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Des écrivains non moins distingués par leurs opinions que par leurs talens se sont occupés, depuis quelques années, de nous tracer des tableaux plus ou moins fidèles d'un véritable pasteur. Le 18° siècle, conjuré contre le sacerdoce chrétien et contre ses plus solides appuis, avoit donné cet exemple; il se flattoit de faire pardonner ses hostilités et sa haine envers les chefs de la religion par les éloges perfides et par la protection dont il honoroit les pasteurs du second ordre, qui ont expié d'une manière bien tragique la prétendue bienveillance d'une philosophie hypocrite et intolérante. Les curés de campagne surtout ont été l'objet de cette prédilection de l'incrédulité. Heureux du moins ceux qui, s'élevant au-dessus d'une séduction si dangereuse, sont restés, au milieu des plus terribles épreuves, inébranlablement attachés à l'unité et à l'obéissance dues aux premiers pasteurs!

Ces éloges philosophiques, où l'on a eu la bonté de reconnoître quelquefois les inspirations d'une ame fénélonienne, sont un des travers que les sceptiques du siècle dernier ont légués au nôtre. Les vénérables pasteurs de nos campagnes restent toujours en possession d'animer le pinceau poétique de nos écrivains, quoique malheureusement il n'y ait rien qui soit bien poétique et bien enchanteur dans la situation présente de cette classe si nécessaire à la société. Mais ce qu'il y a de plus positif et de plus vrai dans cette sorte de courtisanerie qui réussit peut-être, plus souvent qu'on ne croit, à faire des dupes, c'est le motif qui l'inspire. Sous prétexte de rendre hommage aux vertus modestes d'un humble pasteur et de défendre la cause des malheureux dont il est l'appui, on se flatte de trouver dans ce ministre de la religion l'indifférence dont on a besoin pour des erreurs et des écarts qui rencontreroient probablement ailleurs des censeurs plus rigides. L'incrédulité veut qu'un curé se contente de prêcher une morale purement philanthropique; les heureux du siècle exigent qu'il ne parle ni de la mort, ni de l'enfer. Un grand nombre trouveroit assez. convenable qu'un pasteur s'abstint tout-à-fait de prêcher, sous Tome LXXIV. L'Ami de la Religion.

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le prétexte qu'il doit avant tout prêcher d'exemple, comme si ce double ministère n'étoit pas également indispensable.

M. de Fontanes, dans son poème intitulé: Le jour des morts dans une campagne, loue le curé de ce qu'il ne traite point en chaire les questions qu'agitèrent en vain :

Et Thomas et Prosper, et Luther et Calvin.

A coup sûr un curé qui rangeroit sur la même ligne les docteurs de l'Eglise et les hérésiarques qui l'ont désolée seroit un pauvre pasteur, surtout si, dans la crainte de dogmatiser comme les sectaires, il s'abstenoit d'enseigner la foi. M. de Lamartine, dans un portrait où respire d'ailleurs un sentiment pur et chrétien, paroit persuadé qu'on peut être un bon curé et négliger le devoir sacré de l'instruction; tant il est vrai que lorsque les gens du monde se hasardent à franchir le seuil du sanctuaire pour en exposer les sublimes attributs, ils courent le risque de méconnoitre ou de confondre les objets qui doivent les frapper, et de nous en retracer des images infidèles.

Des circonstances bien malheureuses sont venues ajouter leur triste influence aux dangereuses séductions qui sont le domaine des enfans du siècle. Depuis deux ans, une foule d'excellens prêtres ont été inquiétés, persécutés, pour avoir rempli le ministère de la parole, et la plupart ont eu pour dénonciateurs des hommes qui ne les avoient pas entendus. Cette persécution est d'autant plus déplorable, qu'en liant, contre la sentence de l'apôtre, la parole de Dieu, elle attaque la foi jusque dans sa base. La religion disparoitroit tout-à-fait du milieu de nous, si de pareilles épreuves et de pareilles séductions exerçoient un grand pouvoir. L'arrêt en est porté ; il ne nous appartient pas d'en atténuer la puissance. On n'invoque point celui en qui on ne croit point. Mais, pour croire, il faut écouter la parole de la foi : Quomodò autem audient, sine prædicante.

Les apôtres s'étoient réservé cette fonction importante, et leur exemple a été pour tous ceux qui leur ont succédé dans l'apostolat une règle de conduite, un précepte rigoureux dont l'observation ou l'oubli ont toujours été signalés par le triomphe ou l'affoiblissement de la foi. Le siècle, qui n'aime pas la foi, s'oppose à la parole qui la fait naitre et qui la maintient. Il a déjà réussi à écarter les missionnaires, il voudroit

réduire les curés et leurs coopérateurs à ce mutis me déshonorant, frappé des malédictions de l'Ecriture. Quels seroient les peuples destinés à être dévorés par les plus grands fléaux? Ce seroient les peuples où l'homme de la piété et des bonnes œuvres seroitt obligé de se concentrer en lui-même et de se tenir à l'écart? Ce seroient ceux dont les sentinelles ne verroient point la vérité et ne la feroient point entendre, parce qu'ils n'en auroient point la conviction; ceux dont les gardiens ne sauroient point rompre le silence, et dont les pasteurs, accoutumés à ne rien comprendre, seroient aussi accoutumés à ne rien expliquer: Speculatores cœci..... Canes muti non valentes ‘latrare..... Pastores ignoraverunt intelligentiam. (Is. LVI.)

Ces obligations, qui sont un des attributs les plus essentiels du sacerdoce chrétien, n'étoient pas ignorées de nos philosophes du dernier siècle; mais ils ont espéré en atténuer la rigueur, en conseillant aux prêtres de n'enseigner que la morale de l'Evangile, surtout la charité, la tolérance, comme si, dans les temps où le philosophisme subjugue et séduit toutes les classes de la société, les hommes étoient portés à s'entre-déchirer les uns les autres pour des croyances religieuses. J. J. Rousseau avoit un des premiers exprimé ce vœu de la philosophie moderne, s'imaginant qu'il étoit possible de prêcher la morale sans prêcher la foi, et d'annoncer aux hommes la nécessité de travailler à leur salut, sans leur parler de celui qui nous en donne les moyens.

Nous savons ce que c'est que cette tolérance, ce que c'est que cette charité tant recommandées par nos philosophes. Ces belles vertus ne sont de quelque prix à leurs yeux qu'autant qu'elles peuvent servir de prétexte au relâchement le plus coupable, à une criminelle insensibilité contre le crime, à un indifférentisme stupide entre le vice et la vertu; aussi le seul pasteur qu'ils croiront digne de leurs éloges sera celui dans lequel ils croiront reconnoitre cette prétendue tolérance, cette fausse charité que l'on regarde d'ailleurs comme nécessaire an maintien de la paix et de l'union parmi les chrétiens. Cette paix, si elle peut exister avec le triomphe du crime, n'est pas celle que donne Jésus-Christ; ce ne peut être que la paix des tombeaux.

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D'ailleurs, peut-il être permis de séparer dans la pratique du ministère ce que la sagesse éternelle unit d'un lien indissolu

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ble? La loi de Jésus-Christ, n'est aussi admirable que parce qu' 'elle subjugue tout à la fois et le cœur et l'esprit. « Qu'il est beau, s'écrie le dernier de nos grands orateurs; qu'il est ravissant ce code de la loi chrétienne, où rien n'est oisif, où rien n'est écrit pour le stérile ornement de la pensée, et où tout fructifie pour l'instruction et l'édification! Il est clair dans les préceptes, parce qu'il faut les pratiquer; il est obscur dans les dogmes, parce qu'il faut les adorer; et, faisant ainsi de ses lumières comme de ses ténèbres une double source de mérites et de vertus, il n'est pas moins admirable dans ce qu'il nous découvre que dans ce qu'il nous cache » Sicut tenebræ ejus, ità et lumen ejus. (Ps. LVIII.) [*].

On se plaint avec douleur des progrès de l'irréligion, de l'indifférentisme, de la solitude des églises, surtout dans les campagnes. Le sacerdoce existe encore; mais si, par une malédiction terrible d'un Dieu irrité de nos attentats, le ministère sacré n'étoit point exercé selon l'ordre de Jésus-Christ, si on parvenoit à paralyser le zèle des pasteurs, et à imposer silence à ceux qui sont chargés d'annoncer la parole sainte, ce seroit fait de la religion, et Dieu auroit pour jamais abandonné notre patrie. C. E.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le mardi 29 janvier, jour où l'église célèbre la fête de saint François de Sales, évêque de Genève, il y aura à deux heures une assemblée de charité dans l'église Saint-Germain-des-Prés en faveur de l'OEuvre des jeunes Savoyards et Auvergnats. Le sermon sera prononcé par M. l'abbé Duguerry et la quête faite par Madame la comtesse de Saint-Priest. Cette œuvre a pour objet de disposer les enfans à la première communion; on les habille et on leur continue tous les dimanches des instructions pour les exciter à la persévérance. Les dons peuvent être envoyés à M. le curé de SaintGermain-des-Prés ou à Madame la quêteuse.

L'église de Saint-Louis de Versailles, la plus jeune cathédrale de France, ne s'est montrée inférieure à aucune autre dans la cérémonie qui vient d'y avoir lieu le 27 janvier pour le sacre de M. Blanquart de Bailleul, si universellement appellé à ce siége par les vœux du clergé et des fidèles qui, pendant cinq années, avoient appris à le connoître auprès de son vénérable prédécesseur. M. l'archevêque de Paris, assisté de deux de ses suffragans, M. l'évêque de Chartres et M. l'évêque de Meaux, a été le pontife consécrateur. [*] Serm. de M. de Boulogne sur la morale chrétienne, t. III.

On avoit présent à la pensée le jour où ce même pontife répandit aussi l'huile sainte sur son digne vicaire-général, M. Borderies, dont les talens supérieurs, le caractère aimable, l'éminente piété, laissent de précieux et ineffaçabies souvenirs. Mais alors, l'illustre métropolitain, environné de toute la splendeur de sa haute dignité, remplissoit cette fonction dans l'auguste basilique où il étoit accoutumé à voir la majesté royale avec son brillant cortège, tous les hommes en place, tous les rangs de la société offrir à la capitale de ce royaume le spectacle solennel des plus imposantes réunions. Ces temps ne sont plus et, après la tempête, le prélat ne tire son plus vif éclat que des calomnies mêmes dont ou voulut le rendre victime. Pendant cette pompeuse et longue cérémonie, celui qui en étoit l'objet, plongé dans un profond recueillement adoroit humblement la volonté divine en courbant ses épaules sous un fardeau qu'il n'avoit pas souhaité dans des jours meilleurs, et dont le poids se fait plus que jamais sentir. Pleins d'émotions, les assistans en laissoient paroître sur leur front l'impression édifiante. L'ordre a été parfait, toutes les dispositions avoient été soigneusement ménagées pour admettre le plus de monde possible sans que rien en pût souffrir. La douce gravité des pontifes, le maintien du clergé, l'intelligence et le goût qui avoient présidé aux moindres détails de la décoration, le rit si bien observé, le chant si conforme au rit, et surtout l'attention soutenue au milieu d'un concours si nombreux, tout a contribué à l'éclat de cette pieuse cérémonie. Les autorités locales y ont pris part, et, quoique rien n'annonçât leur caractère public, elles occupoient dans le cœur une place distinguée auprès de la famille du prélat consacré et des personnes notables venues

de Paris.

On a quelque espérance de voir s'éteindre le schisme funeste qui s'étoit formé à Clichy et qui désoloit les personnes les plus sensées de cette paroisse. Depuis qu'Auzou a été obligé d'abandonner l'église, M. l'archevêque a nommé provisoirement administrateur de la paroisse M. le curé de Montmartre qui en est voisin. Ce pasteur est allé samedi dernier reconnoître l'état des lieux, et, le dimanche 27, M. le vicaire de Montmartre a célébré la messe à Clichy. Il y avoit bon nombre de fidèles dans l'église et tout s'est bien passé au dedans et au dehors de l'église. Ce commencement est d'u un heureux augure pour l'avenir.

Depuis plus d'un mois, tous les journaux retentissent des plaintes d'une dame Ernest, femme d'un ouvrier en porcelaine, demeurant aux Batignoles, qui se trouve privée de ses deux filles. Elle raconte qu'ayant eu le malheur de confier l'éducation de ses filles à une congréganiste de Romorentin, elle s'est aperçue à leur retour que le fanatisme religieux avoit corrompu leur cœur. En preuve de ce fanatisme et de cette corruption, elle cite une horrible action de ces filles profondément perverties, c'est qu'elles ne vou

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