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Ciceruacchio, l'apprenant, accourut chez lui avec sa bande d'émissaires, et tous réunis contre un pauvre prêtre, ils l'accablèrent d'injures; l'un d'eux même allait se porter à des actes de violence, lorsque le vénérable curé, présentant sa poitrine au-devant du coup, s'écria: «Frappe donc, malheureux, frappe, et repaie-toi de mon sang je ne redoute point la mort! mais toi, crains les jugements de Dieu.» L'énergie avec laquelle ces paroles furent prononcées désarmèrent ces hommes exaspérés qui cependant brisèrent quelques objets du presbytère, et s'élancèrent vers la porte de la basilique pour déchirer la nouvelle affiche posée par le curé.

De Sainte-Marie-Majeure, cette bande de furieux s'était portée chez le curé de Saint-Celse qui, le premier, avait osé lire, du haut de la chaire sacrée, la menace d'excommunication; mais ne trouvant point chez lui ce vieillard dont la vie est une longue suite de bonnes actions, Ciceruacchio tourna sa rage sur l'humble habitation du prêtre octogénaire, il la fit ravager de fond en comble.

Le soir de ce jour-là, lorsque la ville entière gémissait en silence devant ces scènes d'horreur autorisées par l'inaction et la complicité d'un pouvoir usurpateur, des gardes civiques formaient volontairement une patrouille, se faisaient donner le mot d'ordre par un caporal de service, et suivis

par un jeune enfant portant sous son manteau des exemplaires de la protestation papale, ils les lui firent placarder à la porte de toutes les églises, aux coins de toutes les rues, sur les murs des principaux édifices, de telle sorte que, le lendemain matin, le peuple, à son réveil, put lire en son entier le décret qu'on voulait empêcher d'arriver à sa connaissance.

Cet acte de courage qui constituait, pour ainsi dire, avec l'accomplissement d'un devoir, une protestation contre l'action passive du peuple romain, n'était malheureusement qu'un fait isolé. L'attitude que les feuilles radicales prirent en cette circonstance, mérite d'être signalée. Les unes, l'Epoca fut de ce nombre, feignant d'ignorer les termes du décret, demandaient ironiquement s'il ressemblait à ceux qu'on avait l'habitude d'envoyer autrefois contre les détenteurs des antiques domaines de l'Église. Les autres entamant, comme le Contemporeano, une thèse théologique, cherchaient à donner le change en disant : « Nous demandons aux hommes et au ciel si nous avons mérité d'être retranchés de la société chrétienne et de la loi d'amour et de liberté, pour avoir voulu être indépendants et libres. >>

Et, chose étrange! qui prouve la mauvaise foi des révolutionnaires! ces dialecticiens, plus méprisables encore quand ils se servaient de la plume

que lorsqu'ils brandissaient le poignard, ces rhéteurs qui, dans leur impuissante colère contre le grand acte de Pie IX, descendaient aux plus grossières injures et se servaient des arguments les plus absurdes, étaient les mêmes hommes qui naguère suppliaient le Saint Père de fulminer, contre les armées chrétiennes de l'Autriche, l'arrêt suprême dont ils ne subissaient encore que la menace.

Quant aux ministres, oubliant que, pour avoir voulu être libres, on avait assassiné un ministre, on avait assiégé le pape dans son palais, tourné des canons contre sa demeure, massacré un de ses prêtres, ils osèrent déclarer que le décret du Saint Père était une haute provocation!

Pendant que ces débauches politiques et ces orgies révolutionnaires se passaient à Rome, le général Zucchi, membre de la commission du gouvernement, adressait de Gaëte un ordre du jour à toutes les troupes pontificales. Cet ordre faisait connaître aux officiers et soldats, une lettre le Saint Père lui avait adressée. Il contenait, que de plus, un appel à la fidélité de l'armée. « La devise du soldat, disait-il en terminant, est : honneur et fidélité! >>

Les journaux démocratiques, ayant eu connaissance de cette proclamation, cherchèrent à prévenir les conséquences qui pouvaient en résulter, en la tournant les uns en ridicule, les autres en

en faisant un flambeau de guerre civile. «< De tels actes, disait la Constituante italienne, n'ont pas besoin de commentaires, ils émanent d'un fou ou d'un homme pervers. » Quoi qu'il en soit, ils n'osèrent point la publier; au contraire, d'accord sur ce point avec les ministres, ils firent tous leurs efforts pour l'empêcher de parvenir à la connaissance des troupes.

Le gouvernement révolutionnaire, ressentant la portée du coup terrible dont l'avait frappé le dernier acte du souverain Pontife, essaya d'en atténuer l'effet immédiat en décrétant une mesure qui rappelle les plus mauvais jours de la Révolution française. En effet, les ministres, après avoir ordonné l'organisation d'un bataillon universitaire pour s'en faire une garde prétorienne, institua une commission de salut public.

En même temps, un décret de la commission gouvernementale, assignant le palais Madama au comité de salut public pour le siége de ses opérations, adjoignait au préfet de police MM. Maggiore, Mattia, Montecchi et Cartani.

Ainsi, deux mois ne s'étaient pas encore écoulés depuis le départ du souverain Pontife, que le peuple romain, passant par le crible révolutionnaire, était arrivé au joug de la plus abjecte tyrannie. Malheureux peuple! il était destiné à descendre rapidement, sans transition, tous les degrés de la ser

vitude et de la terreur! Le jour où la révolte armée avait remplacé Pie IX au Quirinal, le despotisme avait pris la place de la liberté.

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