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sur le théâtre aucun état de la société, excepté celui de médecin et de procureur; car vous jugez bien que les caractères vagues de petit-maître ou de robin, ne représenteront jamais les mœurs d'un homme de cour et d'un homme de robe avec une certaine vérité. La comédie est devenue impossible en France; ce ne sont pas les honnêtes gens qui s'y opposent, ce sont les fripons qui persuadent aux sots que tout serait perdu si l'on accordait à la presse et aux spectacles publics une certaine liberté, et ils ont de bonnes raisons pour établir ce principe. Chose indubitable: si vous voyez une nation s'industrier pour multiplier les entraves de la presse et des théâtres; si vous entendez dire, à chaque moment, que la satire est un fléau qu'on ne saurait trop réprimer, comptez que cette nation est sans moeurs? comptez aussi que ses ouvrages d'art et de génie ne sauraient avoir un certain caractère de vigueur.

Que dirait donc aujourd'hui Grimm, puisqu'il s'exprimait ainsi dans un temps où l'on jouait Mahomet, et l'année même où l'on représentait le Philosophe sans le savoir, de Sedaine, pièce qu'on ne tolèrerait peut-être pas aujourd'hui, ou qui aurait du moins à subir d'étranges mutilations?

Un temps où la tragédie est si difficile et la comédie si impossible, doit être l'âge d'or de l'opéracomique; là, on n'exige ni caractères largement tracés, ni mœurs fidèlement observées. Une intrigue attachante, mais légère, un cadre où puissent s'adapter de jolis morceaux de musique, et ces airs spirituels et faciles que le public retient sans effort, et qu'il fredonne en sortant, tel est le genre un peu bâtard sans doute, mais très-agréable de l'opéra-comique. Il fut créé en France, et convient parfaitement à notre esprit capri

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cieux et léger, qui a besoin de passer rapidement d'un objet à un autre, et pour l'impatience duquel les beautés régulières et soutenues sont toujours un peu fatigantes. Eh bien ! telle est notre lassitude, que nous avons même dédaigné ce genre que toutes les nations modernes ont imité de nous ? Ce sont les bouffons italiens qui ont maintenant la vogue; on ne veut plus que de grands aria, d'éternels morceaux d'ensemble, ou des accents voluptueux qui chatouillent l'oreille sans réveiller l'esprit; on veut presque s'endormir aux sons d'une musique monotone, heureux d'échapper à la fatigue d'une minute d'attention.

Nos compositeurs français ont dès-lors voulu imiter les compositeurs italiens; le chant est devenu le principal, et le poëme l'accessoire. Les acteurs ne se sont occapés que de filer des sons et ont négligé l'art de jouer les scènes. Qu'est-il arrivé? c'est qu'ils sont restés inférieurs aux bouffons pour le chant, et qu'ils se sont mis à leur niveau pour le jeu ; de manière que l'opéra-comique français a perdu son caractère primitif, et qu'il n'est devenu qu'un triste et froid imitateur, qui a perdu ses grâces naturelles, et qui n'a recueilli que les ridicules de ses nouveaux modèles. Chose étrange! tous les opéras de Méhul, de Grétry, de Nicolo, de Berton, de Boyeldieu, se jouent sur les théâtres étrangers, qui ont accueilli avec enthousiasme ce genre agréable, tandis tandis que nous efforçons de copier et d'applaudir ce qui n'excite plus que le dégoût de nos voisins.

nous

Le second Théâtre-Français, qui heureusement pour les progrès de l'art dramatique et théâtral, vient enfin d'être rouvert, a débuté par des ouvragee lyriques traduits du français en italien, et retraduits de l'italien en français. Ces tristes parodies font cependant fureur, parce

qu'il est reçu aujourd'hui qu'il n'y a rien de bon en musique, comme en toute autre chose, que ce qui vient d'au-delà des monts.

Le second Théâtre-Français serait bien plus utile, s'il avait repris la tradition du véritable opéra - comique français, et s'il avait exploité la mine précieuse que les comédiens de Feydeau ont fait la folie d'abandonner. Il rendrait à la scène lyrique les mêmes services qu'il a rendus à la scène française; de même que nous lui devons le beau talent de Casimir Delavigne et de quelques jeunes auteurs qui marchent d'un peu loin, il est vrai, sur ses traces, il pourrait ramener ces beaux jours où les Méhul, les Lesueur, les Chérubini, les Boyeldieu et tant d'autres grands compositeurs faisaient assaut de talent sur les deux scènes rivales de Favart et de Feydeau. La lutte doit s'établir entre le second Théâtre-Français et l'Opéra-Comique, et tous les deux veulent entrer en lice avec les bouffons.

On dit que l'Odéon n'a obtenu son privilége qu'à la condition expresse de ne point jouer d'opéra français nouveau ; mais il est impossible qu'une restriction si bizarre subsiste long-temps. Pourquoi accordérait-on au théâtre Feydeau une faveur qui été heureusement refusée au Théâtre-Français? Le monopole est aussi funeste aux arts qu'au commerce. On veut, dit-on, relever l'Opéra-Comique, et le privilége achèvera de le perdre. C'est de l'émulation qu'il faut surtout lui donner; qu'on joue bien à l'Odéon, et dans six mois on jouera mieux à Feydeau.

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REGRETS

D'UN VIEILLARD GREC AU TOMBEAU DE LORD BYRON.

Sur les monts achéens que le laurier couronne,

Un soldat grec vit à l'écart ;

Ses traits, ses cheveux blancs annoncent un vieillard
Qu'un reste de gloire environne.

Il combattit long-temps, long-temps il fut vainqueur ;
Mais aujourd'hui que son bras sans vigueur
Fléchit sous le poids de sa lance,

De ses chefs triomphans il chante la valeur.
De sa retraite une sourde clameur

Vient interrompre le silence :

Son sang ému s'est glacé dans son cœur ;
Alors le vieux guerrier s'écrie avec douleur :

« Partis du pied de la colline,

» Quels sons nouveaux arrivent jusqu'à moi ?
» Est-ce le faon qu'un chasseur extermine,
» Et dont les cris exprimeraient l'effroi ?
» Ou bien la vengeanee divine

» Soufflerait-elle en sa fureur

» Le vent fougueux de la tempête?

» Ce bruit sinistre annonce la terreur,

» Et ce n'est pas ainsi qu'un long écho répète
» Les accens de détresse arrachés au malheur.

» Mais cependant, aucun nuage
»Ne se balance dans les airs.....
» Serait-ce l'éclat de l'orage
» Qui retentit dans les déserts,
» Sans prodiguer sur son passage
» Le feu des rapides éclairs ?.....

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» Peut-être aussi que le torrent s'éveille,
» Et c'est lui qui s'élance au milieu du vallon....
>> J'écoute encor.... Porté par l'aquilon

» Je reconnais ce bruit qui trappe mon oreille;
» C'est la voix de l'airain, c'est celle de la mort.
» N'hésitons plus ; de ma tribu nombreuse
» Je vole partager le sort.

>> Quand la patrie est malheureuse,

» Ses fils doivent avec transport

» Suivre la trace valeureuse

>> Des guerriers dont le noble effort

» Sait braver un trépas que la gloire accompagne.
» Mes amis, attendez! Pour mourir avec vous;
» Je descendrai de la montagne. »

Après ces mots, dans un juste courroux
Le vieillard grec a pris ses armes :

Il part et se dispose à repousser les coups
De l'ennemi qui cause ses alarmes ;

Mais il n'est point préparé pour les larmes,
Et des pleurs abondans coulent des yeux de tous.

Sur l'herbe humide et printanière

S'élève un pieux monument :

Dans sa douleur la Grèce entière

Fait entendre un gémissement;

Elle a renversé sa bannière

Et redemande vainement

Que le ciel rende à sa prière
Ce jeune barde dont naguère
Elle avait reçu le serment.

Son bras vengeur allait punir le erime

Et protéger ces malheureux climats ;

Ses accens inspirés par un élan sublime

Devaient rendre la Grèce invincible aux combats :.

Nouveau Tyrtée, il eût de ses soldats

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