Images de page
PDF
ePub

peu élevé sépare des plaines macédoniennes, mais aux environs de Pristina, région montagneuse située en pays ottoman et d'une défense facile en cas de guerre.

Ce différend n'est point encore réglé, pas plus que les difficultés de diverse nature que soulève la séparation d'une partie des territoires sur lesquels la Turquie avait à exécuter les lignes complémentaires de son réseau. Les articles 10 et 36 du traité de Berlin disposent à ce sujet que la Servie et la principauté bulgare sont substituées pour leur part respective à tous les engagements contractés par la Porte vis-à-vis de l'Autriche-Hongrie et de la compagnie concessionnaire et que des conventions particulières seront passées sur ce point immédiatement après la conclusion de la paix. A la fin de 1882 la « conférence à quatre >> qui s'était réunie en vertu de ces clauses, n'avait pas encore terminé ses travaux.

En récapitulant les différentes dispositions du traité de Berlin qui touchent au Tanzimât, je constate qu'en 1882, indépendamment de la question du raccordement des chemins de fer turcs aux lignes européennes, deux règlements sont encore en souffrance, l'un qui concerne les Arméniens asiatiques (1), l'autre qui a plus particulièrement pour objet la réorganisation des provinces européennes autres que la Roumélie orientale.

Les tendances personnelles d'Abdul-Hamid le portent à la temporisation et il est vraisemblable que les populations chrétiennes, si elles n'ont d'autre garantie que sa sollicitude, attendront longtemps encore les réparations que le congrès de 1878 leur a fait espérer. Non content de dé

(1) V. L'Angleterre et la Russie à propos de la question arménienne, par Ed. Engelhardt, Revue de Droit international, 1883.

daigner les clairs enseignements qu'offre l'histoire de son empire depuis que Selim III et Mahmoud II y ont inauguré la réforme, le Sultan actuel semble vouloir revenir vers le passé en restaurant ce même absolutisme qui, à trois reprises différentes, en 1858, en 1863 et en 1876, a exposé l'Etat ottoman à tous les hasards d'une révolution.

Si le régime autocratique, que personnifie de nos jours Abdul-Hamid, apparaît comme un anachronisme ou semble du moins inconciliable avec le principe fondamental des chartes que les circonstances ont arrachées à ses prédécesseurs, ́que dire des rêveries mystiques qui entraînent un souverain moderne à rechercher dans le fanatisme d'un autre âge l'appui de son autorité temporelle ? Ne rapporte-t-on pas que dans les conciliabules des Scheiks qui forment une sorte de concile au palais d'Ildiz-Kiosk, l'on poursuit la chimère du panislamisme, que l'on y discute gravement les moyens « d'amener les princes musulmans de la terre à confier au Califat de l'Islam la direction de leurs intérêts politiques (1) ? » Et serait-t-il vrai que dans ces élucubrations fantaisistes l'on songeât tout d'abord à susciter une ligue arabe ou africaine analogue à la défunte ligue albanaise, que tel serait le but de l'agitation entretenue à Tripoli, à Tunis, à la Mecque, à Alexandrie et même en Algérie ?

La Ligue albanaise ne s'est-elle pas redressée contre son promoteur, déjouant ses calculs comme les déjouera plus tard la rébellion égyptienne d'Arabi-pacha?

Un danger autrement grave que la perte ou l'émancipation partielle d'une province, menace le pouvoir du chef

(1) Voir l'Osmanli du 21 février 1881.

musulman qui, au mépris des nécessités contemporaines, aspire au retour de la plus pure théocratie mahométane. Ce n'est pas seulement que son ambition de calife universel indispose les gouvernements européens qui comptent parmi leurs sujets des adeptes de l'Islam; le Tanzimát était pour la Turquie désemparée sa planche de salut et comme je l'expliquais en l'étudiant dans son origine historique, il se concevait sous cette double formulę qui au fond n'en fait qu'une assimilation graduelle de la société musulmane aux sociétés chrétiennes, réhabilitation des raias. L'absolutisme religieux et rétrograde d'AbdulHamid est, à proprement parler, la négation de ce programme, car il ne tourne pas seulement le dos à l'Europe, mais les chrétiens sont pour lui des ennemis ou des suspects.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL.

CONCLUSION.

Dans les considérations préliminaires qui servent d'introduction à cette longue étude, j'ai représenté la réforme ottomane sous un premier aspect en montrant qu'elle s'était imposée au pouvoir musulman comme un besoin de circonstance et que tout en marquant une direction nouvelle, si non dans les idées du peuple turc, du moins dans celles de son gouvernement, elle dénotait moins une tendance au progrès que l'appréhension instinctive d'un danger suprême résultant pour l'État de son immobilité et de son isolement.

[ocr errors]

C'est à ce point de vue que je voudrais tout d'abord résumer le Tanzimât en le prenant à ses origines pour le suivre dans ses différentes évolutions jusqu'aux temps actuels.

I.

Il est manifeste que les Turcs dans la principale phase de leur développement historique ont surtout puisé leur force d'expansion dans l'unité militaire et religieuse qui caractérisait leur organisation primitive. Sans doute, les rivalités et les divisions des grands États de la chrétienté ont singulièrement favorisé les conquêtes des envahisseurs venus des bords de l'Oxus; mais ceux-ci l'emportaient incontestablement sur chacun de leurs adversaires par la discipline, par la tactique et par une vigueur de tempérament dont les annales des nations belliqueuses offrent peu d'exemples.

« PrécédentContinuer »