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très-inférieurs à ceux de son original. On en a retenu plusieurs, et jamais on n'a pu lire une page de la Pharsale en prose.

Si Brébeuf n'eût pas été enlevé par une mort prématurée, et si ses maladies lui avaient laissé le loisir de perfectionner son goût, nous osons croire qu'il eût été un des bons poètes du siècle de Louis XIV. On peut le mettre dans le petit nombre d'écrivains que Boileau paraît avoir jugés avec trop de rigueur; mais on sait que ce célèbre satyrique avait au fond moins d'éloignement pour Brébeuf, que d'antipathie pour Lucain ; et véritablement la distance du style de Brébeuf à celui de Chapelain est très-grande. On trouve souvent, dans la traduction de la Pharsale, des vers que Corneille lui-même n'eût pas désavoués. Les poésies morales du même auteur, rassemblées dans un petit volume intitulé Entretiens solitaires, contiennent aussi quelques détails heureux.

BRET (ANTOINE), né à Dijon en 1717, mort à Paris en 1792. Nous ne parlerons plus de ses comédies écrites sans verve, comme

nous l'avions dit, et d'un style beaucoup trop négligé. Cette négligence est, à la vérité, moins apperçue dans le ton familier de la comédie, que dans des ouvrages d'un genre plus élevé; mais il ne faut pas s'y méprendre; la comédie est un poëme, et il n'est pas de poésie sans inspiration dans le style. Bret a tenté sur Molière ce que Voltaire a fait sur Corneille : il a donné une édition de ce poète comique avec des commentaires; mais le mérite commun de l'esprit ne suffisait pas pour se charger d'une pareille entreprise. Pour dérober au génie de Molière quelques-uns de ses secrets, il fallait des yeux plus pénétrans, plus exercés à l'observation, enfin un caractère bien supérieur à celui que Bret a montré dans ses comédies.

BROTIER (l'abbé GABRIEL), né à Clamecy en Nivernois, en 1723, mort en 1789. Ce que le président de Brosse avait fait sur Salluste, avec des recherches infinies, l'abbé Brotier l'a exécuté plus heureusement encore sur Tacite : il en a rempli les lacunes, de manière que les yeux les plus exercés auraient peine à remarquer quelque différence

entre son style et celui de l'historien romain. En rendant cette justice à son travail, nous savons combien il est difficile à un moderne, quel qu'il soit, de porter un jugement certain sur le mérite d'un auteur qui écrit dans ce qu'on appelle une langue morte. Nous nous bornons à dire ce qui nous semble vrai, c'est que parmi les écrivains qui se sont livrés à ce de genre d'écrire, nous ne connaissons pas latinité qui nous ait paru plus pure que celle de l'abbé Brotier.

Ce ne sont pas les philosophes (comme quelques pédans les en accusent) qui, pour décrier ce genre de composition, en ont exagéré les difficultés. Boileau en avait donné l'exemple dans une satyre latine; et l'on voit, par le fragment qui nous en reste, qu'il n'épargnait pas le ridicule aux modernes qui osent se flatter d'égaler, dans une langue savante, la pureté du style antique. Nous n'en convenons pas moins que les Commire, les Rapin, les Vanière, les Santeuil, etc. ont ajouté à la gloire de la nation par leurs poëmes latins: ce sont des richesses étrangères qu'ils ont naturalisées parmi nous, et nous croyons

qu'il serait injuste de ne pas associer à ces noms célèbres celui de l'abbé Brotier. Les lettres lui sont redevables d'ailleurs de plusieurs éditions précieuses, qui lui ont coûté beaucoup de recherches, et dont il a éclairci le texte par des notes pleines d'érudition et de goût. Peu de personnes ont porté plus loin la connaissance des médailles, et il en a fait souvent l'emploi le plus heureux pour remplir les vides de Tacite.

BRUEYS (DAVID-AUGUSTIN), né à Aix en 1640, et non en Languedoc, comme l'a dit Voltaire; mort à Montpellier en 1723.

Il avait été, dans sa jeunesse, de l'église réformée, et même il avait fait une réponse à l'Exposition de la Foi de Bossuet, qui, au lieu de lui répliquer, entreprit de le ramener à l'église romaine, et y réussit. De théologien controversiste, Brueys devint un auteur comique très-estimable. La seule comédie du Grondeur suffirait pour lui faire une réputation distinguée:son Muet (imité de l'Eunuque de Térence) est demeuré au théâtre: enfin on lui doit encore la petite comédie de l'Avocat

Patelin, d'après une ancienne facétie française; mais en conservant la gaîté franche de l'original, il l'a beaucoup embelli.

Il est avéré que Palaprat, avec lequel il vécut long-temps dans la familiarité la plus intime, n'eut aucune part à ses bons ouvrages. On sait que Brueys disait, avec cette naïveté qui ne déplaît point dans un vrai talent: « Le >> premier acte du Grondeur est entièrement » de moi; il est excellent le second a été » gâté par quelques scènes de farce de Pala>>prat; cet acte est médiocre : le troisième » est presque entièrement de lui; il est détes>> table ».

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On doit regarder cet auteur comme un de ceux qui ont conservé parmi nous le goût de la véritable comédie. Il ne fut point de l'Académie française.

BRUMOY (PIERRE), jésuite, né à Rouen en 1688, mort à Paris en 1742. Son Théâtre des Grecs eût été mieux fait, si son état eût

pu

lui permettre de se familiariser davantage avec les chefs-d'oeuvre de notre scène. Il a trop souvent le défaut des scholiastes, qui est de se passionner avec excès pour les ouvrages qu'ils

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