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vois pas toujours avoir une goutte d'eau pour

» étancher ma foif. Mes défirs déréglés m'entraî- AVRIL 9, » noient encore vers d'autres objets. Cependant »je pleurois & frappois ma poitrine; je me re» commandois à la Mere de Dieu, & me rap» pellois les engagements que j'avois contractés »fous fa protection. Quand j'avois long-temps » pleuré & meurtri mon corps de coups, je me » voyois tout-à-coup environnée d'une lumiere » éclatante, & le calme rentroit dans mon efprit. >> Souvent la tyrannie de mes anciennes paffions >> sembloit m'entraîner hors du défert. Je me prof » ternois alors contre terre; je l'arrofois de mes »larmes; j'élevois continuellement mon cœur » vers la Sainte Vierge; & jamais elle ne man» quoit de m'affifter ».

Le faint homme; qui s'étoit apperçu qu'elle fe fervoit de temps en temps des paroles de l'Écriture, lui demanda fi elle avoit fait une étude des Livres Saints. «Comment, répondit - elle,

les aurois-je lus, ou même entendu lire ? Vous » êtes le feul homme que j'aie vu depuis que je » fuis dans le défert. Mais Dieu fait donner à » l'homme l'intelligence. Telle eft l'hiftoire de ma

vie tenez-la fecrete, jufqu'à ce que Dieu. » m'ait enlevée de ce monde. N'oubliez pas dans

vos prieres une perfonne que vous favez avoir » commis tant de crimes. J'ai encore une grace » à vous demander, c'eft de ne point fortir du » Monaftere, felon votre coutume, au commen» cement du Carême prochain; vous tenteriez » même inutilement d'en fortir. Apportez-moi » le jour de la fainte Cêne, le Corps & le Sang » du Sauveur. Vous m'attendrez fur les bords du » Jourdain, du côté qui n'est point habité ». Ayant achevé ces paroles, elle fe recommanda

de nouveau aux prieres du vieillard; puis fe fé AVRIL 9. para de lui pour s'enfoncer dans le défert. Zozime fe mit à genoux pour remercier Dieu de ce qu'il avoit vu & entendu; il baifa la trace des pas de la Sainte, & reprit au temps marqué la route de fon Monaftere.

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L'année fuivante, Zozime fe trouva malade lorfque les Freres pafferent le Jourdain. Il fe fou vint alors de ce qui lui avoit été dit par la Sainte, qu'il ne pourroit fortir du Monaftere avec les autres, quand même il le voudroit. Le Jeudi Saint étant arrivé, il fe rendit fur le bord du Jourdain, avec le Corps & le Sang de JefusChrist, qu'il mit dans un petit calice, & avec un panier d'ozier rempli de figues, de dattes & de lentilles. Le foir il vit la Sainte de l'autre côté du fleuve. Elle forma le figne de la croix fur. les eaux, & marcha deffus comme elle auroit marché fur la terre ferme. Quand elle fut auprès du vieillard, elle lui demanda fa bénédiction, & le pria de réciter le Symbole avec l'Oraifon Dominicale. Ayant enfuite reçu la divine Eucha riftie, elle leva les mains au ciel, & dit en fondant en larmes : C'eft maintenant, Seigneur, que vous laifferez mourir en paix votre fervante, felon votre parole, puifque mes yeux ont vu le Sauveur de mon ame. Pour vous, dit-elle à Zozime, » ayez la charité de me pardonner la peine que » je vous ai donnée, & accordez-moi la grace » de revenir le Carême prochain à l'endroit où » je vous parlai la premiere fois ». Le vieillard la pria de fon côté d'accepter les petites provifions qu'il lui avoit apportées: mais elle ne prit qu'un peu de lentilles. Elle repaffa enfuite le fleuve, en marchant fur les eaux, comme elle avoit fait

en venant.

Le Carême fuivant, Zozime entra dans le défert avec les autres Freres. Son premier foin fut AVRIL 9. de chercher la Sainte, pour s'édifier avec elle, & pour lui demander fon nom, ce qu'il avoit oublié de faire jufqu'alors. Mais lorsqu'il fut arrivé au lieu défigné, il la trouva morte. Il y avoit auprès de fon corps étendu par terre une infcription qui portoit qu'elle s'appelloit MARIE, & qui marquoit le temps où Dieu l'avoit retirée du monde. Zozime l'enterra dans une foffe creusée par un lion que Dieu avoit envoyé. Ayant enfuite imploré fon interceffion pour lui & pour toute l'Eglife, il retourna dans fon Monaftere, où il rendit compte de toutes les merveilles dont il avoit été témoin. Il continua de fervir Dieu avec ferveur jufqu'à fa mort, qui arriva dans la centieme année de fon âge. L'Auteur de la Vie de fainte Marie d'Égypte, qui étoit contemporain, écrivit d'après la Relation du Monaftere de Zozime (a).

Rien ne prouve mieux l'excès de la bonté & de la miféricorde de Dieu, que la converfion de fainte Marie d'Égypte. Mais pouvons-nous penfer à l'austérité de fa pénitence, fans rougir du peu que nous faifons pour appaifer la juftice divine, irritée par nos crimes? Que fon exemple nous tire de notre léthargie. Le royaume du ciel n'eft que pour ceux qui fe font violence.

Que le fouvenir de nos crimes nous infpire de vifs fentiments de crainte, lorfque nous entrons dans le fanctuaire, & que nous nous profternons devant le bois précieux qui fut l'inftrument de

a) Le P. Papebroch met d'Égypte en 383, & fa mort la converfion de fainte Marie en 421.

notre falut. N'oublions jamais qu'on infulte Diet

AVRIL 9. quand on veut allier une vie de péché au culţe extérieur.

Dieu tient encore à l'égard des pécheurs incorrigibles, la conduite qu'il tint envers Marie, lorfqu'avant fa converfion il lui fermoit l'entrée du temple. Il les repouffe & les éloigne de lui, avec cette feule différence, qu'il agit d'une maniere invifible. C'est donc en vain qu'ils fe mêlent parmi les Fideles leurs hommages feront rejettés, tant qu'ils auront la volonté de persévérer dans leurs défordres.

Mais la crainte de provoquer le courroux cé leste par notre indignité, doit-elle donc nous féparer de l'affemblée des Fideles, & nous éloigner des divins mysteres? A Dieu ne plaife que nous donnions dans une pareille doctrine. Ce feroit fermer la voie du falut, & boucher le canal des graces. Pourrions - nous ne pas. approcher d'un Dieu qui nous invite à venir à lui, & qui s'eft engagé à nous faire miféricorde, pourvu qu'il voie en nous des fentiments de douleur & de confiance?

Il est vrai pourtant que nous pouvons quelquefois, à l'exemple du Publicain, nous éloigner de l'Autel, par le principe d'une véritable humilité. Quelquefois auffi nous devons par le même prin cipe, nous juger indignes d'unir notre voix à celle des Fideles, lorfqu'ils chantent les louanges du Seigneur. Il faut au moins ne fe présenter jamais devant Dieu, fans avoir purifié fon cœur par une vive componction, & craindre toujours d'attirer fur foi ce terrible anathême: Loin d'ici les méchants; ils ne verront pas la gloire du Seigneur. Mais encore une fois, ces difpofitions de crainte & d'humilité ne doivent exclure ni l'affiduité à

la

lá priere, ni le foin de combattre fes paffions, ni la confiance en la miféricorde divine.

LE MÊME JÒUR.
LES MARTYRS MASSYLITAINS.
LE vénérable Bede a fait mention (1) de ces

faints Martyrs, dont le nom fe trouve dans les
plus anciens Calendriers. Nous avons un Sermon
de famt Auguftin (2), qui fut prêché le jour de
leur fête. Ce fut en Afrique qu'ils verferent leur
fang pour Jesus-Chrift. Il paroît que le nom de
Maffylitains leur eft venu de Maffyla, ou du
pays voifin qui s'étendoit le long des côtes de

la mer.

SAINT EUPSYCHIUS, MARTYR. JULIEN l'Apoftat, allant à Antioche, passa par Céfarée, capitale de la Cappadoce. Il fut vivement piqué de voir que prefque tous les habitants étoient Chrétiens, & d'apprendre qu'ils venoient d'abattre le temple de la Fortune, le feul qui fût refté au Paganifme. Sa vengeance tomba für toute la ville: il l'effaça du catalogue des cités, & voulut qu'elle reprît, fon ancien nom de Mazaca, lui ôtant celui de Céfarée que Tibere lui avoit donné. Il dépouilla en même temps les Eglifes de la ville & de fon territoire, de tout ce qu'elles poffédoient en meubles & immeubles; & pour empêcher qu'on ne détournât quelque chofe de ces biens, il employa diverfes tortures

(1) In 1. Cor. 2. Tome 111.

(2) Serm. 283. T. 5. p. 138.
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AVRIL 9+

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