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Malvoisie et de Navarin, quoiqu'il n'y eût aucune parité entre deux espèces de moulins à vent ridiculement bastionnés, et ces places qui sont classées au nombre des villes de guerre de l'empire.

L'expédition venait de recevoir un commencement d'exécution, lorsque le sélictar de Khourchid pacha, qui s'était mis en route de nuit, fut aperçu, le 15 juillet, auprès du village de Comboti (1), par les avant-postes grecs. Il ne pouvait reculer; et le combat s'étant engagé, les six mille soldats qu'il commandait furent si complètement battus, qu'il y perdit lui-même la vie. Hassan pacha, qui s'était bien gardé d'être de la partie, crut ne pouvoir mieux venger l'honneur des armes du sultan, qu'en faisant égorger une foule d'ôtages innocents, dont il envoya les têtes au serasker, en lui écrivant effrontément que c'étaient celles des rebelles qui avaient péri à l'affaire de Comboti. Du reste, il le prévenait que l'issue de ce combat malheureux ne pouvait être attribuée qu'à la fatalité; excuse banale de l'impéritie des mahométans.

Les Grecs, après cette victoire, reparurent aussitôt sur les montagnes qui avoisinent Arta; et un nommé Ianaki, chef des insurgés de Lacca (2), ayant occupé le défilé de Coumchadèz, Khourchid perdit encore une fois ses communications avec le midi de l'Épire.

(1) Comboti. Voyez t. 11 de mon Voyage dans la Grèce, p. 125 et 139.

(2) Contrée de la Cassiopie, enclavée dans la Selléïde.

Le jeûne du Rhamazan, qu'on observait alors dans le camp, ne lui permettait pas de chercher à les rétablir; car, durant cette période d'observance religieuse, les Turcs ne se battent guère plus volontiers que ne le faisaient les Juifs pendant l'année sabataïque. Ils sont de mauvaise humeur, comme les Monosites, ou gens qui ne font qu'un repas chaque jour (1); et le serasker, au fait du tempérament de son armée, se crut obligé d'ajourner ses projets au commencement du mois d'août. Il devait à cette époque recevoir des renforts considérables de la haute Albanie, et il espérait se trouver en mesure de porter des coups décisifs.

Il laissa donc ses indociles soldats célébrer les syzygies et les quadratures de la lune du Rhamazan, que des porteurs de falots annoncent, comme on fait encore dans nos campagnes, la mi-carême et les ténèbres. Ali pacha semblait lui-même respecter les vieux usages populaires, ses troupes mahométanes venaient se visiter mutuellement aux avant-postes avec les impériaux. On se donnait le nom de frères; et la surveillance se relâcha tellement dans le camp de Khourchid, que son ennemi en profita pour savoir les moindres détails de ce qui s'y passait.

(1) Τοὺς μονοσιτοῦντας πικρότερα τὰ ἤθη ἔχειν μᾶλλον, ἢ τοὺς δὶς τροpais xpwμévous. Que ceux qui ne font qu'un repas par jour sont de moeurs plus acariátres que ceux qui mangent deux fois. Aristotel. in physic. Quæst. quemadmodum refert Apollon. in mirabilibus Historiis.

Il apprit que l'état-major du serasker, comptant sur la trève de Dieu, observée pendant la fête du Baïram, qui est la pâque islamique des musulmans, devait se rendre à la grande mosquée située dans le quartier de Loutcha, L'incendie l'avait épargnée et les deux partis avaient constamment respecté cette enceinte consacrée à la prière. Ali pacha, qu'on disait être malade, affaibli par le jeûne, et revenu à des sentiments de piété que la peur, à défaut de principes, fait souvent renaître dans les cœurs les plus endurcis, laissait croire qu'il ne troublerait pas un jour de paix consacré par la religion; mais on s'abusait.

Le satrape, informé de ce qu'on méditait, avait secrètement ordonné à son ingénieur Caretto de tourner contre la mosquée trente bouches à feu composées de canons, de mortiers et d'obusiers. Il voulait, avait-il dit à ses soldats musulmans, auxquels il cachait son dessein, solenniser le baïram par

des décharges d'artillerie. Ils se rendirent, d'après cette assurance, à la mosquée de Calo pacha, située dans l'enceinte de la forteresse assiégée; et il ne fut pas plus tôt informé de l'entrée de l'étatmajor de l'armée impériale dans celle de Loutcha, qu'il donna le signal de tirer.

Qu'on se figure l'éruption soudaine d'une roche à feu vomissant une grêle de boulets, d'obus et de grenades enflammés; un édifice s'écroulant, une foule d'hommes accablés de toutes parts; et on n'aura qu'une faible idée de ce qui se passait dans la mosquée de Loutcha. Au bout d'un quart

d'heure, la fumée s'étant dissipée, on vit un cratère ardent, et les grands cyprès qui entouraient l'édifice, brûlant comme des torches allumées, éclairer les funérailles de plus de soixante chefs et de deux cents soldats écrasés sous les ruines embrasées du temple consacré au culte de Mahomet.

Ali pacha n'est pas mort, s'écria le tyran bondissant de joie; et ces paroles, jointes à la terreur du spectacle offert aux regards des assiégeants, portèrent la consternation parmi les soldats du serasker Khourchid pacha.

CHAPITRE III.

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Démolition des églises. Orgueil de la Porte Ottomane. — Arrestation du banquier Danési; réclamé par l'ambassadeur de Russie. Déclaration du cabinet de Pétersbourg. Réponse du divan à sa note. → Le baron de Strogonof quitte Constantinople; -arrive à Odessa. Pompe funèbre du martyr Grégoire. Son panégyrique. Vœu unanime des Russes pour la guerre. Le baron Strogonof rencontre son souverain à Louga. Résignation philosophique d'Angélo, ancien chargé d'affaires de la Porte Ottomane à Paris.

Aventure et arrivée de Théodore Négris en Morée,

de Baleste. Divisions dans le sénat de Calamate. Saké

Pasto

ris; son caractère.· Conciliabule de Missolonghi.
rale du patriarche intrus Eugène. Anathème prononcé

contre sa personne et ses œuvres.

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Au milieu des nouvelles désastreuses qui arrivaient à Constantinople, le divan, frappé d'un esprit de vertige, semblait courir à une perte inévitable. Plus on lui avait fait de concessions, plus l'arrogance du sultan et de ses ministres s'exaltait. Au moment où les fidèles du rite orthodoxe célèbrent la fête de la seconde apparition de J. C., que la liturgie nomme Jour de la puissance, Ĥμépa Suváμews (1), on avait achevé de démolir ce qui restait d'églises dans les principales villes de la Turquie d'Europe. Les Turcs et les Juifs d'Andrinople, pen

(1) Suid. in voc. Áμépa.

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