de théâtre. Avec tout cela, rien ne porte au cœur des émotions profandes. On fe contente feulement d'admirer l'art du Poëte. Céfar n'inspire qu'un foible intérêt; Antoine s'amufe éternellement à faire de belles phrafes, & le spectateur voit arriver le dénoue ment avec une forte d'indifférence. Faut-il être fincère jufqu'au bout? M. de Voltaire a voulu lutter contre Corneille: il a cru que la Mort de Céfar feroit mife pour le moins à côté de la Mort de Pompée. Rival ambitieux, il a voulu, en un mot, qu'on n'attribuât point à Corneille la gloire exclufive d'avoir fait difcourir les Romains avec toute la fublimité de leur génie : mais quelle différence de vigueur dans les deux pinceaux ! Chez l'un, les Romains parlent en vrais Romains; & chez l'autre, ils parlent en François éloquens. Qu'on nous pardonne de nous exprimer avec cette bonne foi fur un Ecrivain dont nous révérons les talens fupérieurs, peut-être plus que les enthoufiaftes qui en font un Auteur fans tache & fans défaut. Malgré nos réfle xions, nous fommes les premiers à reconnoître un grand mérite dans la Mort de Céfar. Plufieurs vers, plufieurs fcènes ont été généralement & juftement applaudis; la pièce enfin a eu du fuccès, & M. la Rive n'y a pas peu contribué par la manière dont il a rendu le perfonnage de Brutus. Cet acteur s'eft acquis dans ce rôle un nouveau droit à l'amour du Public: les fuffrages univerfels dont il a été couronné en difent plus à fa louange, que tous les détails flatteurs où nous pourrions entrer. Encore une nouveauté, Monfieur,. mais du très-petit genre. Mélite, jeune veuve aimoit Cléante, & en étoit éperduement aimée. Cléante eft obligé de partir pour un voyage, qui le tient éloigné de fa maîtreffe pendant le cours de trois ans. Merval, ami de Cléante, vient à bout par fes affiduités & les foins de plaire à Mélite. Cléante, de fon côté, à fait une nouvelle conquête. Ainfi voilà nos deux amans réfroidis l'un pour l'autre, & qui ne fe fouviennent que très-foiblement de leurs premières amours. Cependant a une lettre annonce à Mélite le retour de Cléante: celui-ci s'exprime encore comme s'il étoit vraiment paffionné. Notre jeune veuve, qui ne chérit plus que Merval, eft au défespoir de la lettre qu'elle a reçue, & des fenti- ́ mens qu'elle y trouve. Cléante arrive: il feint une tendreffe que dément l'embarras de fes difcours. Mélite eft auffy dans la plus affreufe contrainte. L'un & l'autre voudroient s'avouer leur changemeut; mais aucun n'o'e commencer un aveu auffi difficile. Que feront-ils pour fortir de peine? Ils chargeront leur foubrette & leur valet d'entamer cette épineufe negociation. Comme il eft convenu qu'au théâtre les domeftiques auroient toujours plus: d'efprit que leurs Maîtres, on ne manque jamais de leur donner la commiffion de rompre les obftacles qui naiffent dans les Comédies. C'est donc à l'intelligence de Frontin & de Lifette, que Cléante & Mélite ont l'obligation de ne pas s'expliquer en face fur l'objet qui les tenoit dans la plus accablante perplexité. Tous deux ap prennent fans fe fächer, & même avec plaifir, qu'ils font devenus inconftans Dégagés réciproquement de leur foi, ne pouvant plus être amans ni époux, ils fe jurent de refter fans ceffe amis; & pour achever la pièce felon lest règles d'ufage, Mélite & Merval promettent de s'unir par les liens de l'hy menée. Cette Comédle, Monfieur, a été jouée le 24 Février: le Public l'a accueillie favorablement. N'en concluez pas que ce foit un Ouvrage : c'est un petit cadre où les fcènes font filées avec une uniformité fi continue, qu'elles femblent n'en compofer qu'une feule: ce font de petites couleurs, de petits moyens, de petites nuances & de petites imitations: c'elt vous dire que tout cela fe réduit à de petites fcènes à tiroir. Le ftyle, d'ailleurs, eft pur, le dialogue aífé, & le ton n'a rien qui fente le mauvais goût. C'eft beaucoup aujourd'hui où la langue & les bienséances font violées ouvertement. Félicitons M. Vigée, qui eft jeune, d'avoir débuté par une pièce |