XXI. JOUR DE MAR S.

SAINT BENOIT,

PATRIARCHE DES MOINES D'OCCIDENT.

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Tiré de S. Grégoire le Grand, Dial. l. 2. c. 1. qui

aflure ne parler que d'après ce qu'il avoit appris de quatre disciples du Saint ; savoir , Constantin, qui fut son successeur dans le gouvernement du mont Casin; Simplicius, troisieme Abbé du même Monaftere; Valentinien, premier Abbé du Monastere de Latran; & Honorai, Abbé de Sublac. Voyez les Remarques du P. Mabillon, Annal. Benr.l. 1. T. 1. p. 3. & 1. 2. p. 38. & Act. Sanct. Ben. T. 1. p. 80. Dom Mege, Vie de S. Benoît; les Recherches de Haften, avec l'abrégé du même Ouvrage par l'Abbé Steingelt ; Ziegelbaver &

& Legigoni , Hift. litter. Ord. S. Bened. an. 1754. T. 1. p. 3. & T. 3. p. 2. + LAN 543

1 Benoît, iffu d'une famille honnête, naquit à Norcia , autrefois ville épiscopale, en Ombrie, Il ne fut pas plutôt en âge d'apprendre les sciences, que

ses parents l'envoyerent aux Écoles publiques de Rome. Comme son cæur n'avoit jamais été infe&té du poison du vice, & qu'il redoutoit jusqu'à l'ombre du péché, il craignit pour son innocence

, au milieu d'une troupe de jeunes gens, dont plusieurs menoient une vie fort déréglée. Il ne s'en tint pas là; il résolut de faire un divorce éternel avec le monde, afin de se mettre à l'abri de tous ses pieges. Il sortit donc de Rome , & prit le

MARS 21.

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chemin du désert. Sa nourrice, nommée Cyrille, qui l'aimoit tendrement, le suivit jusqu'au bourg. MARS 11. d'Afile, environ à trente milles de Rome. Mais il trouva le moyen de s'échapper , & de gagner seul les montagnes de Sublac (a). Là il rencontra un Moine du voisinage , nommé Romain, qui lui donna l'habit de Religieux. Romain l'inftruisit ensuite des devoirs de l'état qu'il vouloit embrasser, & le conduisit à une caverne profonde , située au milieu des montagnes & dans un lieu presque inacceffible.

Cette caverne, appellée depuis la sainte Grotte, fut le lieu que Benoît choisit pour fa demeure. Romain lui promit de garder le secret , & de lui apporter de temps en temps une partie de ce qu'on lui donnoit pour fa nourriture. Il la descendoit dans la caverne avec une corde , & en avertissoit le Saint par le moyen d'une sonnette (6). Benoît vécut ainfi pendant trois ans, sans être connu de qui que ce fût , excepté de Romain. Mais Dieu qui le destinoit à briller dans le monde, comme une lumiere éclatante , permit qu'il fût découvert en 497. Voici comment la chofe arriva.

Un faint Prêtre du pays, preparant fon dîner le jour de Pâques , entendit une voix qui lui disoit : « Vous préparez à manger pour vous » tandis que Benoît, mon serviteur , meurt de » faim à Sublac ». Le Prêtre se mit auffi-tôt à

(a) C'est une chaîne de ro-Traint Benoit se retira sur les chers escarpés, au bas desquels montagnes de Sublac. On croit font une riviere & un lac. Les qu'il n'avoit que quatorze ou Italiens disent Subiaco , ayant quinze ans. Saint Grégoire die changé en i, la lettre b, du effectivement qu'il étoit encore mot latin Sublacum.

enfant lors de la retraite. (b) Ce fut vers l'an 494 que

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chercher l'Hermite , & ce ne fut qu'avec beauMARS 21. coup de peine qu'il parvint à le trouver. Benoît

fut surpris de voir un homme venir à lui ; & il ne voulut lui parler que quand ils eurent tous deux prié quelque temps. La conversation ne roula que

sur les choses de Dieu. Le Prêtre invita ensuite le Saint à manger , apportant pour raison que

l'on ne devoit pas jeûner le jour de Pâque (c). Le repas fini, le Prêtre retourna chez lui.

Quelque temps après, des Bergers apperçurent le Saint proche de sa caverne. Ils le prirent d'abord pour une bête sauvage. Leur erreur venoit de ce qu'il étoit vêtu de peaux de bêtes, & de ce qu'ils croyoient impossible qu'un homme habitât des rochers aufli affreux que ceux de Sublac. Lorsqu'ils se furent assurés que c'étoit un serviteur de Dieu, ils conçurent pour lui le plus grand respect; il y en eut même plusieurs d'entr'eux

, qui, touchés de ses discours , entrerent avec ferveur dans les voies de la perfection. Le bruit de la découverte du faint Hermite s'étant répandu , on s'empressa d'aller le visiter. On lui fournissoit aussi ce que l'on savoit être convenable à la maniere de vivre. Benoît de son côté nourrissoit par des instructions toutes divines les ames de ceux qui prenoient soin de son corps.

Quoiqu'il fût caché dans le sein de la solitude, il ne laissa pas d'éprouver les assauts du tentateur. Nous avons beau fuir le monde, le Démon nous suit par-tout; toujours il entretient des intelligences secretes avec cet ennemi domestique qui ré

(c) Il n'est pas étonnant que comme il n'avoit aucun come Benoit ignorât que l'on étoit à merce avec les hommes, il pous la fête de Pâque; on ne la cé- voit ne pas connoître le jour de lébroît point alors le même jour cette fête, dans toute l'Église. D'ailleurs

fide dans notre propre cæur, & qui ne mourra qu'avec nous. Pendant que Benoît vaquoit à la MARS 21. contemplation des choses célestes, l'esprit de ténebres essaya de le distraire , en le présentant à lui sous une forme vifible ; mais il chalsa le phantôme avec le signe de la croix. Le Démon eut recours à une nouvelle ruse; il rappella au Saint le souvenir d'une femme qu'il avoit vue autrefois à Rome , & il en grava fi fortement l'image dans son efprit , qu'il fut tenté de quitter son désert. Un rayon de la grace ayant ausfi-tôt brillé à ses yeux, il rougit d'une pareille tentation, mit bas ses habits, & se roula tout nu dans des orties & des ronces qui étoient auprès de lui. Il ne se releva que quand son corps fut tout en sang. Les plaies qu'il le fit, éteignirent les flammes impures de la concupiscence ; & cette premiere vičtoire assujettit tellement la chair à l'esprit, qu'il n'en refsentit plus dans la suite le funefte aiguillon.

Cependant, le bruit de la sainteté se répandoit de jour en jour. On vit plusieurs personnes touchées de ses exemples , renoncer au monde pour embrasser les austérités de la pénitence. Quelque temps après, les Moines de Vicovare (d) le choisirent pour succéder à leur Abbé, qui venoit de mourir. Benoît s'en défendit, par les principes de · cette humilité qui fut toujours la vertu favorite. Mais on lui fit tant d’instances, qu'à la fin il fut obligé de céder. L'expérience lui apprit bientôt qu'il étoit chargé de conduire des hommes, dont la vie n'étoit rien moins que conforme aux maximes de l'état monastique. Son zele déplut; on se repentit d'avoir élu un Abbé fi rigide observa

(d) Vicoyare , anciennement village situé entre Sublac & Tiappellé Varronis Vious, étoit un voli.

teur des regles; on passa des murmures à la haine; MARS 21. & les choses en vinrent à un tel point, que quel.

ques-uns résolurent de se défaire d'un Supérieur dont la morale condamnoit leurs désordres. Ces scélérats mirent du poison dans le vin qu'il devoit boire , & le lui présenterent. Le Saint ayant formé, selon la coutume, le signe de la croix sur le verre , il se cassa fur le champ. Il reconnut à ce prodige que le verre contenoit un breuvage mortel. Loin de paroître étonné, il dit à ses Moines avec sa douceur & sa tranquillité ordinaires : « Que Dieu vous le pardonne, mes Fre» res. Vous devez comprendre aujourd'hui com» bien j'avois raison de vous répéter que vos » mours ne pourroient sympathiser avec les > miennes ».

Le saint Abbé quitta donc ces Moines incorrigibles, pour retourner à Sublac. Il lui vint un grand nombre de disciples ; & au bout de quelque temps, il bâtit douze Monafteres (e), dans cha

(e) Ils étoient dans la province de Sainte Marie (aujourd'hui de Valeria , & peu éloignés les uns Saint Laurent ); le sixieme de des autres. Les Modernes sont saint Jean • Baptiste. Celui - ci partagés sur le nom & la des- étoit bâti à l'endroit le plus çription de ces Monasteres. Nous élevé de la montagne, & se suivrons D. Mege, qui paroît' nomme aujourd'hui faint Jean le plus exact de tous ceux qui dell'acqua, à cause d'une fons ont traité ce point d'histoire. taine qu'on dit que S. Benoit y fit Le premier Monastere , bâti a jaillir par ses prieres ; le sepsoixante pas de la grotte du tieme étoit appellé de S. Jéróme; Saine , étoit appellé Colombaria le huitieme Vita æterna ; le neu. ( aujourd'hui saint Clément); le vieme de saint Victorien ou second portoit le nom de saint Victorin, Martyr & Patron de Cóme & de saint Damien , & la province Valeria ; le dixieme porte présentement celui de l étoit à Trébare , village voisin; fiinte Scolastique ; le troisieme le onzieme portoit le nom de étoit appellé de Saint Michel ; Saint Ange ; le douzieme étoit le quatrieme de Saint Donat, rur le bord d'une fontaine peu Evêque & Martyr; le cinquieme'éloignée de l'ancien château,