liques, ou des Anges qui ont des corps humains. Ils ne font pas ieunes; mais ils le semblent eftre, parce qu'ils font pleins de vigueur & agilité fpirituelle, ils ont des aifles pour voler & s'eflancer en Dieu par la faincte oraifon; mais ils ont des pieds. auffi pour cheminer auec les hommes par vne saincte & amiable conuerfation; leurs vifages font beaux & gais, d'autant qu'ils reçoiuent toutes chofes auec douceur & fuauité; leurs jambes, leur bras & leurs teftes font tout à découuert, d'autant que leurs penfées, leurs affections & leurs actions n'ont aucun deffein ni motif que de plaire à Dieu le refte de leur corps eft couuert; mais d'vne belle & legere robbe, parce qu'ils vfent voirement de ce monde, & des chofes mondaines; mais d'vne façon toute pure & fincere, n'en prenant que legeremet ce qui eft requis pour leur condition; telles font les personnes deuotes. Croyez-moy, chere Philothée, la deuotion eft la douceur des douceurs, & la royne des vertus; car c'eft la perfection de la charité. Si la charité eft vn laict, la deuotion en eft la crefme: fi elle eft vne plante, la deuotion en eft la fleur fi elle eft vne pierre precieufe, la deuotion en eft l'efclat: fi elle eft vn baume precieux, la deuotio en eft l'odeur, & l'odeur de fuauité, qui conforte les hommes, & refiouït les Anges. IEV commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruits, chacun felon fon genre; ainfi commandeil aux Chreftiens, qui font les plantes viuantes de fon Eglife, qu'ils produifent des fruits de deuotion, vn chacun felon fa qualité & vocation. La deuotion doit eftre differemment exercée, par le gentil-homme, par l'artifan, par le valet, par le prince, par la vefue, par la fille, par la mariée et non feulement cela; mais il faut accomoder la pratique de la deuotion aux forces, aux affaires, & aux deuoirs de chafques particuliers. Ie vous prie, Philothée, feroit-il à propos que l'Euefque vouluft estre solitaire, comme le Chartreux? Et fi lez mariez ne vouloyent rien amaffer non plus que les Capucins; fi l'artifan eftoit tout le iour à l'Eglife comme les religieux, & le religieux toufiours exposé à toutes fortes de rencontres pour le feruice du prochain, comme l'Eucfque; cette deuotion ne feroit-elle pas ridicule, defreglée & infupportable? Cette faute neantmoins arriue bie fouuent, & le monde qui ne difcerne pas, ou ne veut pas difcerner entre la deuotion & indifcretion de ceux qui penfent estre deuots, murmure & blafme la deuotion, laquelle néantmoins ne peut-mais de ces defordres. ne gafte Non Philothée, la deuotion rien, quand elle eft vraye; ains elle perfectione tout, & lorsqu'elle fe rend contraire à la legitime vocation de quelqu'vn, elle eft fans doute fauffe. L'abeille, dit Ariftote, tire fon miel des fleurs, fans les intereffer, les laiffant entieres, & fraifches comme elle les a treuuées : mais la vraye deuotion fait encore mieux; car non feulement elle ne gafte nulle forte de vocation, ny d'affaires, ains au contraire elle les orne & embellit. Toutes fortes de pierreries iectées dedans le miel, en deuiennent plus efclattantes, chacune felon fa couleur; & chacun deuient plus agreable en fa vocation, la conioingnant à la deuotion: le foing de la famille en eft rēdu paisible, l'amour du mary & de la femme plus fincere, le feruice du Prince plus fidele, & toutes fortes d'occupations plus fuaues & amiables. C'eft vne erreur, ains vne herefie, de vouloir bannir la vie deuote de la compa |