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ce vers. Après un aveu formel de Julie, Melcourt fe relève, & dit très.leftement :

Je puis me difpenfer de refter à genoux. Le vers eft plaifant; mais il annonce un amant un peu trop facile à confoler. J'aime mieux ce vers, qui termine la pièce :

Pour nous, mon cher Damis,

Ceffons d'être rivaux, fans ceffer d'être : amis.

Voilà, Monfieur, l'analyse exacte de l'intrigue des Rivaux amis. Pour le ftyle, il eft des plus défectueux : la verfification en eft généralement foible, malgré le laconifme apparent. On y rencontre fouvent des Hémyltiches parafites & vuides de fens, des emjainbemens défagréables qui blessent inceffamment l'harmonie, & rendent la rime prefque inutile. Le dialogue éblouit d'abord par fa vivacité, & c'eft la principale caufe du fuccès qu'a eu cette pièce à la représentation; mais à la lecture, il eft difficile à foutenir, tant il eft coupé, & même

haché. Ceux qui n'aiment pas les longues tirades, font fervis ici à fouhait : car la plus longue n'a pas fix vers. Voici une des plus confidérables que la Comteffe prononce tout d'une haleine.

Le titre de mari ne peut trop fe payer; Vous feroit-on fubir le plus rude esclavage, Obéir fans fe plaindre, eft toujours le plus fage.

Vous avez votre tour ; affranchi de ses fers, L'époux vange l'amant des maux qu'il a foufferts.

'Au refte, je pardonne aifément à l'Auteur, d'avoir été avare de tirades dans une Comédie: mais ce que j'ai peine à lui pardonner, c'eft de faire couper à chaque inftant la parole à fes interlocuteurs, même à la Comteffe. Elle na pas le temps de dire deux mots de fuite.

Damis eft un jeune homme aimable

MELCOURT.

Aflurément.

LA COM TESS E

Modefte...

MELCOURT,

MELCOURT.

Je le fais.

LA COMT ESSE.

Plein d'honneur.

MEL COURT.

Oui, Madame,

LA COMTES SZ.

Eftimable.

MELCOURT.

En tout point.

Eft-ce encore là du bon ton? La rapidité du dialogue a fans doute fon mérite; mais il faut ménager cet agrément, qui perd de fon prix, s'il eft prodigué. C'est une ressource qu'il eft bon de réserver pour de certaines oc cafions, par des équivoques, des tra cafferies; par exemple, pour la Scène des Plaideurs, entre Chicaneau & la Comteffe, Horace a dit, brevis effe laboro, obfcurus fu. C'eft bien ici le cas d'appliquer ce vers. Dans cette Pièce, on s'interrompt fans ceffe, on fe devine dès le premier mot, qu'en véritể le Public, & peut-être l'Auteur luimême, feroient fort embarraffés pour achever.

AND 1783. Taw. L P

Par exemple, la Comtesse en parlant de Melcourt, dit:

Son mérite..
....

Damis ripofte:

Il en a.

Dans la même Scène, Damis commence une phrafe;

Sa conduite.

Le prouve,

Dit la Comteffe. Enfin, Monfieur, il y a dix pages dans l'exemplaire que j'ai fous les yeux, où l'on chercheroit en vain, je ne dis pas une tirade, je ne dis pas même un couplet un peu fuivi; mais un vers, un feul vers entier : ce n'eft point ici une plaifanterie, je dis un vers, à la lettre.

Tels font, Monfieur, quant à l'intrigue & au ftyle, les défauts de cette petite Comédie; où l'on trouve d'ailleurs, des fituations plaifantes, des vers heureux, des faillies, & quelquefots un dialogue vif & preffé; fouvent même des jeux de théâtre, qui annoncent un homme verfé dans la connoiffance de la Scène. En un mot M. Forgeot paroît avoir de la facilité,

de l'efprit, & même du talent; & peut efpérer un fuccès plus complet, s'il a Toin de mieux combiner fes intrigues, de les nourrir davantage, de foigner fa verfification, & d'achever au moins Les phrases.

J'ai l'honneur d'être, &c.

Cet article eft de M. H***.

LETTRE XVIII. COMÉDIE FRANÇOISE.

LE 21

E 21 Février, on a remis au Théâtre la Mort de Céfar, Tragédie de M. de Voltaire. L'Auteur éloit dans la vigueur de l'âge, quand il composa cette Pièce: ainfi, les défauts de l'Ouvrage, ne font pas le fruit de l'inexpérience de la jeuneffe, ou de l'affoibliffement des années. Par la même raison, les beautés mâles qu'on y découvre, ne fauroient appartenir qu'à une plume nerveufe, qu'à un efprit encore animé de tout le feu d'une verte faifon, Cette Tragédie fut jouée,

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