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MARS 20.

XX. JOUR DE MARS.

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SAINT CUTHBERT, ÉVÊQUE DE LINDISFARNE. Tiré de fa Vie écrite par Bede, & de l'hiftoire Ecclefiaftique du même Auteur, L. 4. depuis le 27 chapitre, jufqu'au 32. de l'Hiftoire de Durham continuée par Turgot, jufqu'à l'an 1104. & par Simeon, jufqu'en 1961 (elle a été publiée par Bedford); d'une ancienne Hymne Mf. de faint Cuthbert in Bibl. Coton. n. 41, apud Wanley, p. 184. de quatre prieres latines compofees en l'honneur du même Saint, qu'on trouve dans un Mf. de la Bibliotheque de Eglife de Durham, n°.190. Voyez auffi Wanley, Catal. T. 2. p. 297. & Harpsfield, Sec. 7. c. 34

L'AN 687.

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LES. Northumbres ayant embraffé la Foi, fous le regne du pieux Ofwald, le faint Evêque Aïdan fonda deux Monafteres, l'un à Mailros fur la Tweed, & l'autre dans l'ifle de Lindisfarne (a). Il les foumit tous deux à la Regle de faint Colomb, & choifit le dernier pour le principal lieu de fa réfidence. Ce fut dans le voisinage de Mailros, que naquit faint Cuthbert (b). La premiere occupation de fa jeuneffe fut de garder les trou

milles de Berwick.

(a) Cette ifle a depuis été appellée Holy Island, c'est-à- b) Cuthbert fignifie, lla dire, ifle fainte, à caufe du luftre par fa fcience. On dit auffi grand nombre de Saints qui Guthbert, qui fignifie digne, da y ont vécu. Elle est à quatre Dieu..

peaux de fon pere fur les montagnes. La vie. MARS 20. édifiante des Moines de Mailros fit fur lui la plus vive impreffion; & il réfolut de les imiter, en retraçant leurs pieufes pratiques, autant que cela lui feroit poffible. Une nuit, que felon fa coutume il prioit auprès de fon troupeau, il vit monter au ciel au milieu des Anges, l'ame de saint Aïdan, qui venoit de mourir dans l'ifle de Lindisfarne. De profondes réflexions fur la gloire que Dieu réferve à fes ferviteurs, le détacherent entiérement du monde. Il alla prendre l'habit dans le Monaftere de Mailros, dont faint Eate étoit Abbé, & faint Boifil Prieur. Il étudia, fous le dernier, l'Écriture Sainte, dont il acquit une parfaite connoiffance. Ses progrès dans la perfection furent très-rapides, & il devint bientôt digne d'être propofé pour modele à tous les Freres.

Lorfqu'Eate alla prendre la conduite du Monaftere de Rippon, fondé par le Roi Alcfrid il amena faint Cuthbert avec lui, & le chargea du foin de recevoir les hôtes. On fait que de tous les emplois monaftiques, c'eft-là un des plus dan gereux. Cuthbert s'en acquitta avec les plus faintes difpofitions. Il lavoit les pieds aux étrangers, qu'il fervoit enfuite avec une humilité & une douceur admirables, perfuadé qu'on fert JefusChrift en fervant fes membres. Mais il n'étoit pas de ces hommes que les occupations extérieures diffipent; fon ame étoit toujours unie à Dieu par un parfait recueillement. Le gouvernement de l'Abbaye de Rippon ayant été confié à faint Wilfrid, Cuthbert retourna à Mailros avec faint Eate, & fuccéda dans la charge de Prieur, à faint Boifil, qui mourut de la pefte en 663.

Non content de former les Moines à la perfection de leur état, & par fes difcours, & par

fes exemples, il travailloit encore à détruire les reftes de fuperftition que le peuple tenoit de fes MARS 20. peres. Il fortoit du Monaftere, dit le vénérable Bede, quelquefois à cheval, plus fouvent à pied, pour ramener dans la voie du falut une multitude de malheureux, qu'il regardoit comme des brebis égarées. Les paysans vivoient alors dans une ignorance profonde des vérités de la Foi, parce qu'il y avoit peu d'Eglifes paroiffiales à la campagne. Mais quand ils favoient qu'un Prêtre faifoit des Inftructions dans quelque village, ils y couroient en foule ; & le Miniftre du Seigneur avoit la confolation de les voir écouter ses discours avec attention, & conformer leur vie aux maximes évangéliques qu'il leur annonçoit. Ce fut ce que Cuthbert éprouva. Auffi avoit-il tout ce qu'il faut pour opérer des converfions. Son éloquence étoit des plus perfuafives & des plus touchantes: ce qui, joint à un certain éclat qui fe répandoit fur fon vifage, donnoit à fes Sermons une force merveilleuse. Personne ne pouvoit lui réfister. Tous fes auditeurs le regardoient comme un Ange envoyé du Ciel pour leur enfeigner la voie du falut; ils fe feroient reprochés la moindre réferve dans leur confiance; ils alloient fe jetter à fes pieds, afin d'y faire l'aveu de leurs fautes, & d'appren¬ dre la maniere de les expier.

Le Saint visitoit par préférence les villages & les hameaux fitués fur des montagnes efcarpées, dont les habitants à demi-fauvages languiffoient dans les ombres de la mort, faute de prédicateurs qui allaffent les inftruire.

Il y avoit plufieurs années que Cuthbert édifioit fes freres par le fpectacle de toutes les vertus lorfque faint Eate, qui étoit tout à la fois Abbé de Mailros & de Lindisfarne, l'envoya dans le

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dernier de ces Monafteres, avec la qualité de MARS 20. Prieur. Il y continua fon genre de vie ordinaire. C'étoit toujours la même affiduité aux exercices de la mortification & de la priere. Il poffédoit fi éminemment l'efprit de contemplation, qu'on l'eût pris moins pour un homme que pour un Ange. Souvent il paffoit les nuits entieres en oraifon; quelquefois il travailloit ou fe promenoit, de peur que le fommeil ne l'empêchât de s'entretenir avec Dieu. Si quelqu'un fe plaignoit en fa présence de ce qu'on avoit interrompu fon fommeil, il difoit ordinairement: « Que je faurois bon gré à celui » qui m'éveilleroit, puifque par-là il me fourni»roit l'occafion de chanter les louanges de mon » Créateur, & de procurer fa gloire »! La vue feule de fon extérieur infpiroit l'amour de la vertu. Son cœur étoit tellement pénétré de componction, qu'il ne pouvoit célébrer la fainte Meffe fans pleurer. Plus d'une fois les larmes abondantes qu'il verfoit dans le tribunal de la pénitence, en arra❤ cherent aux pécheurs les plus endurcis,

Cuthbert, qui vouloit vivre dans une union encore plus intime avec Dieu, quitta fon Monaftere, avec la permiffion de fon Abbé, & se retira dans la petite ifle de Farne, qui en eft éloignée de neuf milles. C'étoit une folitude af freufe, où il n'y avoit ni eau, ni arbres, ni bled. Le Saint s'y bâtit un Hermitage, qu'il environna d'un foffé, & l'on dit qu'il mérita par la ferveur de fes prieres que Dieu lui fit trouver de l'eau dans fa propre cellule. Comme il avoit apporté avec lui des inftruments propres au labourage, il fema d'abord du bled qui ne vint point, puis de l'orge, qui, quoique femée hors de faifon, rendit une abondante récolte. Il fit conftruire une maifon à l'entrée de l'ifle, & du côté de Lindis

farne, afin d'y loger les Freres qui le venoient voir. Il alloit les y trouver, pour les entretenir MARS 20 fur des matieres fpirituelles. Il prit enfuite la réfolution de ne plus fortir de fa cellule, fe contentant d'inftruire par la fenêtre ceux qui le vifitoient, Il confentit pourtant à avoir une entrevue avec une fainte Abbeffe, nommée Elflede. Elle étoit fille du Roi Ofwi, & avoit été confacrée à Dieu dès fa naiffance. En 680, elle fuccéda à fainte. Hilde, dans le gouvernement de l'Abbaye de Whitby. L'entrevue fe paffa dans l'ifle de Cocket, alors remplie de faints Anachoretes.

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Cuthbert fut élu Evêque de Lindisfarne, dans un Synode, tenu par faint Théodore, à Twiford fur l'Alne, au royaume de Northumberland. Mais quand il fallut obtenir fon confentement, on éprouva de grandes difficultés de fa part. On ne put l'arracher de fa folitude, malgré les lettres qu'on lui écrivit, & les Députés qu'on lui envoya. Enfin le Roi Egfrid,, qui avoit affifté au Synode l'alla trouver en perfonne avec le faint Evêque Trumwin, & plufieurs autres perfonnes refpecta bles par leur vertu. Tous enfemble se jetterent à fes pieds, & le conjurerent par les plus pref fants motifs, d'accepter une place où il pourroit procurer à Dieu une fi grande gloire. Il fe rendit à la fin, & fortit de fa cellule, mais en verfant un torrent de larmes. Il fut facré à Yorck, le jour de Pâque, par faint Théodore, affifté de fix Evêques,

Le Saint, pour avoir changé d'état, ne dimi nua rien de fes auftérités ordinaires. Il fe regarda comme un homme dévoué au falut du prochain, & ne penfa plus qu'à travailler à la fanctification du troupeau qui avoit été confié à fes foins. Il avoit une tendre charité pour les pauvres, &

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