Images de page
PDF
ePub

graphie, nous savons que l'opinion des Orientaux ne peut être admise. La Nonni, qui est la seconde source de la Soungari, étend son réseau d'affluents au nord, pour ainsi dire, sur tout l'espace compris entre les monts Khingan et le fleuve Amour, dont les tributaires, sur la rive droite, sont presque insignifiants; la Soungari proprement dite se forme par des sources assez nombreuses et trèséloignées les unes des autres, descendant des flancs de la chaîne qui sépare au nord la Corée de la Mandchourie. Ce sont des réseaux montagneux dépendant de cette même chaîne, qui séparent les eaux de la Soungari de celles de l'Oussouri; celle-ci est la rivière de la région littorale. Son cours principal, dirigé du nord au sud, sert aujourd'hui de frontière à la Mandchourie chinoise; au delà, on est en pays russe.

Après avoir reçu les eaux de l'Oussouri, qui augmentent encore considérarablement son débit, l'Amour suit une direction au nord qui est la continuation du cours de l'Oussouri; mais à mesure qu'il remonte ses allures changent, sa vallée se rétrécit de nouveau sensiblement; le pays devient accidenté et en même temps perd peu à peu son aspect riant et animé. C'est que le fleuve, après avoir, par la grande courbure qu'il décrit vers le sud, visité des régions fertiles et des latitudes tempérées, regagne avant de se jeter dans la mer la zone relativement rude de laquelle il est parti.

Le principal cours d'eau du bassin méridional de la Mandchourie est le Liaoho; dans son cours supérieur, il porte le nom de Clara-Mouren. Sa source principale prend naissance en Chine, sur les confins de la Mongolie, au delà des monts Khingan, non loin d'un mont Pei-tela, haut de 2700 mètres; presque tous ses affluents sont des rivières chinoises, bien que son cours, qui est presque exactement orienté tout d'abord de l'ouest à l'est, serve de limite aux deux pays : c'est dire qu'il ne reçoit presque pas de tributaires sur la rive gauche. C'est que de ce côté il suit la limite méridionale du Gobi oriental, non moins aride que le Chamo proprement dit. Les montagnes de Moukden, s'opposant au passage du Chara-mouren, le rejettent brusquement vers le sud. Après s'être infléchi à angle droit, il prend le nom de Liao-ho et se dirige vers le fond du golfe de Liao-toung. Son embouchure est perpétuellement encombrée de dépôts d'alluvions, qui continuent même aujourd'hui à se déposer abondamment.

Parallèlement au cours du Liao-ho, le Jalou-kiang, dont la vallée, assez étroitement enserrée au milieu d'un pays accidenté, sert, de la source à l'embouchure, de limite entre la Corée et la Mandchourie chinoise, se rend au fond du golfe de Corée. Un petit cours d'eau, dirigé en sens inverse, complète cette limite; il va aboutir au fond de la baie Victoria, dans la mer du Japon.

En résumé, comparée à la Mongolie, la Mandchourie est un pays luxueusement pourvu d'eau courante; elle possède un des plus beaux fleuves. Nous avons signalé au centre une contrée marécageuse; néanmoins, contrairement au reste de l'Asie moyenne, la Mandchourie est dépourvue de bassins fermés; les lacs y sont rares, et l'évaporation, le grand fléau de l'Asie centrale, y est contenue dans des limites assez restreintes pour qu'elle ne constitue pas un danger.

CLIMATOLOGIE. Il est bien dificile, pour ne pas dire impossible, de ramener à des caractères généraux les conditions climatologiques d'une immense étendue de pays comme l'Asie moyenne, dans laquelle on trouve tous les contrastes de la nature physique, les déserts les plus grands et les plus arides, entourés de bordures de montagnes aux peutes relativement fertiles, les plus formidables

voussures de la croûte terrestre alternant avec des plaines basses et de vastes réservoirs d'eau, dont le niveau peut descendre bien au-dessous de celui de la mer. Néanmoins, il est certains faits dominants qui ont depuis longtemps déjà frappé tous les observateurs, et avant tout le caractère excessif du climat de l'Asie centrale; ce caractère ne se modifie que dans les altitudes élevées, dans les hautes vallées et dans la province orientale de la Mandchourie, dont le climat devient relativement modéré. Les écarts possibles entre les températures extrêmes sont réellement extraordinaires; ils peuvent dépasser 70 degrés centigrades, puisqu'on voit assez fréquemment le thermomètre monter à l'ombre au-dessus de 40 degrés centigrades, que Prjévalski le vit plusieurs fois atteindre 45 degrés centigrades dans l'Ala-chan, tandis que, pendant les jours les plus froids de l'année, il peut marquer - 25 degrés et même - 35 degrés centigrades. Il est telle des portions de ce vaste ensemble où la température moyenne du mois le plus froid est de 10 ou même 15 degrés centigrades, tandis que celle du mois le plus chaud peut atteindre 23 degrés ou même 25 degrés centigrades.

Nous avons indiqué, à propos du régime hydrographique de l'Asie moyenne, et particulièrement de l'Asie centrale, l'asséchement graduel du pays, par la diminution constante de l'importance des cours d'eau et des lacs, comme un des phénomènes les plus frappants de la géographie physique du pays. Cet asséchement, qui est dû à une prépondérance séculaire de l'évaporation sur l'imbibition du sol par les pluies, a pour corollaire une sécheresse extrêmement marquée de l'atmosphère, sécheresse telle, dans les régions centrales surtout, qu'elle rend parfois la respiration presque impossible.

Il faut encore signaler, parmi les particularités de la climatologie de ces étranges pays, le contraste extraordinaire qui existe entre les conditions météorologiques de contrées relativement peu éloignées l'une de l'autre, sans que ce contraste qui ne peut s'expliquer par la distance des latitudes, s'explique mieux par des différences d'altitude.

Nous en trouvons justement un exemple dans le littoral de la mer Caspienne; la remarque en est due à M. de Khanikoff. Ce savant observateur a, en effet, signalé l'énorme discordance qui existe entre le climat de la rive septentrionale de cette mer, sur laquelle l'onagre a peine à vivre pendant la saison froide, et celui de la rive méridionale où le tigre du Bengale abonde dans les forêts de la province du Mazandéran. Au nord, le froid est tel, que la partie septentrionale de la mer Caspienne reste gelée pendant de longues semaines, tandis que rien de semblable ne se présente jamais dans la partie méridionale, ou tout est en fleurs avant que les glaces du nord aient complétement disparu. Une égale dissidence existe pour la végétation; au sud, on cultive la canne à sucre; les palmiers s'élèvent en pleine campagne; au nord, il n'est pas rare de voir les vignes saisies par la gelée, avant que le raisin ait eu le temps de mùrir. La même remarque pourrait s'appliquer aussi au lac d'Aral, au moins dans une certaine mesure. La partie septentrionale, celle que les riverains nomment la petite mer, est complétement prise par les glaces pendant plusieurs mois de l'hiver, tandis que le reste du lac ne se prend que sur une étroite bande le long des côtes. Les étés s'y passent tout entiers sans pluie, et la température pendant cette saison y est accablante, malgré la fréquence de grands vents du nord; elle atteint 37 degrés centigrades; en hiver, le thermomètre marque jusqu'à 20 degrés centigrades, et même, d'après Butakof, qui passa sur le

bas laxartes quatre hivers et huit étés, la température extrême peut atteindre -33 degrés centigrades. La persistance des mêmes vents soufflant avec intensité explique peut-être la salubrité relative de cette contrée, même dans les deltas de ses fleuves, dont les effluves miasmatiques se trouvent ainsi sans cesse balayées. Sur les hauteurs voisines du lit du fleuve, la neige et encore plutôt la pluie sont rares; la sécheresse y domine. Les grands froids commencent avec le mois de novembre; à la fin de ce mois, le fleuve est presque toujours couvert de 6 ou 7 centimètres de glace, qui ne disparaît qu'en avril. Il peut arriver pourtant, mais exceptionnellement, que les hivers soient moins rudes: ainsi, en 1854-1855, les grands froids furent très-courts; le thermomètre ne s'abaissa pas au-dessous de 17 degrés, et cela pendant quelques jours seulement, le temps restant brumeux.

Il résulte des observations de M. de Ujfalvy et des renseignements que lui ont fournis les voyages de Bektchourine que ce qui vient d'être dit peut s'appliquer à toute la partie du bassin du Sir-daria jusqu'aux régions montagneuses du Zerafchân et du Ferghana; dans les plaines, la température annuelle varie de+ 45 degrés à 25 degrés; pendant neuf mois consécutifs, la steppe ne reçoit pas une goutte d'eau. Les districts protégés par les montagnes sont soumis à de moindres rigueurs; les vallées encaissées sont plus tempérées, elles reçoivent temporairement de grandes abondances de neige et de pluies. En général, le climat est assez sain; à Khodjend, il est réellement salubre; l'été, tout à fait chaud pourtant, commence même avant le mois de mai, il est suivi par la période des pluies qui va jusqu'en décembre; alors tout le sol est couvert de fange, et certains lieux sont impraticables. L'hiver, qui ne dure guère que deux mois, est très-rigoureux (Ujfalvy, Expédition scientifique, etc., t. II, p. 13, note). A Tachkend, situé un peu au nord de Khodjend, la sécheresse de l'air est souvent, d'après Severstzoff, presque complète. Des observations météorologiques faites dans cette localité par Struve il résulte les chiffres suivants pour les quatre mois de l'hiver en décembre, température maxima + 16°,5, température minima - 4 degrés, température moyenne +6o,5; en janvier, température maxima ++11 degrés, température minima - 10 degrés, température moyenne +0°,4; en février, température maxima + 18 degrés, température

-12°,6, température moyenne +2°,7; en mars, température maxima +23°,7, température minima 14°,2, température moyenne +4°,5. Le dernier jour de froid observé fut le 6 mars; il y eut 3,7; dès le 4 avril, le thermomètre marqua +22 degrés centigrades. Il y eut en décembre sept jours de pluie ou de neige, treize en janvier, huit en février, quatorze en mars; les orages commencent dès la fin de février et sont parfois très-violents. C'est surtout pendant les grands froids et les plus mauvais temps que le baromètre

monte.

A Khiva, et dans le bassin inférieur de l'Amou-daria, les étés sont également très-chauds et très-secs; les hivers assez rudes, sont courts; les arbres se couvrent de feuilles dès le mois de mars, les pluies sont assez fréquentes d'octobre à avril; les mois les plus humides sont, d'après Basiner, décembre et janvier; il peut tomber à Khiva 6 centimètres de neige dans un jour, mais il est rare qu'elle persiste longtemps. Les vents de l'ouest dominent au printemps, ceux de l'est pendant le reste de l'année; mais on observe fréquemment dans les couches supérieures de l'atmosphère des nuages dont la marche indique des courants inverses. La température moyenne en octobre est de 12 degrés

[ocr errors]

centigrades environ, celle de novembre de + 7 degrés, celle de décembre de - 2o,5. Basiner observa comme minimum le 22 décembre - 23o,7, tandis que le 26 octobre le thermomètre avait marqué 33 degrés centigrades. En janvier, l'Amou-daria était couvert d'une couche de glace de 40 centimètres. Néanmoins, le climat du pays de Khiva n'est en somme ni très-rude, ni insalubre, à l'exception de la ville même. Celui de la Boukharie est très-supportable, ou plutôt agréable; le pays est salubre; à Boukhara, la température moyenne de janvier est de 3o,7, celle d'octobre de 16 degrés; au milieu de l'été, le thermomètre ne monte guère au-dessus de 32 degrés. Le froid ne commence qu'à la fin de novembre; dès le mois de février, les arbres commencent à bourgeonner, le ciel reste très-clair pendant tout l'été; les saisons sont d'une régularité parfaite.

Par la province du Ferghana, formée de l'ancien Khanat de Khokand, nous pénétrons dans les régions essentiellement montagneuses et accidentées; les conditions du climat y varient d'un district à l'autre. Une ceinture de grandes chaînes limite le pays, au milieu duquel une dépression notable reçoit de nombreuses rivières; indépendamment de cette zone inférieure partagée en deux bandes par les cours d'eau, il faut admettre de part et d'autre une zone moyenne et une zone élevée; le climat, rigoureux dans les deux dernières, est tempéré dans les deux moyennes; il conserve dans la zone inférieure les caractères excessifs du versant aralo-caspien. A Marghilan, le thermomètre marque à l'ombre jusqu'à 40 degrés; néanmoins les orages y sont très-rares. Le voisinage des montagnes donne à Andijan et à Namangan un climat beaucoup plus tempéré; celui d'Osch est délicieux, la température y est de 25 degrés, quand elle atteint +55 degrés ou + 40 degrés dans les localités voisines. A Khokand même, il fait très-chaud et très-sec. Dans toutes ces régions, le froid atteint en hiver 15 degrés ou rarement - 20 degrés centigrades. Dans les zones moyenues, les orages sont assez fréquents, mais la température reste toujours tolérable; le voisinage des montagnes modère la rigueur des vents en hiver. Dans les zones extrêmes, le froid est très-vif, les pluies abondantes en automne; la glace et la neige épaisses en hiver. Le bassin du Kara-koul est une contrée stérile et désert, balayée par les ouragans (Ujfalvy, op. cit., t. I, p. 49, 50). Le vent brûlant de la vallée du Sir-daria, le Gharmsal, inconnu dans le Ferghana, désole parfois au contraire la vallée du Zérafchân. La province de ce nom, située entre le Ferghana et la Boukharie, est un pays plus tempéré que le Ferghana et d'un climat moins heurté: le froid n'y dépasse guère 15 degrés centigrades et la chaleur maxima y est de 31 degrés centigrades; les extrêmes de température annuelle se rapprochent à mesure qu'on remonte dans la vallée. D'après M. de Ujfalvy, le printemps commence en février et dure jusqu'au 15 avril; l'été et l'automne se prolongent jusqu'au 15 novembre et même quelquefois jusqu'au 15 décembre; les vents d'est dominent en été, ceux d'ouest en hiver. Le Zérafchan et le Ferghana doivent être regardés comme des pays salubres. Dans le district de Karatégin, région montueuse incorporée à la Boukharie, le climat est très-dur et la température rigoureuse; les communications avec les pays voisins n'existent qu'en été; en hiver, la neige atteint 4 mètres d'épaisseur, et les villages sont isolés les uns des autres. Le climat est beaucoup plus doux et beaucoup plus salubre dans le Badakchan, où les vents d'est règuent pendant six mois de l'année. On sait pen de chose concernant le climat des régions de l'Alaï et du Transalai, sinon que

de vastes étendues de neige couvrent leurs cimes pendant une partie de

l'année.

Au pied des contre-forts orientaux du plateau du Pamir, dont les solitudes accidentées sont exposées aux plus dures intempéries, commence le Turkestan oriental. La région fertile située à l'est de la vaste dépression a été improprement nommée petite Boukharie; c'est le pays de Kachigar, de Yarkand, de Khotan, etc. Malgré sa grande étendue, le climat y est d'une remarquable uniformité; nous en indiquerons les principaux caractères d'après Valikhanoff. Il faut distinguer tout d'abord le climat de la plaine de celui des montagnes qui en forment l'enceinte. Celles-ci restent couvertes de neige pendant une grande partie de l'année; dans les vallées des pentes, elle résiste jusqu'au mois de juin ; l'humidité persiste pendant toutes les saisons. Dans la plaine, au contraire, les rivières sont partout bordées d'une végétation luxuriante, activée par une température favorable. Au commencement d'octobre, M. Valiklianoff' constata une température de 27 degrés centigrades. Vers le 15 novembre les nuits deviennent plus froides, et la chute des feuilles commence; la neige apparaît en décembre et janvier; le thermomètre pendant tout ce temps o-cille autour de zéro. La température se relève à la fin de février, les premières feuilles apparaissent au milieu de mars; le printemps est en réalité un peu plus tardif que dans les vallées du Ferghana. L'été est très-chaud; l'automne, médiocrement pluvieux, conduit à l'hiver par une transition graduelle, tandis que le printemps succède brusquement à la saison rigoureuse. Les vents dominants sout ceux de l'ouest et du nord-ouest, surtout au commencement de l'année. A Yanisvar, à Yarkand, à Khotan, les conditions climatologiques sont à peu près les mêmes qu'à Kachigar. A Khotan, l'hiver est souvent un peu plus doux. A Turfan, à Ak-sou et surtout à Bai et Saïram, qui sont plus rapprochées des montagnes, les étés sont moins chauds et les hivers plus pénibles. Mais partout la végétation est luxuriante, et le pays est célèbre par l'abondance des fruits de tous genres. Dans le bassin inférieur du Tarim, et autour du lac de Lob-nor, les hivers sont beaucoup plus rudes, et Prjévalski, malgré une intrépidité qui lui faisait braver tous les dangers et surmonter tous les obstacles, fut contraint de quitter les lieux plutôt qu'il n'en avait l'intention. Le froid avait atteint 27 degrés centigrades, et il lui devenait impossible de se procurer de l'eau.

La Dzoungarie, vaste contrée, accidentée de hautes montagnes, de grandes steppes, de vallées profondes, située au nord du Turkestan oriental, dont la séparent les monts Thin-chan, est beaucoup moins favorisée; on y retrouve le climat excessif, si répandu dans l'Asie moyenne. Dès le mois d'avril, la température s'elève rapidement; en juillet et août, elle est insupportable; les cours d'eau s'épuisent. Mais, dès le mois de septembre, le sol se ccuvre d'une neige abondante, les cours d'eau sont gelés en novembre et pendant des mois entiers; le froid est très-violent, il atteint 25 degrés centigrades. Quelques points isolés jouissent de conditions un peu moins rudes, surtout ceux dans lesquels l'abondance des eaux vives peut maintenir un certain degré d'humidité et modérer l'extrème sécheresse de l'air tel est, par exemple, le district de Kouldja. A Kouldja même, d'après les observations de Goluboff, publiées en 1864, la température moyenne est en janvier de 9°,7, en juillet 24,9. La moyenne de chaque saison donne pour l'hiver 6o,5, le printemps + 10 degrés, l'été 25 degrés, l'automne + 9o,2, l'année entière + 9o,2. Les températures annuelles extrêmes y sont +43 degrés et 31 degrés centigrades.

:

[ocr errors]

« PrécédentContinuer »