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principal ressort des gouvernemens monarchiques. Les partisans des utopies républicaines ont vu dans cette assertion une satire violente des monarchies ; mais l'auteur de l'Esprit des lois n'a pas prétendu proscrire l'honneur des républiques; l'histoire de Rome et de ses mœurs militaires eût refuté cette opinion paradoxale. Rome aussi eut des distinctions, des récompenses honorifiques pour le courage sur le champ de bataille et pour le dévouement à la patrie : témoin ces diverses couronnes dont elle ceignait leurs fronts; témoin ces surnoms, ces titres qui se transmettaient aux descendans des héros, et perpétuaient l'illustration héréditaire dans les familles. Rome républicaine ne crut pas déroger à la mâle sévérité de ses lois, en investissant des priviléges de la gloire les citoyens qui en étaient dignes, en les désignant par des témoignages éclatans de sa reconnaissance à la publique estime. L'honneur, alors comme aujourd'hui, comprenait tous les devoirs, l'amour de la patrie

surtout; et la république fut toujours grande et forte, tant qu'elle ne fut pas ingrate envers ceux qui se sacrifiaient pour elle.

On aurait donc mauvaise grâce à vouloir faire le procès à la mémoire des monarques qui ont attaché leurs noms à l'établissement des ordres institués dans les principaux royaumes de l'Europe; il faut au contraire applaudir à la pensée qui inspira ces différentes institutions; elle substituait une noble et glorieuse fiction à des récompenses qui ne flattaient guère que la cupidité, telles que l'or, les places, qui ne paient pas tous les genres de services; elle relevait l'homme à ses propres yeux, rehaussait sa dignité morale, et proposait à une honorable ambition un but éloigné de tout calcul, et de toute spéculation d'un vil intérêt; enfin, en attachant le titre de chevalier à la décoration, elle imposait à ceux qui la recevaient l'obligation de ne pas briser le lien qui les unissait à l'ancienne chevalerie; c'était une illustration viagère et personnelle, et qui n'avait

rien de féodal, pas même le privilége de la noblesse héréditaire.

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La faveur et le caprice ont pu jeter de la défaveur, et même quelquefois de la déconsidération, sur les ordres équestres. La croix de chevalier souvent été le prix de la bassesse ou de honteux services; on ne saurait le nier. Avant, bien avant l'institution des croix, le vrai mérite avait eu à se plaindre d'un injuste oubli. Les républiques anciennes, où il n'y avait pas de chevaliers, avaient eu de grands citoyens, qui non-seulement n'obtinrent pas les récompenses qui leur étaient dues, mais dont la proscription, les fers ou la mort, payèrent les vertus. Dans toutes les institutions humaines, le mal vient incessamment se placer à côté du bien; c'est l'ombre nécessaire au grand tableau de la société, dans tous les temps, sous tous les gouvernemens, quels qu'ils soient : c'est la condition de l'humanité. Mais qu'importe ! si le principe d'une institution est utile, s'il est le ressort d'une émulation généreuse, s'il peut

concourir au développement des plus belles facultés de l'homme, et servir d'encouragement

au mérite comme à la vertu, cette institution n'a-t-elle pas droit au moins à l'indulgence, de la part de ces juges sévères qui, rêvant une perfection impossible, ne laissent que la satisfaction de la conscience pour prix des grandes actions ou des talens.

La révolution de 1789 trouva debout devant elle plusieurs ordres institués par différens rois de France. Elle ne demanda pas s'ils étaient utiles : les révolutions tranchent les questions, mais ne les discutent pas. Ces ordres disparurent avec tant d'autres institutions qui n'avaient qu'un tort, celui d'appartenir à l'ancienne monarchie. Il fallait tout détruire pour arriver à une régénération complète; car les obstacles qu'elle rencontra rendirent impossible toute concession au passé, toute transaction avec ce qui méritait d'être conservé. Enfin, tous les ordres eurent le sort des titres de noblesse: on

leur appliqua le même arrêt de proscription qui pesait sur elle.

On comptait en France, avant la révolution de 1789, cinq ordres équestres, savoir: 1° l'ordre du Saint-Esprit, institué par Henri III, roi de France et de Pologne, le 21 décembre 1578 et le 1er janvier 1579; 2o l'ordre de Saint-Michel, institué par Louis XI à Amboise, le 1er août 1469; 3° l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, institué par Louis XIV, au mois d'avril 1693, et confirmé par Louis XV en 1719; 4° les ordres 4o les ordres royaux, militaires et hospitaliers, de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel. On fixe la fondation de Saint-Lazare de Jérusalem avant 1060, temps des premières croisades. Louis VII conduisit en France les premiers chevaliers de Saint-Lazare, en 1154. Louis IX ramena ce qui restait de ces chevaliers en 1251. Henri IV

* Cet Ordre, conservé par l'Assemblée constituante, fut ensuite aboli la Convention.

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