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L'ÉCONOMIQUE

COMME BASE DE LA MORALE

On réclame la « justice sociale » et, plus on va, plus on paraît s'en éloigner. Quelle est la cause de cette confusion? C'est ce qu'un Américain, M. John G. Murdoch, s'est proposé de nous démontrer dans une étude de philosophie sociale scientifique Economics as the basis of living ethics.

Cette cause réside en ce que l'ordre naturel des choses est renversé. La théologie et la métaphysique, que l'on donne généralement pour bases à l'éthique, sont des constructions en l'air, qui ne reposent sur rien et, par conséquent, ne peuvent servir de support à rien. Ces prétendues sciences considèrent l'homme comme un pur esprit, come un ange, et le traitent en conséquence; or, l'esprit sans corps ne nous est pas connu, La pyramide sociale se trouve ainsi posée sur sa pointe, ce qui explique son instabilité.

Pour remédier au mal social, il s'agit donc de remettre la pyramide sur sa base: au lieu d'édifier la morale sur la théologie et la métaphysique, il faut qu'elle repose sur l'économique, comme l'indique le titre de l'étude de M. Murdoch.

Marx a été le premier, dit-il, qui ait donné à la société l'interprétation économique, et il a eu raison. Le mode de production conditionne et détermine le « procès de vie sociale, politique et spirituelle. Ce n'est pas la conscience de l'homme qui détermine son existence, c'est, au contraire son existence sociale qui détermine sa conscience. L'homme est un animal avant d'être un penseur. L'homme est d'origine sociale. Chaque homme est un produit de la race.

M. Murdoch veut interdire aux autres les abstractions de la métaphysique; il semble qu'il ne se prive pas d'en faire pour son propre compte. Qu'est-ce que la race, qu'est-ce que la société sans

l'individu? Qu'est-ce que l'individu lui-même sans les milliards de cellules qui le composent?

Il est bien vrai que l'économique devrait être la base de l'éthique, mais 10 il y a souvent loin de ce qui devrait être à ce qui est, et 2o ce principe est bien antérieur à Marx: le seul adage: primo vivere... en est la preuve. Marx n'a fait que généraliser à l'excès le principe économique, prétendant réduire la question sociale à une question de ventre, alors que l'homme n'est ni ange ni bête, mais tient un peu des deux.

M. Murdoch, heureusement, n'admet pas sans restriction l'interprétation matérialiste marxienne de la société. Il estime que la conduite de la grande majorité du genre humain est déterminée par des considérations économiques; il n'en reste pas moins une minorité dont il convient de tenir compte.

Tout en admettant l'interprétation économique de l'histoire, selon Karl Marx, M. Murdoch constate, avec raison, qu'il n'y a rien de commun entre cette théorie et le socialisme. Personne ne peut prédire ce que sera la société future. Le socialisme n'est qu'une des hypothèses possibles. Autrement dit, le socialisme, quel qu'il soit, est d'ordre prophétique et non scientifique.

Pour établir l'éthique sur une base économique, et pour réfuter les théories qui basent la morale sur la théologie et la métaphysique, M. Murdoch passe en revue les principales doctrines économiques et philosophiques, c'est la partie la plus importante de son livre, et, naturellement, étant donné ses principes, il adopte la philosophie déterministe, d'après laquelle l'objectif conditionne et domine le subjectif.

D'après cette philosophie, la religion tire son origine de l'économique et suit un progrès parallèle; ce qui le prouve, c'est que les idées religieuses sensibles et même sensuelles à l'origine des sociétés, deviennent de plus en plus abstraites à mesure que les sociétés s'augmentent et se perfectionnent. La justice, même la justice sociale et toutes les autres vertus, dérivent également de l'économique et lui sont subordonnées. Les droits appelés naturels sont simplement des relations économiques. M. Murdoch s'élève contre les moralistes théologiens et métaphysiciens. Il considère que leur principal souci est toujours l'intérêt des législateurs et des gouvernements pour lesquels ils réclament l'obéissance; à cet effet, ils inculquent au peuple « la psychologie de la soumission »; ils enseignent que le devoir est « la voix de Dieu en nous. Cette voix de Dieu qui parle tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, qui approuvait hier l'esclavage et qui le condamne aujourd'hui.

Laissons de côté, conclut M. Murdoch, toute cette métaphysique. Le vrai idéal n'est pas dans un au-delà inconnu et inconnaissable, il est sur la terre. Occupons-nous de spiritualiser la terre au lieu de matérialiser le ciel. En somme, M. Murdoch discute beaucoup les idées des autres, et il est probable que les siennes seront aussi beaucoup discutées.

J. B. LEGROS.

LA LIGUE DU LIBRE-ÉCHANGE

JUILLET 1921

I. La hausse du prix du pain. II. Autres augmentations. méthode pour les relèvements de coefficients.

V. La Semaine du commerce extérieur. of commerce. I VII. Le tarif américain.

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IV. Le grand tarif.

VI. L'International Chamber

I. La hausse du prix du pain. Dans son assemblée générale, tenue le 16 juin 1921, la Ligue du libre-échange a, sur la proposi tion de M. G. Schelle, adopté, après discussion, à l'unanimité, une résolution dont voici l'exposé des motifs sur le prix du pain :

I

Les journaux ont annoncé que le gouvernement préparait un décret sur les blés, décret en vertu duquel le commerce de cette denrée deviendrait libre à l'intérieur et son importation permise. moyennant l'acquittement des droits de douane.

On fait valoir qu'il résultera de là un abaissement sensible du prix du pain, lequel sera ramené à 1 franc le kilogramme, disent les uns, à o fr. go disent les autres.

Les journaux expliquent qu'en raison des disponibilités des blés étrangers, de l'abondance de la récolte algérienne et de la précocité de la nôtre, nous pouvons compter pour l'automne sur de larges ressources, mais que, selon la demande du ministre de l'Agriculture, il importe de protéger nos agriculteurs contre la concurrence étrangère; que le prix du blé pourrait tomber aux environs de 60 francs le quintal, et qu'il convient de maintenir ce prix à 75 ou 80 francs dans nos ports; à cet effet, le droit de douane, fixé à 7 francs par quintal avant la guerre, serait multiplié par le coefficient 2, c'est-à-dire doublé et porté à 14 francs. Des membres du

Parlement ont été plus loin et ont demandé un droit de 21 francs afin de maintenir entre le blé national et le blé étranger un écart de prix encore plus élevé.

II

Ainsi, les protectionnistes ne nient plus, comme ils l'ont fait si longtemps, malgré leurs intentions réelles et malgré l'évidence des faits, que les droits de douane ont pour but et pour effet d'élever, au profit des producteurs, les prix de vente à l'intérieur d'une quantité sensiblement égale au montant de ces droits.

Les économistes avaient démontré, avant la guerre et sans réfutation possible, que l'existence du droit de 7 francs par quintal de blé avait permis de majorer de 5 francs en moyenne le prix du blé vendu en France et, par suite, de faire hausser de o fr. 05 environ le prix du kilogramme de pain. En conséquence, les producteurs de blé ou les propriétaires du sol, suivant les cas, prélevaient sur les consommateurs de pain, c'est-à-dire sur l'ensemble de la population française, un impôt annuel de 3 à 400 millions de francs.

Il est clair qu'en portant le droit de douane de 7 francs à 14 francs, le prix du pain sera majoré d'une quantité probablement double et que le prélèvement effectué par l'agriculture sur les consommateurs atteindra chaque année, rien que pour le blé, une somme probablement double de celle qu'il prélevait avec le droit de 7 francs.

Ce sont là d'ailleurs les prévisions contenues dans les renseignements officieux qu'ont publiés les journaux. Il y est expliqué que le prix du blé, au lieu d'être de 60 francs, devra monter à 75 ou 80 francs, soit avec une majoration de 15 à 20 francs; dès lors, sur les 60 millions au moins de quintaux de blé qui sont chaque année mis en vente en France, en dehors des blés étrangers, la majoration totale sera d'environ 1 milliard de francs.

III

Cependant, les producteurs de blé indigène sont déjà fortement protégés contre la concurrence étrangère puisque, par le change, les prix, en France, ont augmenté par rapport aux Etats-Unis de plus de 140 p. 100 et, par rapport à l'Angleterre, d'environ 100 p. 100. Avant la guerre, le prix de vente du blé était voisin de 30 francs le quintal, il est évalué, d'après les résultats probables de

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