nes, mais comme à un être des plus libres, & des plus fages que DIEU ait jamais daigné créer. Si vous penfiez, Sire, que nous fommes de pures machines, que deviendrait l'amitié dont vous faites vos délices? De quel prix feraient les grandes actions que vous ferez? Quelle reconnaiffance vous devra-t-on des foins que votre majefté prendra de rendre les hommes plus heureux & meilleurs ? Comment enfin regarderiez-vous l'attachement qu'on a pour votre perfonne, les fervices qu'on vous rendra, fang qu'on verfera pour vous? Quoi! un cœur tendre & généreux, un efprit fage, verrait tout ce qu'on ferait pour lui plaire, du même œil dont on voit des roues de moulin tourner par le courant de l'eau, & fe brifer à force de fervir? Non, Sire, votre ame eft trop noble pour fouffrir qu'on la prive ainfi de fon plus beau partage, &c.
Eux qui font nés fous un monarque Font tous femblant de l'adorer: Sa majefté qui le remarque Fait femblant de les honorer; Et de cette fauffe-monnoïe, Que le courtifan donne au roi, Et que le prince lui renvoïe, Chacun vit, ne fongeant qu'à foi. Mais lorsque la philofophie, La féduifante poësie,
Le goût, l'efprit, l'amour des arts, Rejoignent fous leurs étendarts, A trois cent milles de diftance, Votre très-royale éloquence, Et mon goût pour tous vos talens; Quand fans crainte & fans espérance Je fens en moi tous vos penchans, Et lorfqu'un peu de confidence Refferre encor ces nœuds charmans;
Enfin lorfque Berlin attire Tous mes fens à Cirey féduits, Alors ne pouvez-vous pas dire, On m'aime, tout roi que je fuis? Enfin l'Océan Germanique,
Qui toujours des bons Hambourgeois Servit fi bien la république,
Vers Embden fera fous vos loix, Avec garnifon Batavique.
Un tel mélange me confond; Je m'attendais peu, je vous jure, De voir de l'or avec du plomb; Mais votre creufet me raffûre ; A votre feu, qui tout épure, Bientôt le vil métal fe fond, Et l'or vous demeure en nature. Par-tout que de profpérités ! Vous conquerez, vous héritez Des ports de mer & des provinces ; Vous mariez à de grands princes De très-adorables beautés ;
Vous faites nôce, & vous chantez, Sur votre lyre enchantereffe, Tantôt de Mars les cruautés, Et tantôt la douce molleffe. Vos fujets, au fein du loifir,
Goûtent les fruits de la victoire.
Vous avez & fortune & gloire ; Vous avez furtout du plaifir;
Et cependant le roi, mon maître, Si digne avec vous de paraître Dans la lifte des meilleurs rois S'amufa à faire dans la Flandre Ce que vous faifiez autrefois', Quand trente canons à la fois Mettaient des baftions en cendre. C'eft lui, qui fecouru du ciel, Et fur-tout d'une armée entière, A brifé la forte barrière
Qu'à notre nation guerrière Mettait le bon greffier Fagel. De Flandre il court en Allemagne Défendre les rives du Rhin; Sans quoi le pandoure inhumain Viendrait s'enyvrer de ce vin Qu'on a cuvé dans la Champagne. Grand roi, je vous l'avais bien dit, Que mon fouverain magnanime Dans l'Europe aurait du crédit,
Et de grands droits à votre eftime. Son beau feu, dont un vieux prélat Avait caché les étincelles,
A de fes flammes immortelles
Tout-d'un-coup répandu l'éclat. Ainfi la brillante fufée
Eft tranquille jufqu'au moment, fon amorce embrasée
Elle éclaire le firmament;
Et perçant dans les fombres voiles, Semble fe mêler aux étoiles Qu'elle efface par fon brillant. C'est ainfi que vous enflammates Tout l'horizon d'un nouveau ciel, Lorfqu'à Berlin vous commençates A prendre ce vol immortel, Devers la gloire où vous volates. Tout du plus loin que je vous vis, Je m'écriai, je vous prédis A l'Europe toute incertaine. Vous parûtes. Vingt potentats Se troublèrent dans leurs états, En voyant ce grand phénomène. Il brille, il donne de beaux jours; J'admire, je bénis leur cours; Mais c'eft de loin. Voilà ma peine.
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