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tout mouvement tumultueux, que la population romaine travaille à s'assurer les réformes dont elle a besoin. Les hommes considérables et éclairés qui vivent au sein de cette population s'appliquent à la diriger vers son but par les voies de l'ordre et par l'action du gouvernement. Le pape, de son côté, dans la grande œuvre de réforme intérieure, la réforme qu'il a entreprise, déploie un profond sentiment de sa dignité comme chef de l'Église, de ses droits comme souverain, et se montre également décidé à les maintenir au dedans et au dehors de ses États. Nous avons la confiance qu'il rencontrera, auprès de tous les gouvernements européens, le respect et l'appui qui lui sont dus; et le gouvernement du roi, pour son compte, s'empressera, en toute occasion, de le seconder selon le mode et dans la mesure qui s'accorderont avec les convenances dont le pape lui-même est le meilleur juge.

« Les exemples si augustes du pape, la conduite intelligente de ses sujets, exerceront sans doute en Italie, sur les princes et sur les peuples, une salutaire influence, et contribueront puissamment à contenir, dans les limites du droit incontestable et du succès possible, le mouvement qui s'y manifeste. C'est le seul moyen d'en assurer les bons résultats, de prévenir de grands malheurs et d'amères déceptions. La politique du gouvernement

du roi agira constamment et partout dans le même dessein. >>

La France, que les révolutionnaires italiens, aux jours des déceptions qu'elle leur a prédites, accusèrent de trahison ou tout au moins de déloyauté, ne veut pas qu'on se méprenne sur ses intentions; elle insiste sur les avertissements qu'elle donne, sur les avis qu'elle suggère; elle se croirait coupable, la France! de donner de fausses espérances à des tentatives qu'elle regarde comme impuissantes, irréalisables, insensées. Que de sang versé inutilement eût été épargné! que de ruines sans résultat eussent été évitées, si sa voix prophétique n'avait pas été étouffée par la voix orgueilleuse des

sociétés secrètes!

Comme on le voit, ce langage ferme, loyal, précis et digne de la France, ne pouvait laisser aucun doute sur la nature des intentions de son gouvernement à l'endroit de l'indépendance italienne; il indiquait clairement l'attitude que, dans les prévisions d'une catastrophe prochaine, la France se réservait pour les éventualités de l'avenir. Il en était temps encore; la politique de la France, si bien définie cette fois par M. Guizot, pouvait préserver l'Italie des malheurs qui la menaçaient. Mais au-delà des Alpes, les clameurs des révolutions, plus fortes que les conseils de la raison, grondaient surexcitées par l'accord des plus

mauvaises passions; la voix de la France se perdit dans les bruits de la tourmente révolutionnaire.

L'année 1848 s'ouvrit sous les plus sinistres auspices. Dans la soirée du 31 décembre, des rapports d'une nature inquiétante étaient parvenus à la connaissance du gouverneur de Rome; des rassemblements hostiles, disait-on, s'étaient formés dans les divers quartiers de la ville; l'ordre public se trouvait en péril; les agitateurs étaient en permanence; le peuple en masse s'irritait des ordres que le Saint Père avait donnés pour empêcher les démonstrations dont il était le héros ou plutôt la victime...., etc., etc. Rien de précis ne justifiait encore ces appréhensions; mais, le lendemain, des bruits plus alarmants circulent dans la foule : Pie IX est prisonnier dans son palais; les cardinaux, ses geôliers, le ravissent à l'amour du peuple; le Quirinal doit être attaqué.... Cette panique, habilement exploitée par les agitateurs, circule avec la rapidité de l'éclair; aussitôt les portes du palais se ferment; des troupes nombreuses en occupent les cours; des dragons, le sabre au poing, en gardent les abords; les Suisses se retranchent dans l'intérieur; les patrouilles sillonnent les rues; les agents provocateurs accroissent l'irritation des masses; toute la ville est en ébullition; le pape, seul, isolé dans la paix de sa conscience, retiré dans le silence de son oratoire, prie le Sei

gneur de bénir son peuple; il élève ses mains suppliantes au ciel, tandis que les flots de la tempête populaire se brisent aux portes de son palais.

Cependant le prince Corsini, sénateur de Rome, se transporte au Quirinal et obtient du Saint Père la promesse que le lendemain, se rendant aux voeux de la population, il réparerait, par une promenade dans la ville, un malentendu causé par la malveillance de faux rapports. Cette nouvelle, rapportée par le prince, ramène aussitôt le calme dans les esprits; le peuple s'écoule paisiblement, et les révolutionnaires s'applaudissent d'avoir gagné un point de plus dans la partie où se trouvent engagés les droits du Saint-Siége, la sécurité de l'État, le bonheur public, la liberté elle-même.

Fidèle à sa promesse, le Saint Père sortit le lendemain du Quirinal avec une simple escorte de quatre gardes-nobles, prouvant ainsi la confiance qu'il avait dans l'amour et la fidélité de son peuple. Cette fois encore, il fut accueilli sur son passage par les démonstrations les plus vives; la joie brillait sur tous les fronts, le bonheur régnait dans toutes les âmes. Le pape s'apprêtait à rentrer dans son palais, déjà même il se trouvait au Corso à l'embranchement de la rue des Condotti, lorsque tout à coup une tourbe de gens à figures sinistres se précipite sur les pas du cortége, clamant : Vive Pie IX! et vociférant les cris de: A bas le gouver

neur! à bas Savelli! à bas la police! mort aux rétrogrades! à bas les jésuites! Ciceruacchio, se détachant de la tourbe, s'élance derrière la voiture pontificale; sa main agite un immense écriteau sur lequel se trouve cette inscription tracée en grosses lettres: Courage, Saint Père, le peuple est avec vous; sa voix, avinée et retentissante, répète l'inscription du drapeau; les hurlements de la populace redoublent, et le pape perd connaissance dans la rue des Trois-Canelles.

Le lendemain, les journaux du mouvement annoncèrent que le pontife, reconnaissant de l'amour de son peuple, s'était évanoui par tendresse. Ce jour-là même, le gouvernement romain publia, par l'organe du journal officiel, des explications sur la nature des causes qui avaient motivé ses ordonnances contre les manifestations de la rue. Après avoir démontré que les ennemis de l'ordre se prévalaient de toute circonstance pour entretenir une agitation nuisible à la société et fatale aux véritables intérêts du pays, le gouvernement exprimant sa satisfaction pour les marques de reconnaissance que le peuple s'empressait de donner chaque jour au chef de l'État, le suppliait de s'abstenir désormais de toute manifestation bruyante et désordonnée.

Les sociétés secrètes, encouragées par l'impunité, opposaient ouvertement le gouvernement de

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