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médicinales: les docteurs les trouvent émollientes, diurétiques, dessiccatives ou astringentes; ils les traitent toutes comme la manne qui nourrissoit les Israélites, dont ils ont fait un purgatif; on leur donne une infinité de qualités qu'elles n'ont pas, et personne ne pense à la vertu de nourrir qu'el

les ont.

Le froment, l'orge, le seigle, ont, comme les autres plantes, des années qui leur sont trèsfavorables: il y en a où la disette de ces grains n'est pas le seul malheur qui afflige les peuples; leur mauvaise qualité est encore plus cruelle. Nous croyons que, dans ces années, si tristes pour les pauvres, et mille fois plus encore pour les riches, chez un peuple chrétien, on a mille moyens de suppléer à la rareté du bled; qu'on a sous ses pieds dans tous les bois mille ressources contre la faim; et qu'on admireroit la Providence, au lieu de l'accuser, si l'on connoissoit tous ses bienfaits.

Dans cette idée, nous avons conçu le dessein d'examiner les végétaux, les écorces, et une infinité de choses qu'on ne soupçonneroit pas par rapport à leur qualité nutritive. La vie des animaux qui ont le plus de rapports à l'homme seroit bien employée pour faire de pareilles expériences. Nons en avons commencé quelques-unes qui nous ont réussi très heureusement. La briéveté du temps ne nous permet pas de les rapporter ici; d'ailleurs nous voulons les joindre à un grand nombre d'autres que nous nous proposons de faire sur ce sujet. Notre dessein est aussi d'examiner

en quoi consiste la qualité nutritive des plantes: il n'est pas toujours vrai que celles qui viennent dans une terre grasse soient plus propres à nourrir que celles qui viennent dans un terrain maigre. Il y a dans le Quercy un pays qui ne produit que quelques brins d'une herbe très-courte, qui sort au travers des pierres dont il est couvert; cette herbe est si nourrissante, qu'une brebis y vit, pourvu que chaque jour elle en puisse amasser autant qu'il en pourroit entrer dans un dé à coudre; au contraire, dans le Chili, les viandes y nourrissent si peu, qu'il faut absolument manger de trois en trois heures, comme si ce pays étoit tombé dans la malédiction dont Dieu menace son peuple dans les livres saints: J'ôterai au pain la force de

nourrir.

Je me vois obligé de dire ici que le sieur Duval nous a beaucoup aidés dans ces observations, et que nous devons beaucoup à son exactitude. On jugera sans doute qu'elles ne sont pas considérables; mais on est assez heureux pour ne les estimer précisément que ce qu'elles valent.

C'est le fruit de l'oisiveté de la campagne. Ceci devoit mourir dans le même lieu qui l'a fait naître: mais ceux qui vivent dans une société ont des devoirs à remplir; nous devons compte à la nôtre de nos moindres amusemens. Il ne faut point chercher la réputation par ces sortes d'ouvrages, ils ne l'obtiennent ni ne la méritent; on profite des observations, mais on ne connoît pas l'observateur: aussi de tous ceux qui sont utiles aux

hommes, ce sont peut-être les seuls envers lesquels on peut être ingrat sans injustice.

Il ne faut pas avoir beaucoup d'esprit pour avoir vu le Panthéon, le Colisée, des pyramides; il n'en faut pas davantage pour voir un ciron dans le microscope, ou une étoile par le moyen des grandes lunettes: et c'est en cela que la physique est si admirable; grands génies, esprits étroits, gens médiocres, tout y joue son personnage: celui qui ne saura pas faire un systême comme Newton, fera une observation avec laquelle il mettra à la torture ce grand philosophe; cependant Newton sera toujours Newton, c'est-à-dire le successeur de Descartes, et l'autre un homme commun, un vil artiste, qui a vu une fois, et n'a peut-être jamais pensé.

1o. L'insecte rouge, s'il eût été pris dans l'eau, étoit un monocle, ou puce d'eau.

2o. Les insectes qui se trouvent enfermés dans une enveloppe pomiforme sur les feuilles d'ormeau, sont des pucerons dans leur galle.

3o. Le gui vient de semence de son espèce; il végète sur les plantes vivantes ou mortes, même sur des morceaux de terre cuite. Il ne faut à ces semences qu'un point d'appui.

4°. Ce qui concerne la grenouille a souffert quelques contradictions.

5°. Ce que Montesquieu dit sur les mousses est hypothé tique.

(Notes communiquées aux éditeurs par VALMONT DE BOMARE.)

DISCOURS

SUR LES MOTIFS

QUI DOIVENT NOUS ENCOURAGER

AUX SCIENCES,

Prononcé le 15 novembre 1725.

La différence qu'il y a entre les grandes nations

et les peuples sauvages, c'est que celles-là se sont appliquées aux arts et aux sciences, et que ceuxci les ont absolument négligés. C'est peut-être aux connoissances qu'ils donnent que la plupart des nations doivent leur existence. Si nous avions les moeurs des sauvages de l'Amérique, deux ou trois nations de l'Europe auroient bientôt mangé toutes les autres; et peut-être que quelque peuple conquérant de notre monde se vanteroit, comme les Iroquois, d'avoir mangé soixante-dix nations. Mais sans parler des peuples sauvages si un Descartes étoit venu au Mexique ou au Pérou cent ans avant Cortez et Pizarre, et qu'il eût appris à ces peuples que les hommes, composés comme ils sont, ne peuvent pas être immortels; que les ressorts de leur machine s'usent, comme ceux de toutes les machines; que les effets de la nature ne sont qu'une suite des lois et des communications du mouvement, Cortez, avec une poignée de gens,

n'auroit jamais détruit l'empire du Mexique, ni Pizarre celui du Pérou.

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Qui diroit que cette destruction, la plus grande dont l'histoire ait jamais parlé, n'ait été qu'un simple effet de l'ignorance d'un principe de philosophie? Cela est pourtant vrai, et je vais le prouver. Les Mexicains n'avoient point d'armes à feu; mais ils avoient des arcs et des flèches, c'est-à-dire, ils avoient les armes des Grecs et des Romains: ils n'avoient point de fer; mais ils avoient des pierres à fusil qui coupoient comme du fer, et qu'ils mettoient au bout de leurs armes: ils avoient même une chose excellente pour l'art militaire, c'est qu'ils faisoient leurs rangs très - serrés; et sitôt qu'un soldat étoit tué, il étoit aussitôt remplacé par un autre: ils avoient une noblesse généreuse et intrépide, élevée sur les principes de celle d'Europe, qui envie le destin de ceux qui meurent pour la gloire. D'ailleurs la vaste étendue de l'empire donnoit aux Mexicains mille moyens de détruire les étrangers, supposé qu'ils ne pussent pas les vaincre. Les Péruviens avoient les mêmes avantages; et même, par-tout où ils se défendirent, par-tout où ils combattirent, ils le firent avec succès. Les Espagnols pensèrent même être exterminés par de petits peuples qui eurent la résolution de se défendre. D'où vient donc qu'ils furent si facilement détruits? C'est que tout ce qui leur paroissoit nouveau, un homme barbu, un cheval, une arme à feu, étoit pour eux l'effet d'une puissance invisible, à laquelle ils se jugeoient incapables

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