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cordes suscitées par des classes rivales. Le clergé comprend la sainteté de sa mission, les laïques ne voudront pas la méconnaître. La religion n'est ni un privilége d'une part, ni un esclavage de l'autre, c'est un lien sacré et commun à tous, qui réunit dans le même giron fraternel et les pasteurs et les troupeaux, et ceux qui enseignent, et ceux qui reçoivent la doctrine.

<< Il est vrai de dire que la donation du clergé n'est pas absolue et inconditionnelle, et qu'elle n'a pas non plus été ainsi acceptée par le souverain Pontife; car nous ne pourrions en profiter au bénéfice de l'État, si nous n'en remplissions scrupuleusement les conditions expresses. Les payements doivent être faits en quinze fois, et les quatre millions d'écus ne sont donnés à l'État qu'à la charge par celui-ci de régulariser l'affranchissement de la redevance territoriale décrété l'année dernière, et de faire lever l'hypothèque prise sur les biens ecclésiastiques en garantie des bons qui sont aujourd'hui en circulation.

« Ces conditions, pour qui y regarde de près, ne sont ni singulières ni dures.

« L'État doit deux millions d'écus; aujourd'hui il les doit aux porteurs des bons du trésor : que demain, pour les retirer, on dispose de partie des biens du clergé, et admettant que tout marche au gré de nos désirs, qu'on trouve des acheteurs à

que

des conditions honorables, l'État n'aura fait changer de créanciers; les deux millions d'écus dont il est redevable aux propriétaires des bons du trésor, il en sera redevable au clergé, et deux millions d'écus d'inscriptions sur la dette publique remplaceront les deux millions de bons du trésor; eh bien! le don du clergé nous décharge de tout cela.

<< Et il ne faut pas dire que les deux millions de bons en circulation seront désormais privés de leur gage, car de deux choses l'une, ou nous escomptons en tout ou partie les quatre millions que le clergé s'engage à nous payer, et alors nous retirons de suite les bons de la circulation et l'hypothèque devient inutile, ou les Chambres décident qu'il ne faut retirer les bons qu'aux époques prescrites, et, dans ce cas, l'hypothèque n'en est pas moins nulle de plein droit, puisqu'elle n'avait d'autre objet que d'assurer par la vente des biens l'argent nécessaire pour ce rachat, argent que le clergé ne s'était pas engagé à nous donner gratuitement, puisqu'il s'était uniquement porté garant pour l'État de ladite somme de deux millions

d'écus.

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Aujourd'hui la position est différente; le clergé est le débiteur principal et direct, il a souscrit une obligation en due forme pour la somme de quatre millions d'écus, et cette obligation a

pour gage à l'appui non une certaine quotité de biens désignés, mais la totalité du patrimoine ecclésiastique qui est inaliénable. D'ailleurs, dans l'hypothèse purement imaginaire que le clergé apportât des délais dans les payements à la décharge de son obligation ou se refusât d'y satisfaire, le gouvernement ne serait pas moins certain d'en être payé aux échéances en retenant, en guise de compensation légale, une somme équivalente au montant de chacun des termes de ladite obligation sur les coupons de la rente consolidée dont le clergé est propriétaire.

<< Tout le monde sait qu'en vertu du droit commun, deux créances également certaines et liquides et payables aux mêmes échéances, se compensent mutuellement. Quant à la condition de l'hypothèque, force est d'avouer que c'est une question de dignité pour le clergé plutôt qu'une question d'intérêt pour le trésor et pour les porteurs des bons: il est donc vrai de dire qu'on ne saurait imaginer créance plus solide ni garantie plus satisfaisante les propriétaires des bons du trésor seraient pour le moins aussi certains qu'ils le sont aujourd'hui du remboursement intégral de leurs titres.

:

<< La Chambre aura à décider si, dans le cas où cela lui paraîtrait avantageux, il lui est loisible de retirer, avant les époques convenues, le papier

portant intérêt pour mettre en circulation à sa place les valeurs du clergé ne portant pas intérêt : nous ne nous arrêtons pas à cette question, persuadés que tous nos soins doivent avant tout aboutir au prompt rétablissement de la circulation métallique, offrant les valeurs du clergé aux honnêtes capitalistes qui sauront en apprécier la solidité, qualité si précieuse et si rare dans le temps où nous vivons.

<< La pensée de l'escompte que nous aurions à supporter ne nous épouvante nullement, le taux en fût-il de cinq pour cent, parce que d'abord ce serait une charge temporaire et qui diminuerait d'année en année, et parce que, déduisant le montant de l'intérêt payable sur les bons, le taux de l'escompte se réduirait à un et 3/5 pour cent.. << Quant à l'affranchissement de la redevance territoriale, la Chambre verra sans doute qu'il y a ici deux questions qu'il ne faut pas confondre, car elles sont bien différentes : la question du droit et la question de finances.

« Personne ne nie, en tout cas nous ne nions pas, que l'affranchissement d'une propriété de tout tribut et la simplification du domaine est une chose utile et désirable; c'est un principe généralement reconnu et incontesté, c'est au droit civil à le sanctionner soit par une loi spéciale, soit en le comprenant dans les changements à faire quand

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il s'agira de la réforme générale des lois civiles; mais qu'a de commun cette règle de prudence et de bonne administration avec l'édit qui dit aux possesseurs du sol (1): Renoncez au droit de redevance, à la condition que moi, trésor public, je prends l'argent de celui qui s'affranchit de ladite redevance, et qu'au lieu de cet argent je vous donne une inscription de rente au pair?

<< Certes, personne ne maintiendra que les deux questions soient identiques et inséparables. Le pouvoir législatif pourra, à sa volonté, décréter l'affranchissement de ce droit de redevance et établir parmi nous le principe que toute rente perpétuelle ou pour ainsi dire perpétuelle est rachetable à d'équitables conditions. Le clergé, comme propriétaire de revenus de cette nature, devra se sou ́mettre à la loi. Mais qui pourrait s'étonner de voir que le clergé, donateur volontaire de quatre millions d'écus, demande que l'on cesse de lui appliquer une opération financière qui n'est en substance pas autre chose qu'un emprunt forcé et indirect?

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(1) Le possesseur du sol s'appelle dans l'État romain Direttario, la redevance qui lui est due de la part de celui qui fait bâtir une propriété quelconque utile est ce qu'on appelle canone : le propriétaire du domaine utile peut, moyennant une somme une fois donnée, s'affranchir de cette redevance ou canone. De là les mots Libera di canone que l'on voit gravés au-dessus d'un grand nombre de maisons à Rome.

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