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jours à la vérité, ils contribuent à découvrir l'erreur, semblables à cès phares qui indiquent les écueils, mais n'enseignent pas la route.

du

Certaines théories que notre siècle a vu naître, ou moins ressuscitées ; prouvent même combien il est hasardeux à l'intelligence de se détacher de la terre, pour se renfermer entièrement en elle-même : l'absolu, le mysticismé, ont pris leur origine dans ce mépris de l'expérience, dans cet isolement du monde physique. Kant et Montaigne sont souvent aux deux extrémités opposées ; alors je ne sais lequel est le plus près de la raison.

La méthode de M. Valery n'est pas infaillible, je le pense, et j'ai essayé de le prouver; faut-il inférer que les principes auxquels il remonte soient en général dénués de fondement et de solidité? La lecture de son ouvrage suffit pour établir la fausseté d'une pareille induction. Mais s'il s'est enrichi de nombreuses vérités, gardons-nous d'en attribuer la conquête à l'armée considérable de faits qui appuient sa marche: c'est à la droiture de son esprit, à sa loyauté, à son amour du bien qu'il les doit; souvent il est vrai en dépit des faits eux-mêmes; presque toujours ses conclusions sont plus justes que ses conséquences.

Environné d'erreurs, M. Valery a dû nécessairement en réfléchir quelques-unes; je n'en aime pas moins son livre, parce qu'il porte l'empreinte de la bonne foi, et qu'à une foule d'anecdotes piquantes se trouvent joints de ces traits lumineux qui mettent au grand jour les tendances de toute une époque. En veut-on un exemple? Je demande si rien est plus propre à faire ressortir l'esprit d'adulation qui régnait à la cour de Louis XIV, que la complaisance avec laquelle des évêques et des docteurs de

Sorbonne, consultés par Anne d'Autriche, flattèrent le goût prononcé de cette reine pour la comédie. Penchant innocent, répondirent à l'épouse du grand roi, ces mêmes hommes qui tonnaient sans cesse contre les plaisirs du petit peuple!

Au reste, Louis XIV, qui, suivant l'usage, après avoir été galant, était devenu dévot, connaissait parsaitement l'esprit de ses courtisans : c'étaient à ses yeux des meubles de luxe, propres à orner des appartemens, et plus souvent des antichambres; voilà tout. Il sut même se soustraire à certames influences, comme le prouve sa réponse à M. Torcy qui avait paru désigner le cardinal de Janson pour ministre ; il lui dit « que lorsqu'à la » mort du cardinal Mazarin, il avait pris le timon des » affaires, il avait été, en grande connaissance de cause, » bien résolu de n'admettre aucun ecclésiastique dans » son conseil, et moins encore un cardinal que les » autres ; qu'il s'en était bien trouvé, et qu'il ne chan» gerait pas.» (Valery, page 13.—Saint-Simon, suppl. tom III). Il est vrai que ces paroles ont précédé la révocation de l'édit de Nantes!

Les études de M. Valery semblent s'être surtout dirigées vers le siècle de Louis XIV, et si, à mon avis, sa politique n'y a pas gagné, du moins sa littérature en a refléchi en partie les heureuses qualités et les doctrines sévères. Son style est toujours clair et facile; on pourrait, peut-être, désirer quelquefois plus de vivacité dans l'expression, plus de variété dans le tour; mais nulle part son ouvrage n'est défiguré par ces morceaux à la mode, où les auteurs du jour semblent avoir rassemblé toutes les forces de leur imagination, toutes les facultés de leur âme, pour insulter à la raison et au bon goût.

Le passage suivant me paraît unir la justesse des pensées à la vérité de l'expression :

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« L'on voudrait quelquefois, en politique, confondre l'opinion générale et les partis : la différence est im» mense. Les partis ne sont jamais qu'un petit nombre » d'hommes; il peuvent arracher le pouvoir; mais il est » peu durable dans leurs mains, parce qu'une force mo» rale ne les soutient pas au dehors. Séditieux ou pros»cripteurs, ils cherchent à suppléer par la violence à cette » force qu'ils n'ont point, et dans cette haine d'hommes, » dans cette vivacité d'intérêts et de passions qui les tour» mentent, ils ne comptent pour rien le bien du pays. » La véritable opinion, au contraire, est chérie comme » une patrie, par ceux même qui en sont victimes; elle » réunit un peuple fidèle qui regrette et désire; le temps » n'affaiblit point les convictions de sa conscience, et son triomphe, comme celui de la justice, est toujours simple >> et paisible. >>

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ADER.

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BIBLIOTHÈQUE DRAMATIQUE ou Répertoire général du theatre français, accompagné des notes des anciens commentateurs et de nouvelles remarques, par MM. Charles Nodier et Lepeintre, avec plus de soixante portraits et fac simile (1).

On répète de tous côtés que les capitaux manquent à l'industrie. Le commerce des libraires ne se ressent guère de cette disette prétendue; jamais, peut-être, on ne vit un plus grand nombre de vastes entreprises de librairie. Depuis quelques années, la presse roule avec une continuelle et surprenante activité. Les chefs-d'œuvre de la langue française, ceux des langues anciennes et étrangères se multiplient sous toutes les formes, et se répandent dans la société par mille canaux différens. On les rassemble, on les sépare, on les étend et on les réduit, on les met à la portée de toutes les fortunes. Foudroyés

(1) Quatre-vingts volumes au moins, format in-8o., qui seront publiés par livraisons. La première est en vente. Prix de chaque volume, papier superfin d'Annonay satiné, avec portrait, 8 fr. 50 cent., et 20 fr. papier grand-raisin vélin satiné, avec portrait avant la lettre. Chaque volume, franc de port, coûte 1 fr. 50 cent. de plus.

On souscrit chez madame veuve Dabo, rue da Pot-de-Fer St.-Sulpice, no, 14. La souscription est ouverte jusqu'au 187, jangvier 1825.

par les mandemens, Voltaire et Rousseau pénètrent jusques dans les chaumières; les lettres pastorales même qui les proscrivent leur servent d'annonces et de véhicule, et l'ancien serf peut les méditer à l'ombre du castel de son ci-devant seigneur. C'est ainsi que l'émulation des spéculateurs tourne au profit de la société qu'elle instruit et qu'elle éclaire. C'est ainsi que l'industrie, fille de l'intérêt personnel, sert à l'intérêt général, et rend à la civilisation les bienfaits qu'elle en a reçus.

Parmi les entreprises vastes, colossales même, que nous voyons chaque jour se former, l'estime publique doit distinguer la Bibliothèque dramatique dont MM. Charles Nodier et Lepeintre ont conçu l'idée, et dont la première livraison vient de paraître. On possédait déjà plu sieurs répertoires complets des pièces restées à la comédie française; il en existait même des éditions de luxe. L'édi-, teur de la Bibliothèque dramatique, madame veuve Dabo, avait publié, elle-même, un Répertoire, que l'heureuse addition des meilleurs ouvrages contemporains rendait préférable à tous les précédens; mais cette dernière collection, exécutée avec économie, et destinée particulièrement aux fortunes bornées, en laissait désirer une autre, plus digne des grandes bibliothèques, et dont l'art du typographe rendît la lecture plus agréable et plus facile.

C'est à ce besoin que les éditeurs de la Bibliothèque dramatique ont voulu répondre. Supérieurs à tout ce que l'on a jusqu'ici exécuté de plus parfait en ce genre, ils n'ont pas seulement le mérite d'offrir un recueil plus complet qu'aucun de ceux qui existent, et d'associer, par la publication des ouvrages de notre temps, la gloire

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contemporaine à la gloire des siècles passés; ils ont les

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