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POÉSIE S.

PORTRAIT

DE MADAME

LA DUCHESSE DE MIREPOIX.

La beauté que je chante ignore ses appas.

Mortels qui la voyez, dites-lui qu'elle est belle, Naïve, simple, naturelle,

Et timide sans embarras.

Telle est la jacinthe nouvelle;

Sa tête ne s'élève pas

Sur les fleurs qui sont autour d'elle:
Sans se montrer, sans se cacher,

Elle se plaît dans la prairie;
Elle y pourroit finir sa vie,
Si l'oeil ne venoit l'y chercher.

MIREPOIX reçut en partage
La candeur, la douceur, la paix;
Et ce sont, entre mille attraits,
Ceux dont elle veut faire usage.
Pour altérer la douceur de ses traits,
Le fier dédain n'osa jamais

Se faire voir sur son visage.

Son esprit a cette chaleur

Du soleil qui commence à naître:
L'Hymen peut parler de son coeur;
L'Amour pourroit le méconnoître.

ADIEUX A GENES

EN 17 28.

DIEU, Gênes détestable;
Adieu, séjour de Plutus:
Si le ciel m'est favorable,
Je ne vous reverrai plus.

Adieu, bourgeois, et noblesse
Qui n'as pour toutes vertus
Qu'une inutile richesse:
Je ne vous reverrai plus,

Adieu, superbes palais
Où l'ennui, par préférence,
A choisi sa résidence:
Je vous quitte pour jamais,

Là le magistrat querelle
Et veut chasser les amans,
Et se plaint que sa chandelle
Brûle depuis trop long-temps.

a Cette pièce avoit été donnée par M. de Montesquieu à un de ses amis, à condition de ne la point faire voir, disant que c'étoit une plaisanterie faite dans un moment d'humeur, d'autant qu'il ne s'étoit jamais piqué d'être poëte. Il la fit étant embarqué pour partir de Gênes, où il disoit s'être beaucoup ennuyé, parce qu'il n'y avoit formé aucune liaison, ni trouvé aucun de ces empressemens qu'on lui avoit marqués par - tout ailleurs en Italie. Il faut que les Génois se soient bien civilisés depuis, et aient beaucoup changé de méthode dans l'accueil qu'ils font aux étrangers; ou bien l'ennui fit que l'auteur voulut se divertir par cette petite satyre, qui ne sauroit être prise pour une chose sérieuse, ni comme un jugement de ce voyageur éclairé.

Le vieux noble, quel délice!
Voit son page à demi nu,
Et jouit d'une avarice

Qui lui fait montrer le cu.

Vous entendez d'un jocrisse
Qui ne dort ni nuit ni jour,
Qu'il a gagné la jaunisse
Par l'excès de son amour.

Mais un vent plus favorable
A mes voeux vient se prêter.
Il n'est rien de comparable
Au plaisir de vous quitter.

CHANSON.

Nous n'avons pour philosophie

Que l'amour de la liberté.
Plaisir, douceurs sans flatterie,
Volupté,

Portez dans cette compagnie
La gaîté.

Le nocher qui prévoit l'orage
Craint encor, quand le port est bon.
Eternisons du badinage

La saison:

On manque, à force d'être sage,
De raison.

Le fier Caton, quand il se perce,
Se livre à ses noires fureurs:
Anacréon, qui fait commerce
De douceurs,

Attend le trépas et se berce
Sur des fleurs.

Que chacun boive à sa conquête.
Ne vous en fâchez pas, époux;
Le sort que la nuit vous apprête
Est plus doux;

Mais vos femmes, dans cette fête
Sont à nous.

CHANSON.

AMOUR,

MOUR, après mainte victoire, Croyant régner seul dans les cieux, Alloit bravant les autres dieux, Vantant son triomphe et sa gloire.

Eux, à la fin, qui se lassèrent
De voir l'insolente façon
De ce tant superbe garçon,
Du ciel, par dépit, le chassèrent.

Banni du ciel, il vole en terre,
Bien résolu de se venger,

Dans vos yeux il vint se loger,

Pour de là faire aux dieux la guerre,

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