif regret, qu'il la pleura tout le refte de fa vie. Il nous apprend qu'il ne connoiffoit point encore Dieu dans fa feizieme année ; ce qui fignifie, non pas qu'il étoit Idolâtre, mais qu'il n'étoit point encore parvenu à cette ferveur de charité qui caractérise le vrai difciple de Jefus-Chrift. Auffi ne pouvoit-il retenir fes larmes dans la fuite, quand il réfléchiffoit fur la maniere dont il avoit paffé fes premieres années.

Il n'étoit point encore forti de fa feizieme

(a). On croit que c'eft lenius, publié par Gale, que le bourg de Kill-patrick en Ecoffe, Saint mourut 57 ans avant la fitué à l'embouchure de la Cluyd, naiffance de S. Colomb, & par entre Dunbriton & Glasgow. conféquent en 464. Nous avons Ufférius & Tillemont placent la suivi cette date. naiffance de faint Patrice en 372; mais ils ne s'accordent pas fur l'année de fa mort. Le pre-l'autre. mier la met en 493, & le fe- (c) Les Romains abandonnecond en 455. On lit dans Nen-rent la Bretagne en 409.

(b) Apparemment qu'il étoit Breton d'un côté, & Romain de

année, lorsqu'une troupe de Barbares l'enleverent de fon pays, avec plufieurs efclaves & plufieurs MARS 17. vaffaux de fon pere. On le ména en Irlande, où il fut réduit à garder les troupeaux fur les montagnes & dans les forêts. Tandis qu'il exerça cette profeffion, il eut beaucoup à fouffrir de la faim, de la nudité, des pluies, des neiges & des glaces. Mais Dieu eut pitié de fon ame; il lui découvrit toute l'étendue de fes devoirs, & lui infpira la volonté de les remplir fidelement. Patrice vit fon état en Chrétien, & ne chercha plus que les moyens de s'y fanctifier. Depuis qu'il eut une fois goûté combien le joug du Seigneur eft doux, il s'appliqua de plus en plus à allumer dans fon cœur le feu facré de l'amour divin. Il paffoit en prieres une grande partie du jour & de la nuit, & demandoit fur-tout à Dieu cet efprit de religion qui fait fupporter les épreuves avec patience, & même avec joie.

Patrice refta fix ans attaché au fervice du même maître. Son esclavage, que Dieu n'avoit permis que pour fa fanctification, prit fin dans le temps qu'il y penfoit le moins. Il fut averti en fonge de retourner dans fon pays; & une voix intérieure lui dit qu'un vaiffeau étoit prêt à mettre à la voile. Le Saint fe trouvoit fort éloigné de la côte; il n'y connoiffoit d'ailleurs perfonne. Ces obftacles ne l'arrêterent point, parce qu'il s'agiffoit d'accomplir la volonté du ciel. Enfin après plufieurs jours de marche, il arriva au port d'où le vaiffeau devoit partir. Il demanda à être admis au nombre des paffagers; mais on ne voulut point le recevoir. Ce refus venoit apparemment de ce qu'il n'avoit point de quoi payer fon paffage. Patrice, au lieu de murmurer de cet incident, reprit avec fimplicité la route de fa cabane, priant Dieu de difpofer

de lui pour l'intérêt de sa gloire. Les maîtres du MARS 17. vaiffeau, quoique Païens, fe laifferent pourtant attendrir; ils rappellerent le Saint, & le recurent parmi eux.

La navigation ayant été heureuse, on prit terre au bout de trois jours. Il paroît que ce fut au Nord de l'Écoffe. Quoi qu'il en foit, le pays où l'on aborda, étoit défert, & l'on erra vingt-fept jours, fans pouvoir trouver aucune forte de provifions. Comme Patrice avoit fouvent entretenu ceux qui montoient le vaiffeau, de la toute-puiffance du Dieu qu'il adoroit, ils lui demanderent pourquoi il ne le prioit pas de s'intéreffer en leur faveur. Animé d'une vive confiance, il leur répondit que s'ils vouloient joindre leurs prieres aux fiennes, & les offrir de tout leur cœur au Dieu des Chrétiens, ils reffentiroient infailliblement les effets de fa protection. Ils le firent, & dès le jour même, ils rencontrerent un troupeau de porcs, qui les nourrit jufqu'au moment où ils entrerent dans un pays habité. La foi de notre Saint fut tentée durant ce pénible chemin. On lui présenta pour appailer fa faim, des viandes offertes aux Idoles; mais il n'en voulut point manger, Un jour qu'il prenoit un peu de repos, une groffe pierre détachée d'un rocher tomba, & étoit près de l'écrafer. Il eut recours à l'interceffion d'Elie, & il fe trouva délivré du danger.

Ayant paffé quelques années dans fa patrie, il perdit une feconde fois fa liberté mais il la recouvra au bout de deux mois. De retour dans la maison paternelle, Dieu lui fit connoître par plufieurs vifions qu'il fe ferviroit de lui pour la converfion de l'Irlande. Il lui fembla voir entr'autres chofes tous les enfants de ce pays, qui, du fein de leurs meres, lui tendoient les bras,,

& imploroient fon fecours avec des cris lamen- — tables (d). MARS 17.

Les Auteurs de la Vie de faint Patrice, prétendent qu'il paffa dans les Gaules après fa feconde captivité, & qu'il y vit faint Martin de Tours & faint Germain d'Auxerre. Ils ajoutent qu'il y fit un fecond voyage avant de partir pour P'Irlande. Il eft au moins certain qu'en prêchant la Foi dans cette ifle, il marquoit un grand défir de vifiter fes freres dans les Gaules, & ceux qu'il appelle les Saints de Dieu. On le fait auffi voyager en Italie, où l'on dit qu'il reçut du Pape Célestin

(d) On lit dans la Chronique de faint Profper, que faint Pallade fut ordonné Évêque des Scots en 431 par le Pape Céleftin, & qu'il les convertit à la Foi. Bede dit auffi que faint Pallade fut le premier Evêque des Scots. Il faut remarquer que ces peuples, qui s'étoient d'abord établis dans l'Hibernie ('Irlande), fe répandirent enfuite dans l'Ecoffe. Il paroît que faint Pallade commença fa miffion par les Scots d'Hibernie. On ne doit pourtant pas croire que la Religion Chrétienne fût entiérement inconnue dans cette ifle. Elle y avoit pénétré par le

moyen des Bretons, avant l'arrivée de faint Pallade, comme Ufférius l'a démontré d'après plufieurs anciens monuments. Cela n'empêche pas que faint Patrice ne mérite le titre d'Apôtre d'Hibernie ou d'Irlande, puifqu'il fut l'inftrument dont Dieu fe fervit pour opérer la converfion générale de cette ifle. Les Scots font diftingués des Hibernois ou naturels d'Irlande,

dans les Ouvrages de faint Pa-
trice, & dans d'autres anciens
monuments. On a bien peu de
lumieres fur l'origine des Scots.
Ce qu'on peut dire de plus vrai-
femblable, c'eft que ces peuples,
iffus de quelque nation barbare
& guerriere, s'établirent dans
l'Hibernie long-temps avant l'ar
rivée de faint Patrice. Du moins
l'Hiftoire nous les y représente
établis dans le quatrieme fiecle.
Plufieurs colonies de ces peuples
pafferent enfuite en Écoffe. Du
rant plufieurs fiecles, les habi-
tants de l'Irlande ont été ap-
pellés Scots & Irlandois. On
croit que la langue des anciens

Scots étoit la même que celle
que parlent encore les payfans
d'Irlande, & la plupart des mon-
tagnards d'Ecoffe, à quelques
variations près, que le temps a
dû produire. On la regarde
comme un dialecte de la langue
des anciens Celtes, qui, felon
MM. Pelloutier & Mallet, fe
répandirent de la Scythie Afia-
tique dans prefque toute l'Eu
rope.

« PrécédentContinuer »