Ces nombreux cocus qu'il a faits Ont mis en vous leur espérance; Ils diront voyant vos attraits, Dieux! quel plaifir que la vengeance! Vous fentez bien qu'ils ont raifon, Et qu'il faut punir le coupable; L'heureuse loi du talion
Eft des loix la plus équitable. Quoi votre cœur n'eft point rendu ? Votre févérité me gronde?
Ah! quelle espèce de vertu,
Qui fait enrager tout le monde ! Faut-il donc que de vos apas Richelieu foit l'unique maître? Eft-il dit qu'il ne fera pas Ce qu'il a tant mérité d'être? Soyez donc fage, s'il le faut, Que ce foit là votre chimère; Avec tous les talens de plaire, Il faut bien avoir un défaut. Dans cet emploi noble & pénible De garder ce qu'on nomme honneur, Je vous fouhaite un vrai bonheur ; Mais voilà la chofe impoffible.
LE MARECHAL
DUC DE RICHELIEU;
A qui le Sénat de Gènes avait érigé une ftatuë. *
JE la verrai cette ftatuë,
Que Gènes élève justement Au héros qui l'a défenduë.
Votre grand- oncle, moins brillant, Vit fa gloire moins étenduë,
Il ferait jaloux à la vuë
De cet unique monument.
Dans l'âge frivole & charmant Où le plaifir feul eft d'ufage, Où vous reçûtes en partage L'art de tromper fi tendrement, Pour modeler ce beau vifage, Qui de Vénus ornait la cour, On eût pris celui de l'Amour,
A Luneville le 18. Novembre 1748.
Et furtout de l'Amour volage; Et quelques traits moins enfantins Auraient été la vive image
Du Dieu qui préfide aux jardins. Ce double & charmant avantage Peut diminuer à la fin ;
Mais la gloire augmente avec l'âge. Du fculpteur la modeste main Vous fera l'air moins libertin; C'est de quoi mon héros enrage. On ne peut filer tous les jours Sur le trône heureux des amours: Tous les plaifirs font de paffage ; Mais vous faurez régner toujours Par l'efprit & par le courage. Les traits du Richelieu coquet, De cette aimable créature, Se trouveront en mignature Dans mille boêtes à portrait, Où Macé mit votre figure. Mais ceux du Richelieu vainqueur, Du héros, foutien de nos armes, Ceux du père, du défenseur
D'une république en allarmes
Ceux de Richelieu fon vengeur,
Ont pour moi cent fois plus de charmes.
Pardon. Je fens tous les travers De la morale où je m'engage: Pardon; vous n'êtes pas fi fage Que je le prétens dans ces vers. Je ne veux pas que l'univers Vous croye un grave perfonnage. Après ce jour de Fontenoi, Où couvert de fang & de poudre, On vous vit ramener la foudre Et la victoire à votre roi: Lorfque prodiguant votre vie, Vous eutes fait pâlir d'effroi,
Les Anglais, l'Autriche, & l'envie, Vous revintes vîte à Paris, Mêler les myrtes de Cypris A tant de palmes immortelles. Pour vous feul, à ce que je vois, Le tems & l'amour n'ont point d'ailes; Et vous fervez encor les belles, Comme la France & les Génois.
EPITRE
AURO I,
Préfentée à SA MAJESTÉ, au Camp devant Fribourg.
Ous, dont l'Europe entière aime ou craint la juftice,
Brave & doux à la fois, prudent fans artifice, Roi néceffaire au monde, où portez-vous vos pas? De la fièvre échapé, vous courez aux combats! Vous volez à Fribourg! En vain la Peyronie * Vous difait," Arrêtez, ménagez votre vie; » Il vous faut du régime, & non des foins guerriers; » Un héros peut dormir couronné de lauriers. Le zèle a beau parler, vous n'avez pû le croire. Rebelle aux médecins, & fidèle à la gloire, Vous bravez l'ennemi, les affauts, les faifons, Le poids de la fatigue & le feu des canons. Tout l'état en frémit, & craint votre courage. Vos ennemis, grand Roi, le craignent davantage : Ah! n'effrayez que Vienne, & raffûrez Paris : Rendez, rendez la joye à vos peuples chéris : Rendez-nous ce héros, qu'on admire & qu'on aime.
Un fage nous a dit, que le feul bien suprême, Le feul bien, qui du moins reffemble au vrai bonheur, Le feul digne de l'homme, eft de toucher un cœur. Si ce fage eut raison, si la philosophie
* Premier chirurgien du roi.
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