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demment que nous sommes ensevelis par le baptême avec celui au nom duquel il est constant que nous sommes baptisés. » Saint Fulgence assure que telle est la croyance de l'Église romaine, le sommet de l'univers; et celle de tout le monde chrétien, ajoutant que cette Église a reçu cette foi des deux grandes1 lumières saint Pierre et saint Paul, dont elle possède les corps, et qui l'ont l'un et l'autre illustrée par les rayons de leur doctrine. Saint Pierre dit en effet dans les Actes des apôtres Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour obtenir la Rom. VI, 3. rémission de vos péchés. Et saint Paul: Ne sa

Act. 11, 38.

vez-vous pas que nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort? Jésus-Christ a non-seulement effacé nos iniquités par sa mort, mais il nous a encore rendu la faculté des saintes pensées que Dieu avait accordées au premier homme dans sa création. « Car cet homme, dit-il, qui avait été créé exempt2 de la nécessité de pécher, étant tombé dans le crime, et ayant perdu par sa chute la santé de son âme, il a perdu en même temps le pouvoir de penser à Dieu. Il a oublié de manger son pain, et étant dépouillé du vêtement de la foi, et tout couvert de blessures que lui avait faites la concupiscence de la chair, il était tellement demeuré accablé sous la servitude du péché, qu'il n'aurait jamais pu avoir aucun commencement de bonne volonté, s'il ne l'avait reçu de Dieu, qui le lui donne gratuitement. Par la chute du premier homme la mort est donc entrée dans le monde avec le péché;

1 Propterea omnis qui in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti sacramento sanctæ regenerationis abluitur, nonnisi in Christi morte ac nomine baptizatur, ut evidenter appareat illi nos consepultos esse per baptismum in morte, in cujus uno constat nomine baptizatos. Quod, duorum magnorum luminarium, Petri scilicet, Paulique verbis, tanquam splendentibus radiis illustrata, eorumque decorata corporibus romana, quæ mundi cacumen est, tenel et docet Ecclesia, totusque cum ea christianus orbis. Fulg., Epist. 17, pag. 298.

2 Peccans itaque ille qui sine peccandi necessitate creatus est, in eo quod animæ sanitatem delinquendo perdidit, etiam illa cogitandi quæ ad Deum pertinent, amisit protinus facultatem. Oblitus est enim manducare panem suum, et expoliatus vestimento fidei carnaliumque concupiscentiarum vulneribus sauciatus, sic jacuit oppressus ditione peccati, ut nullatenus aliquod bonæ votuntatis initium habere potuisset, nisi hoc Deo gratis donante sumpsisset. Ibid., pag. 300.

Quod baptismatis sacramentum ideo unifor

3

3.

et l'un et l'autre sont passés à ses descendants. Dire, comme faisaient quelques-uns, que les enfants ne contractent point le péché originel, c'est nier que leur chair soit une chair de péché, ce qui est contre la doctrine expresse de l'Apôtre; c'est dire qu'il no n'y a aucune différence entre leur chair et celle que le Fils unique de Dieu a prise dans le sein de la Vierge; c'est dire encore que les enfants n'ont pas besoin du secours du Sauveur, et c'est tomber conséquemment dans l'hérésie de Pélage. Si les enfants naissent sans péché, il n'y a rien en eux qui puisse être purifié par la régénération spirituelle, et c'est en vain qu'on leur confère le baptême pour la rémission de leurs péchés. Toutefois ce baptême est donné uniformément aux enfants comme aux adultes, afin que l'on connaisse qu'ils ont tous la tache du péché originel. C'est la foi seule du Rédempteur, qui nous délivre de ce péché d'origine, et il nous en délivre non à cause de la foi qu'il trouve en nous, mais par celle qu'il nous donne: car la foi n'est pas de nous, elle est un don de Dieu. Paul, lorsqu'il était un blasphémateur et un persécuteur, n'a pas été aidé de la grâce de Dieu, parce qu'il voulait croire; mais afin qu'il voulût croire, il a reçu le don de la grâce prévenante, qui trouva dans sa volonté non pas un commencement de foi, mais le blasphème, la cruauté, les outrages et l'ignorance avec l'incrédulité. Car, depuis que le premier homme s'est volontairement souillé par le péché, et s'est assujetti en péchant à mille

miter infantibus majoribusque confertur ut omnibus originalis inesse peccati macula cognoscatur. Ibid., pag. 303.

4 Cum ergo Paulus esset blasphemus et persecutor et contumeliosus, non ideo est adjutus Dei gratia, quia credere voluit; sed ut credere vellet, donum gratiæ prævenientis accepit, quæ in ejus voluntate non aliquod credulitatis initium, sed blasphemium, sævitiam, contumelias et ignorantiam in incredulitate reperit. Ibid., pag. 306.

5 Ex quo enim primus homo naturam suam voluntarie vitiavit, atque oppressit, ita crevit infirmitas, ut nisi divinæ gratiæ medicamento præventum in unoquoque homine sanetur atque adjuvetur liberum indesinenter arbitrium, sit quidem liberum, non tamen bonum: sit liberum, non tamen rectum sit liberum, non tamen sanum : sil liberum, non tamen justum: et quanto magis a bonitate, rectitudine, sanitate, justitiaque liberum, tanto magis malitiæ, perversitatis, infirmitatis atque iniquitatis mortifera servitute capti vum: Qui enim facit peccatum servus est peccati,

infirmités, sa faiblesse est devenue si grande que, si le libre arbitre de chaque homme en particulier n'est guéri et n'est aidé par cette grâce, il peut bien être libre, mais il ne sera ni bon, ni droit, ni sain, ni juste; et plus il est ainsi affranchi de la bonté, de la santé, de la droiture et de la justice, plus il est asservi et sujet à la servitude mortelle de la malice, de l'injustice, de la faiblesse et de l'iniquité, suivant cette parole de saint Jean: Celui qui commet le péché est esclave du Pet, péché; et cette autre de saint Pierre: Quicon

que est vaincu, est esclave de celui qui l'a vaincu. Ainsi, tant que le péché règne dans l'homme, il a, à la vérité, un libre arbitre, mais qui est libre sans Dieu, et non pas libre sous l'empire de Dieu; c'est-à-dire libre de la justice, et non pas libre sous la grâce; et dès lors il est libre, mais d'une liberté misérable et esclave, n'ayant point été délivré par la grâce toute gratuite d'un Dieu qui fait P miséricorde. C'est ce que saint Paul nous fait entendre clairement par ces paroles : Lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez dans une fausse liberté à l'égard de la justice. Quiconque donc est libre à l'égard de la justice ne peut point faire des œuvres de justice: parce que tant qu'il est esclave du péché il n'est capable que de pécher. Or il n'y a que la grâce de Jésus-Christ notre libérateur qui puisse nous délivrer de cette servitude du péché. »

4. Cette liberté, qui ne naît pas du libre arbitre de l'homme, mais qui est donnée par la miséricorde gratuite de Dieu, prend son commencement de la bonne volonté, comme notre vie prend le sien de la foi, laquelle ne naît point de notre volonté, mais nous est donnée par le Saint-Esprit. C'est cet Esprit Saint qui forme Jésus-Christ dans le cœur des fidèles selon la foi, comme il a formé Jésus-Christ selon la chair dans le sein de la Vierge. Loin que la grâce détruise le libre arbitre, elle le guérit; elle ne l'ôte pas, mais elle le corrige, l'éclaire, l'aide et le

et a quo quis devictus est, huic et servus addictus est? Regnante igitur peccato, habet quidem liberum arbitrium, sed liberum sine Deo, non liberum sub Deo, id est, liberum justitia, non liberum sub gratia, et ob hoc pessime atque serviliter liberum, quia non gratuito miserentis Dei munere liberatum. Hoc Apostolus evidenter insiRuat. dicens: Cum enim servi essetis peccati, liberi fuistis justitiæ. Servire igitur justitiæ non potest qui justitiæ liber est: quia quamdiu est

conserve. Saint Fulgence fait voir que Dieu, en donnant la foi à quelques-uns, lorsqu'il la refuse à d'autres, ne fait point acception de personne, puisqu'il use à l'égard des hommes, comme un potier à l'égard d'une masse d'argile dont il fait tantôt un vase d'honneur, et tantôt un vase d'ignominie. Il avoue que l'on peut dire en un sens que l'homme peut croire naturellement, quoiqu'il lui soit donné de Dieu de croire; étant évident qu'il est créé pour croire, parce que par la foi la nature humaine est renouvelée de sa vétusté, et qu'il est même contre la nature de l'homme de ne pas croire en Dieu; puisque son incrédulité ne lui vient pas de la création, mais de la transgression volontaire du commandement de son Créateur. Il enseigne que lorsque l'Apôtre dit qu'il y a des peuples qui font naturellement ce que la loi commande, cela doit s'entendre des peuples fidèles et convertis, qui, sans avoir la lettre de l'Ancien Testament, en exécutaient les préceptes par la grâce du Nouveau; que la connaissance de Dieu, et la foi ne servent de rien sans la charité; et que si Dieu ne donne pas la foi à tous, il faut adorer en cela la profondeur de ses jugements, se contenter de reconaitre qu'il exerce gratuitement sa miséricorde envers ceux qui sont sauvés; adorer sa justice à l'égard de ceux qui sont condamnés, et chanter avec un cœur contrit et humilié la justice et la miséricorde du Seigneur qui nous montre dans les vases de colère, destinés à la perdition, que nulle iniquité ne peut plaire à sa justice, et qui nous fait sentir dans sa conduite envers les vases de miséricorde que sa bonté peut remettre tous les péchés à qui il lui plaît. En expliquant ces paroles de saint Paul: Dieu veut qus tous les hommes soient sauvés, et qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité, il soutient que ceux-là se trompent qui prétendent que saint Paul suppose en cet endroit une volonté générale et égale de sauver tous les hommes. « Ceux qui soutiennent, dit-il 2,

peccati servus, nonnisi ad serviendum peccato reperitur idoneus. Ab ista servitute peccati nemo liber efficitur, nisi qui liberatoris Christi gratia liberatur, ut scilicet liberatus a peccato servus fiat Deo. Fulg., Epist. 17, pag. 307.

1 Gratia humanum non aufertur, sed sanatur; non adimitur, sed corrigitur, illuminatur, adjuvatur atque servatur arbitrium. Ibid., pag. 309. 2 Illud vero apostolicum ubi dicitur de Deo : Qui vult omnes homines salvos fieri et ad agnitio

1 Timoth.

11, 4.

que cette volonté de Dieu regarde aussi bien. les réprouvés que les élus, n'entendent point comme il faut le texte de l'Apôtre. Ils ne font point assez d'attention à cette parole si certaine de l'Écriture, qui, pour nous assurer de la toute puissance de Dieu, nous dit: Il a fait tout ce qu'il a voulu dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes. Qu'auront à répondre, ajoute-t-il, ces personnes qui croient que la volonté de Dieu par laquelle il veut que tous les hommes soient sauvés, est égale envers ceux qui doivent être rachetés, et envers ceux qui doivent être damnés, lorsqu'on leur demandera comment il se peut faire que Dieu veuille que tous les hommes soient sauvés, et que tous cependant ne le soient pas ? Répondront-elles que Dieu attend la volonté de l'homme, afin que la récompense soit justement donnée à ceux qui veulent le bien, et que ceux qui ne le veulent pas, soient justement condamnés? » Saiut Fulgence fait voir, par le discernement que Dieu fait entre les enfants, combien cette réponse est frivole; puisque l'on ne peut pas dire le bon ou le mauvais usage de que leur volonté soit la cause ou de leur salut ou de leur damnation. Si Dieu, pour sauver

nem veritatis venire, non sicut oportet intelligunt, qui hanc Dei voluntatem sicut in vasis misericordiæ, sic et in vasis iræ accipiendam putant, minus considerantes veracissimam Scripturæ sententiam, quæ divinæ commendans omnipotentiam voluntatis Omnia, inquit, quæcumque voluit fefecit in cœlo et in terra, in mari et in omnibus abissis... Proinde hi qui voluntatem Dei qua omnes homines vult salvos fieri, æqualem circa redimendos et damnandos existimant, cum interrogati fuerint cur velit Deus omnes homines salvos fieri nec tamen omnes salvi fiant, quid respondebunt? An illud quod vestra eos dicere testatur epistola, quia Deus exspectat hominis voluntatem, ut æquum sit in volentibus præmium, in nolentibus autem justa damnatio? Sed ut prolixitatem vitantes omittamus alia quæ possunt pro veritate fidei huic prava sententiæ replicari, interim testimonio convincantur atque confundantur non loquentium hominum, sed tacentium parvulorum.. In eis namque nec bona voluntas est, ut æquum sit in volentibus præmium; nec mala, ut sit in nolentibus justa damnatio. Si ergo ad salvandos homines sicut isti volunt, non excitat, neque mutat, sed exspectat hominum voluntates, quomodo infantibus qui baptizantur, et in eadem infantia moriuntur, donat æternam salutem, quorum bonam nec exspectat nec invenit voluntatem? Item alios quomodo sine baptismate mortuos æternis cruciatibus damnat, cum in eis nullam culpam malæ voluntatis inveniat? Ibid., pag. 318.

1 Quocirca illos omnes quos Deus vult salvos

les hommes, n'excite ni ne change leur volonté, mais l'attend, comment donne-t-il le salut éternel aux enfants qui meurent aussitot après le baptême, sans avoir attendu ni trouvé en eux une bonne volonté ? Comment en condamne-t-il d'autres, qui sont morts sans baptême, au supplice éternel, sans avoir trouvé en eux aucune faute d'une mauvaise volonté? Il appelle ces ennemis de la grâce, non les défenseurs, mais les trompeurs du libre arbitre; et il ajoute1: «Quand donc on parle de tous ceux que Dieu veut sauver, il faut l'entendre de manière que nous ne nous imaginions pas que personne ne puisse être sauvé que par la volonté de Dieu, ni que la volonté d'un Dieu tout puissant puisse n'être pas accomplie, ou que quelque chose en puisse empêcher l'effet en quelque manière que ce puisse être. Car tous ceux que Dieu veut qu'ils soient sauvés, sont indubitablement sauvés, et personne ne peut être sauvé sinon ceux que Dieu veut qu'ils le soient, et il n'y en a aucun que Dieu veuille qu'il soit sauvé, qui ne le soit en effet, parce que notre Dieu a fait tout ce qu'il a voulu faire. Tous ceux donc que Dieu veut qu'ils soient sauvés, sont ef

fieri, sic intelligere debemus ut nec aliquem putemus salvum fieri posse nisi voluntate Dei, nec existimemus voluntatem omnipotentis Dei, aut in aliquo non impleri, aut aliquatemus impediri. Omnes enim quos Deus vult salvos fieri sine dubitatione salvantur, nec possunt salvari nisi quos Deus vult salvos fieri, nec est quisquam quem Deus salvari velit, qui non salvetur: quia Deus noster omnia quæcumque voluit fecit. Ipsi omnes utique salvi fiunt quos omnes vult salvos fieri: quia hæc salus non illis ex humana voluntate nascitur sed ex Dei bona voluntate præstatur. Verumtamen in his omnibus hominibus, quos Deus vult salvos facere, non totum omnino genus significatur hominum, sed omnium universitas salvandorum. Ideo autem omnes dicti sunt, quia ex omnibus hominibus omnes istos divina bonitas salvat, id est, ex omni gente, conditione, ætate, ex omni lingua, ex omni provincia. In his omnibus ille sermo nostri Redemptoris impletur, quo ait: Cum exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum. Quod non ideo dixit quia omnes omnino trahit, sed quia nemo salvus fit, nisi quem ipse traxerit. Nam et alibi dicit: Nemo potest venire ad me, nisi Pater qui misit me traxerit eum. Item alibi: Omne quod dedit mihi Pater ad me veniet. Hi ergo sunt omnes quos vult Deus salvos fieri et ad agnitionem veritatis venire. Est autem familiari divinis eloquiis, ut omnes nonnumquam dicant, nec tamen omne humanum genus in ipsis omnibus semper intelligi debere commoneant. Ibid., pag. 321 et 322.

fectivement sauvés, parce que ce n'est point par leur propre volonté, mais par la volonté de Dieu qu'ils obtiennent le salut. Ainsi quand on parle de tous les hommes que Dieu veut sauver, on ne doit pas entendre absolument et entièrement tout le genre humain, mais seulement la totalité de ceux qui seront sauvés, que l'Écriture appelle du nom de tous, parce que c'est d'entre tous les hommes que la divine bonté choisit tous ceux qui sont sauvés, c'est-à-dire qu'elle les prend de toute nation, de toute condition, de tout âge, de toute langue, de toute province. C'est dans tout cela que cette parole de notre Rédempteur est accomplie : Quand on m'aura élevé de la terre je tirerai tout à moi; non pas qu'il tire absolument à lui tous les hommes sans exception; mais parce que personne n'est sauvé, sinon ceux que le Fils tire à lui. Car il dit encore ailkar leurs: Personne ne peut venir à moi, si mon Père qui m'a envoyé ne le tire. Et encore: Tout ce que mon Père m'a donné viendra à moi. Ce sont donc là tous ceux que Dieu veut sauver, et faire venir à la connaissance de la vérité. »

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L

Saint Fulgence prouve par un grand nombre d'exemples tirés de l'Écriture, que le mot de tous, ou tous les hommes, ou toutes les nations, ne doit pas toujours s'entendre d'une totalité entière, absolue et sans exception: «Car autrement, dit-il, on serait obligé1 d'avouer que le mensonge se trouverait même dans la parole de Dieu. Il est dit dans le prophète Joël Je répandrai mon esprit dans les derniers jours sur toute chair; prophétie que saint Pierre dit avoir été accomplie dans les cent vingt personnes sur lesquelles le Saint-Esprit descendit en forme de langues de feu. Le même apôtre disait aux Juifs : Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour obtenir la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse a été faite à vous, et à vos enfants, et à tous ceux qui sont éloignés, autant que le Seigneur en appellera.

9.

Coloss, 1,16 et 19.

Il appelle donc tous quiconque est appelé du Seigneur. Il est dit dans les Psaumes que tou- Psal. LXXXV, tes les nations, que Dieu a faites, viendront, qu'elles l'adoreront, et qu'elles glorifieront son nom; et toutefois Jésus-Christ dit à ses apôtres: Vous serez haïs de toutes les nations à Matth. x, 22. cause de mon nom. L'Écriture est-elle donc contraire à elle-même ? A Dieu ne plaise! Mais elle a compris sous le terme de tous, ceux qui dans les nations devaient se convertir, et glorifier par leur foi le nom du Seigneur; et tous les incrédules, qui, dans les mêmes nations, devaient persévérer par leur impiété dans la haine du nom de Jésus-Christ. Nous lisons dans l'Épître aux Colossiens, que tout a été créé par le Fils dans le ciel et dans la terre, les choses visibles et les choses invisibles; et au même endroit, qu'il a plù au Père de réconcilier par lui toutes choses avec soi, ayant pacifié, par le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est dans la terre, que ce qui est dans le ciel. Dira-t-on que JésusChrist a pacifié tout ce qui est dans le ciel et sur la terre? S'il en était ainsi, il faudrait de deux choses l'une ou nier que le diable ou les anges ont été créés par Jésus-Christ, ou dire qu'il les a réconciliés par le sang de sa croix. L'une et l'autre de ces deux propositions sont insoutenables, et il n'y a pas moins d'impiété à dire que le diable n'a pas été créé par Jésus-Christ, qu'à croire qu'il a eu part à la réconciliation de Jésus-Christ. » A l'occasion de ce passage, saint Fulgence donne une autre explication à ces paroles de l'Apôtre : Dieu veut sauver tous les hommes : «De même qu'on dit que toutes choses ont été créées par Jésus-Christ, parce qu'il n'y a rien que le Père n'ait créé dans son Fils et par son Fils, de même, dit ce saint évêque, on doit dire que tous sont réconciliés avec Dieu en Jésus-Christ et par Jésus-Christ, parce qu'il n'y a aucun homme qui soit réconcilié avec Dieu autrement que par la croix de Jésus-Christ. Par cette règle ainsi appuyée sur l'autorité des divines Écritures, nous devons

Dicit Dominus per prophetam Joel: In novissimis diebus effundam de Spiritu meo super omnem carnem. Quod in centum viginti hominibus, in quos Spiritus Sanctus linguis igneis venit, factum beatus Petrus ostendit. Si ergo hic omnem carnem omnes omnino putaverimus homines intelligi, incipiet, quod absit, mendax æstimari sermo divinus. Ibid.

1 Omnia ergo per Christum et in Christo creata XI.

sunt, quia nihil est quod non per Filium et in Filio creaverit Pater. Et omnia per ipsum atque in ipso reconciliantur, quia nullus est hominum qui sine cruce Christi reconciliationis beneficium consequatur. Ex hac igitur regula, quæ cœlestibus inserta monstratur oraculis, sic intelligamus omnes homines quos vult Deus salvos fieri, ut noverimus omnes qui salvantur, nonnisi ex ejus gratuita bonitate salvari. Ibid., pag. 312.

Lettre du Comte Régin à saint Fulgence.

Réponse de saint Fulgen

pag. 323.

entendre de telle sorte, que Dieu veut sauver tous les hommes, que nous sachions que de tous ceux qui sont sauvés il n'y en a pas un qui ne soit sauvé par la bonté gratuite du Seigneur.» Saint Fulgence finit par une récapitulation de ce qu'il avait dit sur le mystère de l'incarnation et sur celui de la grâce. « A quoi il ajoute que Dieu qui a créé l'homme, lui a préparé par le décret de sa prédestination, la foi, la justification, la persévérance et la gloire; et que quiconque ne reconnaît point la vérité de la prédestination par laquelle saint Paul dit que nous avons été élus en Jésus-Christ avant la création du monde, ne sera point du nombre des élus, et n'aura point de part au salut, s'il ne renonce à cette erreur avant de mourir. » Il dit néanmoins que l'on ne doit point cesser de prier pour ces sortes de personnes, afin que Dieu les éclaire par sa grâce qui fait fructifier la parole divine; parce que c'est en vain qu'elle frappe nos oreilles, si Dieu par un don spirirituel n'ouvre l'entendement de l'homme intérieur.

§ XII.

Lettre au comte Régin.

1. Le comte Régin avait écrit à saint Fulgence pour le consulter sur deux points. Le premier de doctrine, savoir si le corps de Jésus-Christ était corruptible ou s'il était demeuré incorruptible. Le second de morale, regardait la vie que doit mener un homme engagé dans la profession des armes. Nous n'avons plus la lettre de ce comte. Saint Fulgence ne répondit qu'à la première de ses questions, la mort l'ayant empêché de satisfaire à la seconde. Régin s'adressa donc au diacre Ferrand qui l'instruisit sur ce qu'il souhaitait par une lettre que nous avons en

core.

2. Ce qui avait engagé Régin à consulter ce à Régin, saint Fulgence sur la corruptibilité ou l'incorruptibilité du corps de Jésus-Christ, était la dispute élevée depuis quelque temps entre les eutychéens d'Orient, les uns soutenant que le corps de Jésus-Christ avait été incorruptible dès le moment de sa conception; les autres qu'il avait été corruptible avant sa passion, et qu'il était incorruptible depuis sa résurrection. Saint Fulgence distingue deux sortes de corruption, l'une du péché, qui renferme la concupiscence et le péché même; l'autre du corps, qui consiste

dans l'altération sensible des parties du corps, et dans sa séparation d'avec l'âme. Ce principe posé, il répond que Jésus-Christ, ayant pris une nature sujette à la mort, a aussi été sujet à la faim, à la soif et à la fatigue, qui sont des faiblesses inséparables d'une nature sujette à la mort, et qui causent la mort même, puisque par la soif, la faim et la fatigue, se fait la dissolution du corps d'avec l'âme. Il ajoute qu'il a encore été sujet à la corruption qui consiste dans la mort, puisqu'il est mort réellement; mais qu'il n'a point essuyé cette autre sorte de corruption qui entraîne une si grande altération des parties, que le corps est réduit en pourriture et en poussière, étant ressuscité le troisième jour, toutes les parties de son corps entières; que depuis sa résurrection il est absolument incorruptible par l'union inséparable de son âme avec son corps, qui, par la gloire dont il jouit, est comme spiritualisé. Il cite sur cela un témoignage de saint Augustin tiré de sa lettre à Consentius. A l'égard de la première sorte de corruption, il soutient qu'elle n'a eu aucun lieu dans Jésus-Christ, n'ayant contracté ni péché originel, ni péché actuel; que pendant sa vie mortelle il n'a point été sujet aux passions qui préviennent la raison et causent des troubles involontaires, et que s'il a quelquefois souffert les impressions de la tristesse et des autres infirmités de notre âme, ç'a été volontairement de sa part, pour nous montrer qu'il nous prêterait son secours dans de semblables afflictions que nous souffrons nécessairement.

§ XIII.

Livre de la Trinité à Félix.

Le Félix

1. Félix, qui est qualifié notaire, se trouvait souvent avec des hérétiques qui tâ- Fulger chaient de l'engager dans leurs erreurs. Voulant non-seulement éviter les piéges qu'ils lui tendaient à cet effet, mais les ramener lui-même à la vérité de la foi catholique, il pria saint Fulgence de l'instruire exactement de la doctrine orthodoxe sur la Trinité. Félix avait encore spécifié, ce semble, quelques autres articles sur lesquels il avait besoin d'instruction: car outre celui de la Trinité, saint Fulgence traite encore de ce qui regarde les anges et l'homme.

2. «La foi que nous voulons vous faire connaître, lui répondit le saint évêque, est celle ce

Li

saint F à

Lag. 32

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