Images de page
PDF
ePub

rope avait fait, des principes qui furent proclamés et consacrés alors, une sorte de code maritime des nations, en temps de guerre.

Que ces principes, fondés sur la justice, la raison, l'équité et l'humanité furent négligés au milieu des événements si multipliés et si extraordinaires qui sortirent, en quelque sorte, d'une guerre 1) qui ne ressemblait à aucune des guerres antérieures; alors que toute l'Europe ressentait la fatale influence de l'état de dissolution. dans lequel la France était tombée.

Enfin, qu'il y avait nécessité, pour les États maritimes du Nord; de proclamer de nouveau les principes de 1780, en présence de l'attaque inouïe, par la marine anglaise, de la frégate danoise la Freya, qui convoyait, dans différents ports étrangers, plusieurs bâtiments de commerce de sa nation.

A la nouvelle de la convention signée, le 29 août 1800, entre le Danemarck et la Grande-Bretagne (chap. XXIII), l'empereur ordonna la levée du séquestre placé sur les capitaux anglais; la proposition faite, le 27, par le gouvernement russe parut, un instant, devoir rester sans résultat.

Mais les nombreuses violations du droit maritime des nations que se permit la marine anglaise, et le refus que le cabinet britannique fit à Paul Ier de lui livrer Malte, tombée entre les mains de l'Angleterre, le 5 septembre 1800, donnèrent une nouvelle impulsion aux négociations: le 16 décembre et le 18 du même mois, la Russie signa des conventions séparées, mais à peu près identiques, avec la Suède, le Danemarck et la Prusse.

Dès le 7 du mois de novembre précédent, l'empereur Paul avait d'ailleurs fait mettre l'embargo, dans tous les ports de sa domination, sur les bâtiments anglais, en déclarant que cet embargo serait maintenu jusqu'à ce que la Grande-Bretagne eût rempli l'engagement qu'elle avait pris, le 30 décembre 1798, de remettre, aussitôt après qu'elle aurait capitulé, l'ile de Malte à l'Ordre de St.-Jean de Jérusalem, dont l'empereur Paul Ier était, à cette époque, le Grand-maître.

Ce sont les diverses atteintes portées au droit maritime des nations, les négociations et les événements qui en furent la conséquence, et le résultat, que nous voulons grouper dans ce chapitre, en présentant chacune de ces atteintes séparément, bien que plusieurs incidents aient été quelquefois l'objet de la même note ou du même rapport, par suite de la corrélation qui existait

entre eux.

1) Guerre de la révolution française de 1793 à 1801, CUSSY. II.

chap. XXI.

14

§ 1.

Prise de deux frégates espagnoles à l'ancre dans la rade de Barcelone par les Anglais, abusant, à cet effet, du pavillon suédois.

Le 4 septembre 1800, la galiote suédoise, die Hoffnung (l'Espérance), se trouvant en mer par la hauteur de Barcelone, fut abordée par divers bâtiments de la marine royale d'Angleterre ; les commandants anglais contraignirent le capitaine suédois à recevoir à son bord des officiers et des marins anglais, dans le but de surprendre, à l'abri du pavillon suédois, deux frégates espagnoles qui étaient à l'ancre à l'entrée de la rade de Barcelone.

Les détails de ce guetapens (qui resta sans réparation, bien qu'il eût soulevé l'opinion publique dans toute l'Europe, et dont les auteurs ne reçurent aucune espèce de punition), ont été fournis à l'histoire par le rapport du consul suédois à Barcelone, à la suite des dépositions du capitaine Rudhardt, patron de la Hoffnung, ainsi que par la lettre qu'adressa, à cette occasion, le chevalier d'Urquijo, ministre des affaires étrangères d'Espagne, à M. d'Ehrenheim, chancelier du royaume de Suède, le 17 septembre 1800.

En plaçant cette lettre sous les yeux du lecteur, nous ferons connaître, à la fois, et l'historique de l'attentat, et l'opinion du cabinet de Madrid.

<< Monsieur,

« St.-Пdephonse, le 17 septembre 1800.

<«< Le Roi, mon maître a vu avec la plus vive indignation, par un rapport que le consul de S. M. Suédoise à Barcelone a remis au capitaine-général de la Catalogne, contenant la déclaration du capitaine Rudhardt, de la galiote suédoise la Hoffnung, que le 4 de ce mois, dans l'après-midi, deux vaisseaux et une frégate anglaise ont forcé le dit capitaine, après avoir examiné et trouvé en règle ses papiers, de prendre à son bord des officiers anglais et un nombre considérable de marins, et de se laisser remorquer, à l'entrée de la nuit, par plusieurs barques anglaises jusques sur la rade de Barcelone, et sous le canon de ses batteries.

<«< Que les Anglais, ayant réduit ledit capitaine et son équipage au silence, en lui tenant le pistolet sur la poitrine, se sont emparé du gouvernail, et ont fait, à neuf heures du soir, moyennant ledit bâtiment et les chaloupes qui l'environnaient, une attaque sur deux frégates espagnoles qui s'y trouvaient à l'ancre, lesquelles, n'ayant pas pu soupçonner que ce bâtiment ami et neutre recélait à son bord des ennemis, et servait ainsi à l'attaque la plus perfide, ont été presque surprises el forcées de se rendre.

« Le Roi, mon maître, n'a pu considérer cet événement que comme intéressant les droits et blessant les intérêts de toutes les Puissances de l'Europe, sans en excepter l'Angleterre, et surtout comme l'insulte la plus grave faite au pavillon de S. M. Suédoise.

<< En effet, il est évident que les Puissances belligérantes, en admettant les bâtiments neutres sur leurs rades, et dans leurs ports, ont voulu adoucir le fléau de la guerre, et ménager les relations commerciales de peuple à peuple, que leurs besoins mutuels exigent.

<< Tout ce qui tend donc à rendre cette navigation suspecte et dangereuse, blesse également les droits et les intérêts de toutes les nations.

<< Mais dans le cas actuel, les droits et l'honneur du pavillon suédois ont été violés d'une manière si outrageante, qu'on en trouvera peu d'exemples dans l'histoire maritime de l'Europe.

« L'attentat, s'il restait impuni, tendrait à brouiller deux nations amies, à anéantir leurs relations commerciales, et à faire considérer le pavillon qui le souffrirait, comme auxiliaire secret de la Puissance ennemie, et forcerait ainsi l'Espagne à prendre des mesures que l'intérêt de ses vaisseaux et la sûreté de ses ports commanderaient.

<< Cependant, le Roi, mon maître, aime encore à croire que le capitaine suédois ne s'est pas rendu coupable de la moindre connivence avec les Anglais, et qu'il n'a fait que céder à leurs violences et à leur grand nombre.

<< Dans cette supposition, le Roi m'a ordonné de porter à la connaissance de S. M. Suédoise, cette insulte grave commise contre son pavillon; et ne doutant pas du ressentiment qu'elle éprouvera d'un procédé aussi bas, et aussi déloyal de la part de quelques officiers de la marine britannique, il s'attend à ce que la cour de Stockholm fera auprès du ministère anglais les instances les plus sérieuses, pour que les officiers qui se sont rendus coupables en cette occasion, soient punis sévèrement, et que les deux frégates espagnoles, surprises et enlevées de la rade de Barcelone par une ruse aussi contraire au droit des gens, et aux règles de la guerre, soient immédiatement restituées avec leurs cargaisons, comme étant illégalement prises au moyen d'un vaisseau neutre qui servait d'instrument aux assaillants.

<< S. M. Catholique se croit d'autant plus fondée à regarder le succès de cette réclamation comme assuré, que le gouvernement anglais luimême ne saurait se dissimuler que ses ennemis, en suivant un pareil exemple, pourraient se servir également des bâtiments neutres pour infester ses rades et causer, dans ses ports, tous les dommages possibles.

« Mais si, contre toute attente, les démarches de S. M. Suédoise auprès de la cour de Londres, pour obtenir la réparation de l'injure faite à son pavillon, ainsi que la restitution des deux frégates espagnoles, n'avaient pas le succès désiré avant la fin de cette année, S. M. Catholique se verrait obligée, quoiqu'avec beaucoup de regret, de prendre envers le pavillon suédois des mesures de précaution, qui mettraient ses rades et ses ports à l'abri d'un abus aussi dangereux et aussi ré- · voltant que celui que les Anglais viennent de commettre.

« J'ai l'honneur, etc.

Signé Le Chevalier d'URQUIJO. »

......

Cette lettre dût paraître, à bon droit, assez extraordinaire au cabinet de Stockholm: l'Espagne en guerre avec l'Angleterre n'a aucune réparation à attendre de ce côté; il faut alors que la Suède se charge de la venger du guetapens dont les deux frégates espagnoles ont été victimes; et, après avoir exprimé à la cour de Suède des regrets sur ce qui est arrivé, elle excite, par tous les moyens, l'amour-propre de cette Puissance; elle se laisse même aller, enfin, à une menace aussi étrange que mal-adroite, afin de la déterminer à agir auprès du cabinet britannique!

M. d'Ehrenheim adressa la réponse à cette lettre au chevalier de la Huerta, ministre plénipotentiaire d'Espagne à Stockholm; elle porte la date du 22 octobre.

Dans la position où se trouvait la Suède, qui ne pouvait obtenir aucune espèce de satisfaction du cabinet de St.-James, à l'occasion des deux convois suédois que la marine anglaise avait enlevés en 1798 et 1799 (voir chap. XXII), il était difficile de pouvoir espérer qu'elle obtiendrait la restitution des frégates espagnoles; comment le cabinet de l'Escurial a-t-il pu le penser?

Voici en quels termes est conçue la réponse du ministère suédois au gouvernement espagnol, réponse digne et calme, qui n'est pas tout-à-fait exempte cependant d'une certaine ironie de bon goût, mais dans laquelle le cabinet de Madrid ne vit ou ne voulut voir que froideur et manque d'énergie.

[ocr errors][merged small]

<< S. M. Suédoise a appris avec le plus vif déplaisir la violence que quelques officiers de la marine anglaise ont faite à un vaisseau marchand de la Poméranie-Suédoise, pour le faire servir à une entreprise hostile contre deux frégates espagnoles sur la rade de Barcelone. Parfaitement d'accord avec S. M. Catholique dans la manière d'envisager ce nouvel abus de la force, et le danger commun que de pareils exemples pourraient entraîner, tant pour les neutres, que pour les belligérants même, S. M. en fera porter des plaintes à Londres, dues en même temps à ses liaisons amicales avec la cour d'Espagne et à la neutralité du pavillon.

<< Dans ces réclamations, qui ont pour premier objet le droit du pavillon et des sujets suédois, S. M. Catholique trouvera juste sans doute que le Roi se regarde comme partie principale. En suivant ses intérêts, comme S. M. les entend, elle n'oubliera certainement pas ceux de l'Espagne. La justice veut qu'on restitue ce qui a été mal pris ; S. M. y insistera, toutefois sans garantir le succès de cette démarche. Elle fera, dans son temps, des communications confidentielles à la cour d'Espagne sur les dispositions dans lesquelles elle aura trouvé le gouvernement anglais à cet égard ; mais une juste confiance de la part de S. M. Catholique lui laissera sans doute le choix des formes et des moyens, la dis

pensant de toute époque fixe, comme de toute espèce de compte à rendre ; l'Espagne qui, comme tout le reste de l'Europe, connait le long procès que la Suède fait plaider à Londres sur les restitutions à faire à elle-même, n'a pas lieu de se promettre une plus prompte justice dans une cause où il s'agit de restitutions à faire à des ennemis.

«En général S. M. Suédoise ne se reconnait engagée dans aucune responsabilité d'un fait dont les causes lui sont absolument étrangères. Après les rapports que la cour d'Espagne s'en est fait donner, avec les circonstances qu'elle admet elle-même comme constatées, il a été très inattendu de l'y voir impliquer le gouvernement de Suède et toute la nation.

<«< Il serait assez malheureux que les torts d'un tiers pussent faire rompre des relations que plusieurs discussions directes, pendant la présente guerre, n'ont pu altérer.

« Il y a eu de fréquents revers, particulièrement affectés, à ce qu'il a paru, aux ports d'Espagne : un vaisseau suédois pris dans le port même de passage par les Anglais; un second, pillé et entièrement dévasté à Alicante par les Français; plusieurs autres, enlevés par des corsaires français, alors qu'ils stationnaient à l'entrée du port de Malaga, ont fourni à S. M. Suédoise autant de sujets de réclamations et d'invitations amicales à la cour d'Espagne, de faire respecter son territoire pour la sûreté de son commerce.

<< S. M. se serait fort applaudie de ses représentations, si elle eut trouvé, en sa faveur, quelques marques de l'énergie, que le gouvernement de l'Espagne vient de déployer contre elle dans une affaire où elle n'a d'autre part que des plaintes à faire. Mais l'inutilité de ses réclamations n'a pas fait sortir S. M. des termes de modération et d'équité convenables entre des cours amies, et auxquels S. M. espère encore voir revenir la cour d'Espagne après les différents malheurs arrivés dans ses ports.

« Le soussigné etc.

Signé F. d'Eнrenheim. »

Le chevalier de la Huerta communiqua cette réponse à son gouvernement, et la réplique qu'il fut dans le cas d'y faire, le 29 décembre 1800, par ordre de sa cour, fut une espèce de leçon donnée à la Suède sur la froideur et l'absence d'énergie avec lesquelles son gouvernement semblait ressentir un affront fait à son pavillon.

La cour de Suède avait déjà envisagé de la sorte l'office du 17 septembre. En effet, dans une lettre, du mois de novembre, adressée par M. d'Ehrenheim à M. de Tarrach, ministre de Prusse à Stockholm (lequel avait été chargé par son gouvernement de presser la cour de Suède, afin qu'elle exigeât une réparation de la part du cabinet britannique), on trouve cette phrase:

« Le Roi a été très-surpris de la responsabilité publique à laquelle la cour d'Espagne a appelé la Suède en cette occasion,

« PrécédentContinuer »