LA PRINCESSE DE**
Ouvent la plus belle princeffe
Languit dans l'age du bonheur; L'étiquette de la grandeur,
Quand rien n'occupe & n'intéreffe, Laiffe un vuide affreux dans le cœur.
Souvent même un grand roi s'étonne,
Entouré de fujets foumis,
Que tout l'éclat de fa couronne, Jamais en fecret ne lui donne Ce bonheur qu'elle avait promis.
On croirait que le jeu confole; Mais l'ennui vient à pas comptés, A la table d'un Cavagnole *
* Jeu à la mode à la cour.
S'affeoir entre des majeftés.
On fait triftement grande chère, Sans dire & fans écouter rien, Tandis que l'hébété vulgaire Vous affiège, vous confidère, Et croit voir le fouverain bien.
Le lendemain quand l'hémisphère Eft brûlé des feux du foleil, On s'arrache au bras du fommeil, Sans favoir ce que l'on va faire.
De foi-même peu fatisfait, On veut du monde, il embarrasse: Le plaifir fuit; le jour se paffe,
Sans favoir ce que l'on a fait.
O tems, ô perte irréparable! Quel est l'inftant où nous vivons? Quoi! la vie eft fi peu durable, Et les jours paraitraient fi longs!
Princeffe au-deffus de votre âge, De deux cours augufte ornement, Vous employez utilement Ce tems qui fi rapidement Trompe la jeuneffe volage.
Vous cultivez l'efprit charmant Que vous a donné la nature; Les réflexions, la lecture En font le folide aliment, Et fon ufage eft fa parure.
S'occuper c'eft favoir jouïr. L'oifiveté pèfe & tourmente. L'ame eft un feu qu'il faut nourrir; Et qui s'éteint s'il ne s'augmente.
Hilis, qu'eft devenu ce tems, Où dans un fiacre promenée, Sans laquais, fans ajustemens, De tes graces feules ornée, Contente d'un mauvais foupé, Que tu changeais en ambrofie, Tu te livrais, dans ta folie, A l'amant heureux & trompé, Qui t'avait confacré fa vie? Le ciel ne te donnait alors, Pour tout rang & pour tous trésors Que les agrémens de ton âge, Un cœur tendre, un efprit volage, Un fein, d'albâtre, & de beaux yeux. Avec tant d'attraits précieux, Hélas! qui n'eût été friponne! Tu le fus, objet gracieux,
Et que l'amour me le pardonne,
Tu fais que je t'en aimais mieux. Ah! madame, que votre vie, D'honneur aujourd'hui fi remplie, Diffère de ces doux inftans!
Ce large Suiffe à cheveux blancs, Qui ment fans ceffe à votre porte, Philis, eft l'image du tems; Il femble qu'il chaffe l'escorte Des tendres amours & des ris. Sous, vos magnifiques lambris Ces enfans tremblent de paraître. Hélas! je les ai vû jadis Entrer chez toi par la fenêtre, Et fe jouer dans ton taudis.
Non, madame, tous ces tapis Qu'a tiffus la Savonerie, a) Ceux que les Perfans ont ourdis Et toute votre orfévrerie,
Et ces plats fi chers que Germain b) A gravés de fa main divine;
Et ces cabinets où Martin c)
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