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Qu'on nous a peint fi lumineux?

Eft-ce là cet efprit survivant à nous-mêmes?
Il nait avec nos sens, croît, s'affaiblit comme eux;
Hélas, périrait-il de même ?

Je ne fais, mais j'ose espérer,

Que de la mort, du tems & des deftins le maître,
Dieu conferve pour lui le plus pur de notre être,
Et n'anéantit point ce qu'il daigne éclairer.

.

A MA

A MADAME

DE

FONTAINE-MARTEL. *

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En 1732.

Très fingulière Martel,

J'ai pour vous estime profonde:

C'est dans votre petit hôtel,

C'eft fur vos foupers que je fonde

Mon plaifir, le feul bien réel

Qu'un honnête homme ait en ce monde.
Il eft vrai, qu'un peu je vous gronde;
Mais malgré cette liberté,

Mon cœur vous trouve, en vérité,
Femme à peu de femmes feconde ;
Car fous vos cornettes de nuit,
Sans préjugés & fans faibleffe,
Vous logez efprit qui féduit,
Et qui tient fort à la fageffe.
Or votre fageffe n'eft pas

* La comteffe de Fontaine-Martel, fille du préfident Desbordeaux; elle

S 4

Cette

était telle qu'elle eft peinte ici. Sa maifon était très-libre & très-aimable.

Cette pointilleufe harpie,
Qui raisonne fur tous les cas,
Et qui, trifte fœur de l'envie,
Ouvrant un gofier édenté,
Contre la tendre volupté

Toujours prêche, argumente & crie
Mais celle, qui fi doucement

i.

Sans effort & fans induftrie,

Se bornant toute au fentiment,
Sait jufques au dernier moment
Répandre un charme fur la vie.
Voyez-vous pas de tous côtés
De très-décrépites beautés,
Pleurant de n'être plus aimables,
Dans leur befoin de paffion,
S'affoler la dévotion,
Et rechercher l'ambition
D'être bégueules refpectables?
Bien loin de cette trifte erreur,
Vous avez, au- lieu des vigiles,
Des foupers longs, gais & tranquilles ;
Des vers aimables & faciles,

Au lieu des fatras inutiles

De Quefnel & de le Tourneur ;
Voltaire, au-lieu d'un directeur;

Et pour mieux chaffer toute angoiffe,

Au

Au curé préférant Campra,

Vous avez loge à l'opéra,

Au lieu de banc dans la paroiffe:

Et ce qui rend mon fort plus doux,
C'est que ma maîtreffe chez vous,
La liberté, fe voit logée:
Cette liberté mitigée,

A l'œil ouvert, au front ferein,
A la démarche dégagée,
N'étant ni prude, ni Catin,
Décente, & jamais arrangée,
Souriant d'un fouris badin
A ces paroles chatouilleufes,
Qui font baiffer un œil malin
A mefdames les précieuses, on
C'est là qu'on trouve la gaîté
Cette fœur de la liberté, on
Jamais aigre dans la fatyre,
Toujours vive dans les bons mots,
Se moquant quelquefois des fots,
Et très-fouvent, mais à propos,
Permettant au fage de rire.
Que le ciel béniffe le cours

D'un fort auffi doux que le vôtre !

Martel, l'automne de vos jours

Vaut mieux que le printems d'une autre.

LET

LE TT RE

écrite de Plombières

A MR. P ALL U,

D

LU,

CONSEILLER D'ÉTAT.

Août 1729.

U fond de cet antre pierreux,

Entre deux montagnes cornuës,

Sous un ciel noir & pluvieux,

Où les tonnerres orageux

Sont portés fur d'épaiffes nuës,

Près d'un bain chaud toujours crotté,

Plein d'une eau qui fume & bouillonne, Où tout malade empaqueté,

Et tout hypochondre entêté,

Qui fur fon mal toujours raisonne,

Se baigne, s'enfume, & fe donne
La question pour la fanté.

De cet antre, où je vois venir
D'inipotentes fempiternelles,
Qui toutes penfent rajeunir,
Un petit nombre de pucelles,

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