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Or, de ceux qui n'admettent que la réflexion seule, les uns diront que toutes sortes de réflexions produisent des échos, et en admettront autant que de sons réfléchis. Les murailles d'une chambre, disent-ils, feroient entendre un écho, si elles n'étoient trop proches de nous, et ne nous envoyoient le son réfléchi dans le même instant que notre oreille est frappée par le son direct. Selon eux, tout est rempli d'échos: Jovis omnia plena. Vous diriez que, comme Héraclite, ils admettent un concert et une harmonie dans l'univers, qu'une longue habitude nous dérobe; d'autant mieux que, la réflexion étant souvent dirigée vers des lieux différens de celui où se produit le son, parce qu'elle se fait toujours par un angle égal à celui d'incidence, il arrive souvent que l'écho ne rend point les sons à celui qui les envoie: cette nymphe ne répond pas toujours à celui qui lui parle; il y a des occasions où sa voix est méconnue de ceux même qui l'entendent; ce qui pourroit peut-être servir à faire cesser bien du merveilleux, et à rendre raison de ces voix entendues en l'air, que Rome, cette ville des sept montagnes, mettoit si souvent au nombre des prodiges a.

a Visi etiam audire vocem ingentem ex summi cacuminis luco. (Tit. Liv. Hist. lib. 1, cap. xxxI.)

Spreta vox de coelo emissa. (Ibidem, lib. v, cap. XXXII,)

Templo sospitae Junonis nocte ingentem strepitum exortum. (Ibidem, lib. XXXI, cap. XII.)

Silentio proximae noctis ex sylva Arsia ingentem editam vocem. (Ibidem, lib. II, cap. VII.)

Cantusque feruntur

Auditi, sanctis et verba minacia lucis.

(Ovid. Metam. lib. XV, v. 792.)

Mais les autres, qui ne croient pas la nature si libérale, veulent des lieux et des situations particulières; ce qui fait qu'ils varient infiniment et dans la disposition de ces lieux, et dans la manière dont se font les réflexions à cet égard.

Avec tout ceci on n'est pas fort avancé dans la connoissance de la cause de l'écho. Mais enfin un philosophe est venu, qui, ayant étudié la nature dans sa simplicité, a été plus loin que les autres: les découvertes admirables de nos jours sur la dioptrique et la catoptrique ont été comme le fil d'Ariadne, qui l'a conduit dans l'explication de ce phénomène des sons. Chose admirable! il y a une image des sons, comme il y a une image des objets apperçus: cette image est formée par la réunion des rayons sonores; comme, dans l'optique, l'image est formée par la réunion des rayons visuels. On jugera sans doute, par la lecture qui va se faire, que l'académie n'a pu se refuser à l'auteur de cette découverte, et qu'il mérite de jouir de ses suffrages, et de la libéralité du protecteur.

Cependant je ne puis passer ici une difficulté commune à tous les systêmes, et qui, dans la satisfaction où nous étions d'avoir contribué à donner quelque jour à un endroit des plus obscurs de la physique, n'a pas laissé que de nous humilier. On comprend aisément que l'air qui a déjà produit un son, rencontrant un rocher un peu éloigné, est réfléchi vers celui qui parle, et reproduit un nouveau son, ou un écho: mais

d'où vient que l'écho répète précisément la même parole, et du même ton qu'elle a été prononcée? comment n'est-il pas tantôt plus aigu, tantôt plus grave? comment la surface raboteuse des rochers, ou autres corps réfléchissans, ne change-t-elle rien au mouvement que l'air a déjà reçu pour produire le son direct? Je sens la difficulté, plus encore mon impuissance de la résoudre.

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DISCOURS

SUR

L'USAGE DES GLANDES RÉNAles,

ON

Prononcé le 25 août 1718.

N a dit ingénieusement que les recherches anatomiques sont une hymne merveilleuse à la louange du Créateur. C'est en vain que le libertin voudroit révoquer en doute une divinité qu'il craint, il est lui-même la plus forte preuve de son existence; il ne peut faire la moindre attention sur son individu qui ne soit un argument qui l'afflige. Haerit lateri letalis arundo.

La plupart des choses ne paroissent extraordinaires que parce qu'elles ne sont point connues; le merveilleux tombe presque toujours à mesure qu'on s'en approche; on a pitié de soi-même; on a honte d'avoir admiré. Il n'en est pas de même du corps humain : le philosophe s'étonne, et trouve l'immense grandeur de Dieu dans l'action d'un muscle, comme dans le débrouillement du chaos.

Lorsqu'on étudie le corps humain, et qu'on se rend familières les lois immuables qui s'observent dans ce petit empire; quand on considère ce nombre infini de parties qui travaillent toutes pour le bien commun, ces esprits animaux si impérieux

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impérieux et si obéissans, ces mouvemens si soumis et quelquefois si libres, cette volonté qui commande en reine et obéit en esclave, ces périodes si réglées, cette machine si simple dans son action et si composée dans ses ressorts, cette réparation continuelle de force et de vie, ce merveilleux de la reproduction et de la génération, toujours de nouveaux secours à de nouveaux besoins: quelles grandes idées de sagesse et d'économie!

Dans ce nombre prodigieux de parties, de veines, d'artères, de vaisseaux lymphatiques, de cartilages, de tendons, de muscles, de glandes, on ne sauroit croire qu'il y ait rien d'inutile; tout concourt pour le bien du sujet animé; et s'il y a уа quelque partie dont nous ignorions l'usage, nous devons avec une noble inquiétude chercher à le découvrir.

C'est ce qui avoit porté l'académie à choisir pour sujet l'usage des glandes rénales ou capsules atrabilaires, et à encourager les savans à travailler sur une matière qui, malgré les recherches de tant d'auteurs, étoit encore toute neuve, et sembloit avoir été jusqu'ici plutôt l'objet de leur désespoir que de leurs connoissances.

Je ne ferai point ici une description exacte de ces glandes, à moins de dire ce que tant d'auteurs ont déjà dit: tout le monde sait qu'elles sont placées un peu au dessus des reins, entre les émulgentes. et les troncs de la veine cave et de la grande artère. Si l'on veut voir des gens bien peu d'accord, on n'a qu'à lire les auteurs qui ont traité de leur usage;

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