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BIBLIOTHÈQUE DRAMATIQUE, ou Répertoire général du théâtre français, accompagné des notes des anciens commentateurs et de nouvelles remarques, par MM. Charles Nodier et Lepeintre, avec plus de soixante portraits et fac simile (1).

On répète de tous côtés que les capitaux manquent à l'industrie. Le commerce des libraires ne se ressent guère de cette disette prétendue; jamais, peut-être, on ne vit un plus grand nombre de vastes entreprises de librairie. Depuis quelques années, la presse roule avec une continuelle et surprenante activité. Les chefs-d'œuvre de la langue française, ceux des langues anciennes et étrangères se multiplient sous toutes les formes, et se répandent dans la société par mille canaux différens. On les rassemble, on les sépare, on les étend et on les réduit, on les met à la portée de toutes les fortunes. Foudroyés

(1) Quatre-vingts volumes au moins, format in-8°., qui seront publiés par livraisons. La première est en vente. Prix de chaque volume, papier superfin d'Annonay satiné, avec portrait, 8 fr. 50 cent., et 20 fr. papier grand-raisin vélin satiné, avec portrait avant la lettre. Chaque volume, franc de port, coûte 1 fr. 50 cent. de plus.

On souscrit chez madame veuve Dabo, rue du Pot-de-Fer St.-Sulpice, no, 14. La souscription est ouverte jusqu'au 1er, janvier 1825.

postérité sur nos chefs-d'œuvre. Ce qu'un seul commentateur n'a pu espérer de faire, on le trouvera dans la comparaison de tous. La Bibliothèque dramatique, en offrant, pour la première fois, les moyens de faire cette comparaison, s'élève au rang des monumens littéraires les plus utiles de l'époque.

MM. Nodier et Lepeintre, ayant rapproché, dans leur recueil, les pièces de théâtre de ce temps, des ouvrages dramatiques des temps passés, devaient, sous peine d'inconséquence, associer, aux commentateurs anciens, les critiques modernes. Au milieu d'une foule d'erreurs, de mensonges et de préjugés, nos journaux dramatiques offrent quelquefois, sur les chefs-d'oeuvre de la littérature, des réflexions fines et lumineuses. Si elle a perdu sous quelques rapports, la critique a gagné sous une foule d'autres. Je ne serais même pas éloigné de penser que, généralement, nous avons fait des progrès dans cet art difficile et entouré d'écueils. Nos devanciers s'appesantissaient trop sur la forme des ouvrages, et oubliaient l'examen du fond. Souvent minutieuse et scolastique, leur critique manquait de philosophie. Voltaire, luimême, appliquant au grand Corneille une critique de détails et de mots, paraît avoir oublié cette grande et noble critique qui embrasse l'ensemble des compositions, qui apprécie les difficultés qu'eut à vaincre un auteur, le rapproche de son siècle, et le cherchant jusque dans les essais les plus infimes, rend justice à la grandeur de la tentative, à la hardiesse même de la moins raisonnable conception. Voltaire paraît également avoir trop négligé cette autre branche de la grande critique, qui, • laissant un moment à part l'exécution, s'identifie avec la pensée dominante d'un ouvrage, en cherche, en appré

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cie le but, en calcule les résultats, et distingue, du talent qui se borne à plaire, le génie qui crée pour instruire, et qui ravit les hommes pour les agrandir et les éclairer. Il est surprenant que Voltaire, dont presque tous les ouvrages dramatiques sont inspirés par une grande et philosophique pensée, n'ait pas envisagé Corneille comme il doit être envisagé lui-même, c'est-à-dire, sous le point de vue moral et philosophique. Cet oubli ne serait pas commis de nos jours. La critique, plus élevée, juge l'homme social et le philosophe, avant d'apprécier l'é

crivain.

On saura donc gré à MM. Nodier et Lepeintre d'avoir compris plusieurs commentateurs modernes dans leur Variorum. Ils ont promis en outre des commentaires nouveaux. Cette tâche est à la fois immense et périlleuse. Le travail du commentateur exige un goût et une réserve extrêmes. H n'appartient pas à une sagacité médiocre de savoir distinguer les passages d'un auteur qui récla-` ment un éclaircissement, les formes du style qui sollicitent une explication, les parties d'une composition qui pèchent contre les règles du goût et de la raison. Le commentateur s'érige en juge de son auteur; mais sans une étincelle du feu sacré, peut-on comprendre le génie, s'initier à ses secrets, le suivre dans son vol, et s'élever avec lui? Le commentateur est essentiellement critique, et la mission du critique est la plus délicate des magis

tratures.

La première livraison de la Bibliothèque dramatique offre déjà diverses préfaces et quelques notes de MM. No. dier et Lepeintre. Ces préfaces et ces notes nous ont paru généralement judicieuses. Elles sont écrites simplement, un peu trop simplement peut-être ; mais les commenta

teurs ne nous ont pas semblé étrangers à la connaissance de l'art et aux formes d'une critique sage et mesurée. La livraison que nous avons sous les yeux se compose du premier volume de Pierre Corneille, et du troisième volume de Dancourt. L'abondance extrême des commentaires déjà connus sur les oeuvres du père de la tragédie française, imposait aux éditeurs une réserve qu'ils ont su conserver. Dancourt, moins commenté, réclamait un plus grand nombre d'annotations. Les éditeurs toutefois n'ont point abusé de la latitude qui leur était laissée. A la fin de chaque pièce, ils ont promis une espèce d'examen ou de résumé des divers jugemens portés par les bons esprits; ils offriront également des notices historiques sur ceux des auteurs dont la vie n'a point encore été écrite ces additions utiles ajoutent encore au prix de cette collection magnifique, sous le rapport de l'art du typographe; de superbes portraits doivent l'enrichir, et lui assurer ainsi un succès universel.

LÉON THIESSÉ.

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

Auteurs tragiques anglais depuis la naissance de l'art dramatique en Angleterre.

DIXIÈME ARTICLE.

Lorsque les anciens poètes de la Grèce voulaient mettre, sous la forme de drame, quelque action héroïque, soit pour obtenir la palme sur leurs rivaux aux jeux d'Olympie, soit pour ajouter à la solennité des réunions populaires par le tableau fidèle de la gloire nationale, soit enfin pour embellir les fêtes données par le magistrat d'une cité libre aux citoyens qui l'avaient librement honoré de leurs suffrages, ils ne parcouraient pas l'histoire des autres peuples, afin d'y trouver des sujets propres à exciter leurs chants. Abandonnant le reste du monde qu'ils regardaient comme esclave ou barbare, ils ne s'occupaient que du petit coin de terre que les beaux-arts et la liberté fécondaient de leur sourire régénérateur. Ils ne voyaient que le peuple, petit de nombre, mais grand de vertu, dont ils faisaient partie, le seul connu où l'on fût libre alors, le seul où l'on se montrât digne du nom d'homme, et où l'on pût se glorifier du noble titre de citoyen.

Tous les drames, offerts à l'admiration des Grecs, étaient tirés de l'histoire civile de la Grèce qui, se confondant, dans ses premières époques, avec son histoire mythologique ou religieuse, était aussi familière aux auditeurs

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