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l'Angleterre, attiré par les acclamations de la rue, parut à son balcon ; à sa vue, les cris de Vive lord Minto! se firent entendre de toutes parts; ils redoublèrent d'intensité lorsque le lord, mettant la main sur son cœur et levant les yeux au ciel, s'écria pathétiquement: Vive la ligue italienne! vive l'Italie! vive l'indépendance des Italiens! vive Pie IX!

Un bal magnifique donné par le prince Torlonia dans la salle du théâtre qui lui appartient, devait terminer cette soirée et faire honneur à la générosité du riche banquier. Les révolutionnaires, inspirés par le sentiment de la jalousie, voulurent enlever au prince le mérite de son action en le forçant en quelque sorte à taxer, au profit d'une salle d'asile, les billets d'entrée et les rafraîchissements qu'il offrait à tous les invités. L'affluence fut considérable. Parmi les personnages d'élite qui se mêlèrent à la foule, on remarqua le ministre de Toscane paradant en grand uniforme, et lord Minto fraternisant avec Ciceruacchio. Un seul homme se distingua par son absence: ce fut l'ambassadeur français comte Rossi. La France, qui avait tant encouragé la politique de Pie IX, commençait à s'apercevoir que le but était dépassé.

Cette journée éclaira tous les doutes que l'on pouvait avoir sur le caractère de Pie IX et sur la pensée de ses réformes politiques. Son discours

d'ouverture de la consulte, improvisé à l'instant même et par conséquent ignoré de ses ministres, dissipa d'un seul coup les craintes, les soupçons sur les intentions secrètes du souverain et en même temps les coupables espérances que le parti contraire fondait sur la prétendue faiblesse du pontife. En effet, les terreurs des uns et les espérances des autres se trouvèrent sans valeur du moment que le pape, après avoir fait appel à l'élite de ses sujets, protesta solennellement contre les tentatives subversives en déclarant qu'il n'entendait aucunement partager les droits de sa souveraineté.

Cette allocution, énergique par la pensée et par l'intonation de la voix qui l'avait reproduite, consterna les meneurs des sociétés secrètes. L'un d'eux, Sterbini, se mentant à lui-même, s'était écrié en descendant les marches de l'escalier: Mais qui donc pense à partager les pouvoirs de cet excellent homme? Si, dans ce moment, Sterbini avait pu rencontrer, sous la pression de sa main, l'ombre d'une conscience honnête, une voix intérieure lui aurait répondu : Tu demandes quel est celui qui pense à partager le pouvoir de Pie IX? c'est toi. En effet, Sterbini était l'un des membres les plus avancés dans le secret de la conspiration contre le Saint Siége. Quelques mots sur cet homme.

Né à Vico, dans les montagnes des Herniques, près d'Allatri et Fumone, d'une famille honnête, possédant pour unique fortune quelques arpents de terre, Sterbini montra dès sa plus tendre enfance ce qu'il serait dans l'âge mûr. Jaloux et méchant, la laideur de son visage réflétait les instincts vicieux de son âme. Envieux de toute supériorité, il se révoltait contre lui-même dans sa nullité; ennemi de toute autorité, il se formait au rôle de conspirateur en complotant à l'ombre du foyer domestique contre le bonheur de sa propre famille; honteux de son origine plébéienne et de la modicité de son patrimoine, il préludait au communisme par le mépris des grands et par la haine contre les riches. Tout ce qui marchait dans la vie sur une route plus élevée que la sienne, lui faisait ombrage; alors ne voulant pas être au dernier rang dans les sentiers du bien, il s'empara de la première place dans la voie du mal. Politique médiocre, orateur véhément mais superficiel, versificateur plutôt que poëte, écrivain sans originalité, médecin sans clients, Sterbini, après avoir exercé quelque temps la médecine à l'hôpital de Santo-Jacomo degli incurabili à Rome, s'était mis au service des sociétés secrètes. Alors dans ses mains la plume remplaça le scalpel, et le disciple d'Hippocrate, devenu rhéteur, fit de son cabinet consultant un amphithéâtre où chaque jour il

disséquait avec ardeur les lois de la famille, les principes de la société et les dogmes de la religion : de cette manière, changeant d'instrument et non de métier, il travailla en grand sur la société comme sur un cadavre. L'un des premiers bénéficiaires de l'amnistie accordée par Pie IX, il conspirait ouvertement contre son bienfaiteur.

Vers cette époque, la presse oubliant la sainteté de sa mission, commençait à se livrer aux excès les plus déplorables. Les journaux dépassant les limites du droit commun, regardaient comme une atteinte portée à la liberté la compression de leur licence. Bravant la censure, ils protestaient contre la justice de ses arrêts en indiquant avec intention, par des lignes de points jetés sur l'espace blanc de leurs feuilles, les passages condamnés par les censeurs.

Le journal de Sterbini, le Contemporaneo, organe patenté de la révolution, était le pourvoyeur en chef de tous les scandales. Non content d'épiloguer les actes du gouvernement, il fouillait avec sa plume dans l'intérieur de la famille. Indépendamment des nombreux journaux qui recevaient aveuglément chaque jour leurs inspirations, les révolutionnaires possédaient une presse occulte dont ils se servaient soit pour déverser le blâme et la menace, soit pour donner des avis. Les murs des maisons, les bornes des rues daguerréotypaient

leurs perfides élucubrations. Trop intelligents dans la science du mal pour oser s'attaquer de front à la papauté, ils la minaient sourdement dans la personne de ses agents. Pour arriver plus sûrement à Pie IX, ils battaient en brêche son entourage, ils l'isolaient dans son pouvoir en jetant le doute sur ses pas et la défiance dans son cœur. C'est ainsi que quelques mois avant et le jour même de la fête de saint Pierre, ils avaient placardé partout sur le passage du Saint Père se rendant à l'église Vaticane, un avis indirect ainsi conçu :

LE PEUPLE ROMAIN AIME DANS PIE IX

LE PÈRE DU PEUPLE, LE PRINCE JUSTE ET MAGNANIME,
IL NE SE FIE QU'EN LUI, EN LUI SEUL.

<< Très-saint Père, s'il en est qui mettent en doute notre fidélité et l'attachement qui nous anime tous pour votre personne, s'il en est qui osent nous désigner comme difficiles, inquiets irréligieux, en un mot comme indignes de vous, défiez-vous de tels gens, très-saint Père. Ils sont plus vos ennemis que les nôtres propres. dent à vous précipiter, ainsi que nous, dans un abîme. Mais Dieu veille, ce Dieu que ces gens ont toujours sur les lèvres, mais jamais dans le cœur.... ce Dieu qui vous a élu pour régénérateur du peuple, très-saint Père. Les autres princes

Ils ten

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