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CHAPITRE II.

Les Acarnaniens sont secourus par Makrys. - Mavrocordatos

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se rend en Morée. Dissensions entre les insurgés qui bloquaient Patras; ils sont battus par Jousouf pacha. — Perfidies des émissaires anglais. Incendie du consulat de Constance et anarchie des Grecs. Intrigues.

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France.
Translation du gouvernement hellénique à Argos.
cours d'ouverture.

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Réunion et formation d'un congrès à Épidaure; ses délibérations et ses résolutions. Rapport sur la situation de l'île de Crète. Arrivée de M. le Normand de Kergrist à Athènes. Blocus, siége et capitulation de l'Acro-Corinthe.—Massacre des Turcs.—Mavrocordatos élu président. Constitution provisoire. Acte d'indépendance. Loi sur les finances. Chagrins de D. Hypsilantis. Arrivée de deux émissaires anglais à Corinthe ter le rachat du harem de Khourchid pacha. capitaine Baleste pour l'île de Crète. — Préparatifs des Grecs pour la campagne de 1822.

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pour trai

Départ du

A LA première nouvelle de l'attaque d'Arta par

Marc Botzaris, le capitaine Makrys était parti avec deux mille Étoliens pour secourir les Souliotes et empêcher que cette place, venant à être prise, ne tombât entre les mains des partisans d'Ali Tébélen. Il avait fait diligence, mais il sortait à peine des forêts du Macryn-Oros, quand il apprit les revers des insurgés; et il arriva à temps pour secourir Cara Hyscos. On se consola mutuellement; et informés, bientôt après, que les Souliotes, de retour dans leurs montagnes, avaient châtié les perfides beys

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Thesprotes, on crut qu'il ne restait rien de mieux à faire que de se cantonner à Comboti. On était ainsi en mesure d'observer le mouvement des ennemis restés maîtres d'Arta, de pousser des reconnaissances jusqu'à Péta, et de défendre l'accès des vastes forêts qui couvrent de leur abri protecteur l'Acarnanie, dans toute sa région septentrionale. On informa Alexandre Mavrocordatos de ces dispositions, en lui faisant part de ce qui se passait dans l'Épire.

Le prince, comprenant alors qu'Ali pacha ne pouvait tarder à succomber, et que Khourchid, possesseur de ses trésors, réunissant une armée formidable, ne manquerait pas de retomber sur le Péloponèse avec tout le poids de ses forces, résolut de passer aussitôt en Achaïe, afin d'engager les Grecs à presser le siége de Patras. Il savait qu'ils étaient en proie à de funestes divisions. Ils avaient éloigné Colocotroni et ses braves soldats, en lui conseillant de se rendre à Argos pour y prendre les ordres du sénat, n'ayant pas, à ce qu'ils prétendaient, besoin de toutes les troupes de la péninsule pour le succès de leur opération.

On a vu, malgré cette jactance, à quelle extrémité ils étaient réduits, lorsqu'ils reçurent le secours inespéré d'un bâtiment chargé de munitions de guerre, venant de Livourne. Mais au lieu de profiter du découragement que son arrivée causait aux Turcs pour les attaquer, les insurgés avaient engagé des discussions pareilles aux prétentions que les Tégéates élevaient contre les Athéniens pour

prendre rang sur le champ de bataille de Platée (1). Les montagnards ignoraient sans doute la victoire d'Échémus vainqueur d'Hyllus, chef des Héraclides, pour imposer silence aux Calavrytiotes, qui aspiraient à la suprématie contradictoirement avec les Patréens, car ceux-ci n'omirent pas de citer le nom du plus petit chef de voleurs issu du mont Érymanthe, afin de faire valoir leurs droits. Fiers de se dire Arcadiens, c'était au sein de leur ville que l'insurrection avait pris naissance! Les trois villages de Soudena, situés au penchant du mont Cylléne (2), étaient ceux qui arborèrent les premiers l'etendard de la Croix. Ils avaient pour la seconde fois franchi le mont Panachaïcos, pour aider à chasser les Turcs d'une ville qui n'était pas la leur ! Ils devaient donc avoir la préséance sur tous les alliés, et une portion plus forte que les Patréens dans le pillage du château, qu'ils ne devaient pas conquérir si tôt qu'ils s'en flattaient.

Les Patréens, aussi orgueilleux, quoique moins braves, loin de faire taire leur avidité et leur amourpropre, répondaient qu'étant limitrophes de la mer, c'était par leurs mains que passait la prospérité tout entière de la Morée; que, si l'explosion de l'insurrection avait eu lieu à Calavryta, son foyer existait antérieurement parmi eux; enfin, non contents de refuser tout aux Calavrytiotes, ils soutin

(1) Hérodote, Calliope, ch. xxvi.

(2) Soudéna-Cato, Soudéna-Mezzano, et Soudéna - Apano. Voyage dans la Grèce, t. IV, ch. cxv111, pag. 220.

rent qu'ils avaient produit autant de pirates, qu'eux autres de chefs de bandes, et ils osèrent leur faire sentir qu'ils n'avaient pas besoin de leur secours pour réduire l'acropolis, qu'un blocus prolongé leur livrerait infailliblement. Les Calavrytiotes indignés, sans calculer les suites funestes de leur mésintelligence, prirent leurs drapeaux, quittèrent le camp et rentrèrent dans leurs montagnes.

Les Patréens, réduits à eux seuls, se trouvèrent au nombre de sept mille; et ces forces étaient plus que suffisantes pour triompher des Turcs, si l'union et la vigilance avaient régné parmi eux. Mais loin d'observer sans cesse un ennemi qui se composait d'une poignée d'hommes d'autant plus redoutables qu'ils n'avaient aucune espérance de salut, comme on se croyait vainqueur, on le méprisa et on s'abandonna à cette confiance qu'on retrouve parmi les peuples demi-barbares. On oublia même jusqu'aux agents de l'Angleterre qui servaient les barbares par leur espionnage! et chacun ne songea qu'à se loger le moins mal possible, en formant des toits volants sur les murs des maisons restés intacts. On s'établit ainsi sans examiner si on serait en mesure de se secourir mutuellement en cas d'alerte. On visita ensuite ce qui existait et ce qui n'existait plus. On pleura sur les pertes éprouvées, en pensant au moyen de les réparer; et comme on était dans le moment de la récolte des olives dont les arbres étaient chargés, on se débanda pour les recueillir, en laissant la ville déserte, sans placer ni corps d'observation ni védette entre Patras

et les châteaux des petites Dardanelles de Lépante. Ce fut alors que Mavrocordatos, Caradjea et André Louriotis, suivis d'une faible escorte, arrivèrent à Patras. Ils avaient le projet de se rendre à Argos pour y faire part de leurs vues au congrès, où les deux premiers étaient appelés comme députés, et ils engagèrent vainement les Patréens à se garder, sans se douter qu'ils étaient non moins imprudents qu'eux en séjournant dans une ville sans défense. Ils ne s'aperçurent pas que les domestiques de l'agent d'Angleterre et de son drogman allaient et venaient toutes les nuits de Patras à Lépante; que des signaux établis dans la citadelle entretenaient une correspondance continuelle entre les garnisons turques et ces deux places, et qu'un coup de foudre allait bientôt punir les Patréens de leur incurie.

En effet Jousouf pacha, informé exactement de ce qui se passait par le drogman anglais Barthold, résolut de tenter un coup de main pour s'emparer de Mavrocordatos, et chasser encore une fois les Grecs de leur ville désolée! Il parut inopinément au quartier de Vlatéro, tandis que la moitié de sa troupe, longeant le rivage, annonçait son approche par l'incendie des établissements situés auprès du port. Remontant de là vers la ville, les Turcs brulèrent les consulats de Prusse et d'Angleterre. Arrivés à celui de France, ils en enfoncent les portes, égorgent une vieille femme qui y était encore réfugiée, en enlèvent les meubles, allument ensuite des brasiers au milieu des chambres; et un

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