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fa miffion pour l'Irlande. Mais il paroît par fa MARS 17. Confeffion que ce fut dans fon propre pays qu'on le ft Diacre, Prêtre, puis Evêque, pour aller annoncer l'Évangile aux Irlandois. On ne peut douter qu'il n'ait été plufieurs années à fe préparer aux fonctions apoftoliques qu'il devoit exercer.

Quand il fut queftion de le facrer Évêque, il éprouva une grande oppofition de la part de fa famille, & du Clergé de fon pays, qui n'approu voient pas le projet de fa miffion. On tâcha de le retenir par les offres les plus avantageuses : on effaya de l'effrayer par la vue des dangers auxquels il feroit expofé parmi des peuples Idolâtres, qui haïffoient d'ailleurs les Romains & les Bretons. Il y en eut qui allerent plus loin, & qui prétendirent qu'il n'avoit pas les qualités requifes pour fe charger d'une pareille entreprise. Patrice étoit dans une violente perplexité, & ne favoit à quoi fe déterminer. Il eut recours à Dieu, qui le confola par une vifion, & l'affermit dans fon premier deffein. Il ne balança donc plus; il abandonna généreusement fa famille, & vendit, comme il le dit lui-même, fa nobleffe , pour fervir une nation étrangere. Il confacra fon ame à Dieu, pour aller porter le nom de J. C. jufqu'aux extrê mités de la terre, réfolu de tout fouffrir pour fuivre fa vocation, de recevoir avec le même efprit les biens & les maux, & de rendre également graces à Dieu des uns & des autres, pourvu que fon nom fût glorifié & que fa volonté fût accomplie.

Animé de ces faintes difpofitions, il paffa en Irlande, pour travailler à l'extinction de l'Idolâtrie, qui y régnoit prefque univerfellement. Brûlant de zele pour la gloire de Dieu, il compta pour d'être regardé comme un étranger, d'être méprifé comme le dernier des hommes, de fouffrir de la

rien

part des Infideles toutes fortes de perfécutions, →→ de facrifier même fa propre vie, fi l'effufion de MARS 17. fon fang pouvoit fervir à la caufe de Dieu. Il parcourut toute l'ifle, & pénétra jufqu'aux endroits les plus reculés, fans craindre les dangers auxquels il s'expofoit.

Ses prédications, fortifiées par fes fouffrances, produifirent des effets merveilleux. On vit une multitude innombrable de Païens fe convertir, & demander le Baptême. Le Saint leur adminiftra ce facrement après les avoir inftruits des mysteres de la Foi. Il travailla enfuite à les affermir dans la Religion qu'ils venoient d'embraffer. Il ordonna de pieux Miniftres, pour le feconder dans fes travaux apoftoliques; il engagea plufieurs femmes à vivre dans la viduité & la continence. Il confacra des Vierges à Jefus-Chrift, & inftitua de faints Moines, qui pratiquoient les confeils de l'Evangile. Le nombre de ceux qui entrerent dans les voies de la perfection, fut très-confidérable.

Les nouveaux Fideles voulurent faire part de leurs biens terreftres à celui qui les avoit enrichis des biens du Ciel, mais Patrice montrant toujours le plus parfait défintéreffement, ne se permit rien de tout ce qui auroit pu déshonorer fon ministere. Au lieu donc de recevoir ce qu'on lui offroit, il lui arrivoit fouvent de rendre les petits préfents que quelques-uns mettoient fur l'autel. Il aimoit mieux contrifter les Chrétiens fervents, que de donner la moindre occafion de scandale à ceux qui étoient foibles, ou qui ne connoiffoient pas encore Jefus-Chrift. H portoit la générofité jusqu'à donner fon propre bien aux Fideles & aux Païens. Quand il vifitoit les provinces, il diftribuoit aux

pauvres des aumônes abondantes. Il faifoit auffi des préfents aux Rois, afin de faciliter par-là le

progrès de l'Evangile. Plusieurs enfants trouvoient MARS 17. en lui un pere plein de tendreffe; il fe chargeoit des frais, de leur éducation, & du foin de les former au service des autels. Enfin fa libéralité ne connoiffoit point de bornes; & lorsqu'il n'avoit plus de quoi donner, il fe réjouiffoit de fe voir pauvre avec Jefus-Chrift, perfuadé que la pauvreté & les afflictions lui étoient infiniment plus avantageufes que les délices & les richeffes.

Ce ne fut qu'avec des peines incroyables, qu'il amena les choses à ce point. Il eut beaucoup de traverses & de perfécutions à effuyer, fur-tout de la part d'un Prince, nommé Corotic, qui régnoit, felon toutes les apparences, dans quelque canton du pays de Galles (e). Ce Corotic étoit Chrétien de profeffion; mais fa conduite ne répondoit point à fa religion; & faint Patrice lui donna même le titre odieux de tyran. Il fit une descente en Irlande, & pilla le canton où Patrice venoit de donner le faint Chrême, c'est-à-dire, la Confirmation, à un grand nombre, de Néophytes qui portoient encore l'habit blanc de leur baptême. Le refpect dû à la Religion, fur-tout dans cette circonftance, ne put ralentir fa fureur. Il maffacra inhumainement une partie de ces Néophytes, & enleva les autres, qu'il vendit à des Païens d'entre les Scots & les Pictes.

Le lendemain de ce maffacre, arrivé probablement aux Fêtes de Pâque ou de la Pentecôte, Patrice envoya une lettre à Corotic, par un faint Prêtre qu'il avoit élevé dès l'enfance. Il le prioit de lui rendre les Chrétiens qu'il avoit emmenés

(e) Les Bretons, après s'être [vers petits Rois, du nombre affranchis de la domination des defquels étoit Corotic. Romains en 409, fe firent di

captifs,

captifs, & une partie au moins de ce qu'il avoit pillé, afin de ne pas réduire un peuple malheu- MARS 17. reux à périr de mifere; mais cette lettre fut inutile. Corotic ne répondit aux prieres du Saint que par des railleries; il fe moqua & de Patrice & de fes Irlandois, comme fi les Irlandois n'euffent pas pu avoir la même foi que les Bretons: difpofition orgueilleufe, qui mettoit les derniers au-deffous des premiers.

Le Saint, pour prévenir le fcandale que les nouveaux convertis pourroient prendre de la conduite de Corotic, qui fe difoit Chrétien, écrivit de fa propre main une lettre circulaire qu'il rendit publique. Il s'y donne le titre de pécheur & d'homme ignorant, par une fuite de cette humi lité qui n'eft jamais plus grande dans les Saints, que quand ils font obligés de faire quelque acte d'autorité. Mais cette humilité ne les empêche pas de foutenir avec fermeté la caufe de la juftice. Patrice, après avoir parlé de fon indignité personnelle, déclare que Dieu l'a établi Evêque d'Irlande, & qu'en cette qualité il fépare de JefusChrift & de la Communion, Corotic avec tous ceux qui ont été les complices de fon crime; il défend de manger avec eux, & de recevoir leurs aumônes, jusqu'à ce qu'ils ayent fatisfait à Dieu par les larmes d'une fincere pénitence, & rendu la liberté aux difciples de Jefus-Christ. On voit par cette lettre, qu'il avoit une tendreffe extraordinaire pour fon troupeau, & qu'il reffentoit une vive douleur de la mort de ceux que Corotic avoit maffacrés. Il fe réjouiffoit pourtant, difoit-il, en confidérant qu'ils régnoient dans le ciel avec les Prophetes, les Apôtres & les Martyrs (ƒ). La

(f) Jocelin dit que Corotic périt miférablement, & il attriTome III.

B

lettre dont nous venons de donner une idée, s'eft MARS 17. heureusement confervée jufqu'à nous.

Patrice, étant dans un âge fort avancé, écrivit fa Confeffion (g), pour ne laiffer aucun doute fur la pureté des motifs qui l'avoient déterminé à entreprendre une Miffion en Irlande. Cet Ouvrage, qui refpire la piété la plus tendre, est plein de bon fens, d'efprit & même de feu. On y voit que l'Auteur avoit une humilité profonde, qu'il foupiroit ardemment après le martyre, & qu'il étoit parfaitement verfé dans la connoiffance de nos divines Ecritures. Par-tout faint Patrice y fait l'aveu de fes fautes (h), & y loue la grande miféricorde du Seigneur, dont il avoit fi fouvent éprouvé les effets, préférablement à plufieurs autres qui en auroient été moins indignes que lui. Il reconnoît qu'il avoit eu plufieurs tentations. dont une des plus délicates avoit été un grand défir de retourner dans fon pays, & d'aller dans les Gaules vifiter les Saints qu'il y connoiffoit. Mais il ajoute qu'il furmonta cette tentation par la crainte de perdre le fruit de fes travaux en abandonnant fon peuple, & parce que le Saint Efprit lui déclara intérieurement que Dieu ne vouloit pas qu'il fortît de l'Irlande. Il dit que quelque temps avant d'écrire fa Confeffion, il fut arrêté avec ceux qui l'accompagnoient; qu'on lui enleya tout ce qu'il avoit ; & qu'on le retint qua

bue fa mort à la vengeance di-
vine.

(g) Le ftyle de cet Ouvrage
eft fort mauvais; ce qui donne
lieu de croire que le texte latin,
que nous en avons, n'eft qu'une
traduction. Peut-être auffi que

le long séjour du Saint en Ir-
lande, pendant fa captivité &

après fon ordination, l'empêcha de cultiver cette partie de la littérature qui a pour objet la politeffe du langage. Il étoit en récompenfe très- versé dans la fcience des Saints.

(h) C'est pour cela que cet Ouvrage a le titre de Confeffion.

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