pour lui rendre la fanté, avec promeffe de lui procurer, ainfi qu'à fon Ordre, les plus grands AVRIL 2. avantages. Cette promeffe ne toucha nullement François. Louis en ayant été informé, mit le Roi de Naples dans fes intérêts, & le conjura de lui envoyer le Saint. Mais il dit franchement qu'on ne le détermineroit point à tenter Dieu, & qu'il n'entreprendroit point un voyage de quatre cent lieues pour un Prince qui ne lui demandoit un miracle que par des vues baffes & purement hus maines. Louis , que fon mal inquiétoit de plus en plus, s'adreffa au Pape Sixte IV, pour obtenir ce qui lui avoit été jufques-là refufé. Le ferviteur de Dieu ayant reçu deux Brefs du Pape, qui lui ordonnoit de fe rendre en France au plutôt, partit fans délibérer davantage. Il paffa par Naples & par Rome, où il fut traité de la maniere la plus honorable. La Provence, ravagée par la pefte, éprouva les effets du pouvoir que Dieu lui avoit donné de guérir les maladies. Le Roi fut fi charmé d'apprendre qu'il étoit arrivé dans fes États, qu'il fit préfent d'une bourse de dix mille écus à celui qui lui en apporta la premiere nouvelle. Le Dauphin fon fils, & les Seigneurs les plus qualifiés de la Cour eurent ordre d'aller le recevoir à Amboife, & de l'amener au Château du Pleffis-les-Tours (g). Le Roi alla au-devant de lui, avec fa Cour, & fe jetta à fes pieds pour le conjurer d'obtenir que Dieu lui prolongeât la vie. Le Saint lui répondit ce qu'une perfonne fage devoit répondre à une pareille demande. Il lui fit entendre que: la vie des Rois a fes bornes comme celle des autres hommes; que les décrets de Dieu étoient im (g) Il y arriva le 24 Avril 1482. AVRIL 2. muables; & qu'il n'y avoit d'autre parti à prendre que de fe foumettre avec réfignation à la volonté du Ciel, & de se préparer à mourir faintement. Louis le logea dans fon Palais & lui donna un interprete. Il eut plufieurs conférences avec lui tant en particulier, qu'en préfence des Seigneurs de la Cour. François s'exprimoit avec tant de fageffe, quoiqu'il n'eût aucune teinture des Lettres, qu'au rapport de Philippe de Commines qui l'entendit plufieurs fois, tout le monde étoit perfuadé que le Saint Efprit parloit par fa bouche. Enfin, fes exhortations, jointes à de ferventes prieres, obtinrent au Roi la grace de rentrer en lui-même. Il prit des fentiments plus chrétiens, & mourut dans les bras du ferviteur de Dieu le 13 Août 1483, après lui avoir recommandé fest trois enfants (h). Charles VIII, fils & fucceffeur de Louis XI, honora le Saint encore plus particuliérement que n'avoit fait le Roi fon pere. Il le confultoit dans toutes les chofes qui regardoient fa confcience & même dans les affaires de l'État. Tant qu'il refta au Pleffis, il n'y eut aucun jour qu'il n'allât le vifiter pour recevoir fes leçons. Il voulut qu'il tînt fur les Fonts, & qu'il nommât le Dauphin fon fils. Il lui fit bâtir un beau Couvent dans le Parc du Pleffis, au lieu appellé Montils, & un autre à Amboife, à l'endroit même où il l'avoit reçu, n'étant encore que Dauphin. Durant fon féjour à Rome, où il fut proclamé Empereur de Conftantinope par le Pape Alexandre VI, il fonda fur le mont Pincio un Monaftere du même Ordre pour la Nation Françoise (i). Ce fut auffi (h) Voyez, fur le voyage du Saint en France, & fur la conduite qu'il tint à la Cour de Louis XI, Commines, l. 6. c. 7. 8. 12. Mézeray, &c. (4) Ce Couvent a produit des fous fous le regne de Charles VIII, que le Saint fonda — le Couvent de Nigeon près de Paris. Deux Doc- AVRIL 2. teurs, qui s'étoient fort oppofés à cet établiffement dans le confeil de l'Evêque de Paris, n'eurent pas plutôt vu François, qu'ils changerent de fentiment. Ils fe mirent même au nombre de fes difciples, & embrafferent fon Inftitut en 1505. La Regle du Saint n'avoit pas reçu d'abord toute fa perfection; diyerfes circonstances avoient rendu quelques changements indifpenfables. Lorfqu'elle fut en état d'être préfentée au Souverain Pontife, Alexandre VI l'approuva; & cette approbation fut depuis confirmée par Jule II (k). il Après la mort de Charles VIII, arrivée en 1498, Louis XII monta fur le trône. Le Saint lui ayant demandé la permiffion de retourner en Italie, la lui accorda; mais il la révoqua bientôt après. Il voulut encore enchérir fur ce que fes prédéceffeurs avoient fait pour lui. Il le combla d'honneurs & de bienfaits, ainfi que fes difciples & fes parents. Le Saint, intérieurement averti de la proximité de fa mort, s'y prépara par un renouvellement extraordinaire de ferveur. Il s'enferma dans fa cellule les trois derniers mois de fa vie, & ne voulut plus avoir de communication avec les hommes. Il ne s'occupa durant tout ce temps-là que de l'éternité. Enfin, il fut pris de la fievre le Dimanche des Rameaux. Le Jeudi Saint, il affembla fes Religieux dans la Sacrifie qui fer hommes célebres, & en produit | l'une pour les Religieux, l'autre (k) Le Saint fit trois Regles; d'enjoindre des pénitences. Q voit de chapitre, pour leur recommander l'amour AVRIL 2. de Dieu, la charité entr'eux, & la fidélité à tous les points de leur Regle. S'étant enfuite confeffé, il reçut la fainte Euchariftie en la posture qu'on la reçoit ce jour-là dans fon Ordre, c'est-à-dire, nu-pieds & la corde au cou. Il mourut le lendemain 2 Avril 1508, à l'âge de 91 ans (1), & fut canonifé par Léon X en 1519. On enterra fon corps dans l'Eglife du Couvent du Pleffis. Il y eft refté entier jufqu'à l'an 1562, que les Huguenots le brûlerent avec le bois d'un grand Crucifix (m). Les Catholiques retirerent du feu quelques-uns des os que l'on garde chez les Minimes du Pleffis, de Nigeon, de Paris, d'Aix, de Naples, de Paule, de Madrid, &c. La plupart des hommes, livrés à la vanité ou fubjugués par l'amour du monde, recherchent avidement toutes les occafions de fe produire au grand jour. La folitude leur eft infupportable; ils craignent d'habiter avec eux-mêmes, & toute leur vie fe paffe dans un cercle continuel d'occupations frivoles, & fouvent dangereuses. Ils ne trouvent pourtant point le bonheur après lequel ils foupirent; ils ne rencontrent au contraire que trouble & affliction. On ne doit pas s'en étonner. (1) Le P. Papebroch avoit | Ordres Relig. Baillet & le Pere d'abord placé la naiffance de de Cofte. Ce dernier donne, faint François de Paule, en p. 482. l'Histoire des horribles 1433, & ne lui avoit donné que profanations que les Huguenots 69 ans de vie. Mais il changea commirent en pillant le Cou de fentiment après la lecture vent & l'Eglife du Pleffis. Il d'une differtation latine, com- donne auffi l'extrait du Procèspofée fur ce fujet par le Pere verbal & des informations qui Giry, laquelle fut imprimée à furent faites par le Préfidial de Paris en 1680. Tours, dans les années 1562 & 1565. (m) Voyez Hélyot, Hift. des C'eft en Dieu, c'eft dans fon propre cœur, fi la charité y regne, que l'homme trouvera la vraie AVRIL 2. félicité. Ceux qui, comme S. François de Paule, font convaincus de cette importante vérité, font leurs délices de la folitude. Ils favent que c'eftlà où l'on peut converfer avec Dieu, & purifier les affections de fon cœur. Mais le détachement des créatures dans lequel ils vivent, ne les empêche pas de paroître en public, lorfque la charité ou les devoirs de leur état l'exigent. Ils ont feulement l'attention d'épurer les motifs qui les font agir, & de fe propofer pour unique but l'accompliffement de la volonté divine. Ils fe conduisent à l'extérieur comme les autres hommes; mais ils ne perdent jamais de vue cette maxime de l'Apôtre : Vous êtes morts au monde, & votre vie eft cachée en Dieu avec Jefus-Chrift (2). LE MÊME JOU R. A CÉSARÉE EN PALESTINE. +306 PPIEN (a) naquit en Lycie, de parents riches & diftingués par leur nobleffe. On l'envoya à Béryte en Phénicie, où il y avoit alors des Écoles célebres d'éloquence, de Philofophie, & de Droit Romain. Il fit des progrès rapides dans toutes ces fciences. Dieu l'ayant amené à la connoiffance de la vérité, il conçut un grand amour pour la priere & pour la retraite, & fe préferva par-là des écueils auxquels la fougue des paffions expofe la jeuneffe. De retour dans fa patrie, il (2) Coloff. III. 3. (4) Appellé auffi Aphien & Amphien. |