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abuser ainsi de ma bonté, et s'introduire exprès chez moi pour me trahir, pour me jouer un tour de cette

nature!

VALERE.

1

Monsieur, puisqu'on vous a découvert tout, je ne veux point chercher de détours, et vous nier la chose. Me JACQUES, à part.

Oh! oh! aurois-je deviné sans y penser?

VALERE.

C'étoit mon dessein de vous en parler, et je voulois attendre pour cela dès conjonctures favorables; mais puisqu'il est ainsi, je vous conjure de ne vous point fâcher, et de vouloir entendre mes raisons.

HARPAGON.

Et quelles belles raisons peux-tu me donner, vo-, leur, infâme?

VALERE.

Ah! monsieur, je n'ai pas mérité ces noms. Il est vrai que j'ai commis une offense envers vous; mais, après tout, ma faute est pardonnable.

HARFAGON.

Comment, pardonnable! un guet-apens, un assas< sinat de la sorte!

VALERE.

De grace, ne vous mettez point en colere. Quand vous m'aurez onï, vous verrez que le mal n'est pas si grand que vous le faites.

HARPAGON.

Le mal n'est pas si grand que je le fais ! Quoi! mon sang, mes entrailles, pendard!

VALERE.

Votre sang, monsieur, n'est pas tombé dans de mauvaises mains. Je suis d'une condition à ne lui point faire de tort ; et il n'y a rien en tout ceci que je ne puisse bien réparer.

HARPAGON.

C'est bien mon intention, et que tu me restitues ce que tu m'as ravi.

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Il n'est pas question d'honneur là-dedans. Mais, dis-moi, qui t'a porté à cette action?

VALER E.

Hélas! me le demandez-vous?

HARPAGON.

Oui, vraiment, je te le demande,

VALERE.

Un dieu qui porte les excuses de tout ce qu'il fait faire l'Amour.

:

L'Amour!

HARPAGON.

VALERE.

Oui.

HARPAGON.

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Bel amour! bel amour ma foi! l'amour de mes louis d'or

VALERE.

Non, monsieur, ce ne sont point vos richesses qui m'ont tenté, ce n'est pas cela qui m'a ébloui; et je proteste de ne prétendre rien à tous vos biens, pourvu que vous me laissiez celui que j'ai.

HARPAGON.

Non ferai, de par tous les diables; je ne te le laisserai pas. Mais voyez quelle insolence, de vouloir retenir le vol qu'il m'a fait !

VALER E.

Appelez-vous cela un vol?

HARPAGON.

Si je l'appelle un vol! un trésor comme celui-là!

vous ayez,

VALER E.

C'est un trésor, il est vrai, et le plus précieux que sans doute; mais ce ne sera pas le perdre que de me le laisser. Je vous le demande à genoux, ce trésor-plein de charmes; et pour bien faire il faut que vous me l'accordiez.

HARPAGON.

Je n'en ferai rien. Qu'est-ce à dire, cela?

VALERE.

Nous nous sommes promis une foi mutuelle, et avons fait serment de ne nous point abandonner.

HARPAGON.

Le serment est admirable, et la promesse plaisante!

VALERE.

Oui, nous nous sommes engagés d'être l'un à l'autre à jamais.

HARPAGON.

Je vous en empêcherai bien, je vous assure.

VALERE.

Rien que la mort ne nous peut séparer.

HARPAGON.

C'est être bien endiablé après mon argent !

VALERE.

Je vous ai déja dit, monsieur, que ce n'étoit point l'intérêt qui m'avoit poussé à faire ce que j'ai fait. Mon cœur n'a point agi par les ressorts que vous pensez, et un motif plus noble m'a inspiré cette résolution.

HARPAGON.

Vous verrez que c'est par charité chrétienne qu'il veut avoir mon bien. Mais j'y donnerai bon ordre; et la justice, pendard effronté, me va faire raison de

tout.

VALERE.

Vous en userez comme vous voudrez, et me voilà prêt à souffrir toutes les violences qu'il vous plaira:

mais je vous prie de croire au moins que, s'il y a du mal, ce n'est que moi qu'il en faut accuser, et que votre fille, en tout ceci, n'est aucunement coupable.

HARPAGON.

Je le crois bien, vraiment: il seroit fort étrange que ma fille eût trempé dans ce crime. Mais je veux ravoir mon affaire, et que tu me confesses en quel endroit tu me l'as enlevée.

VALERE.

Moi? je ne l'ai point enlevée; et elle est encore chez vous.

HARPAGON, à part.

O ma chere cassette! (haut.) Elle n'est point sortie de ma maison?

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Hé! dis-moi un peu; tu n'y as point touché ?

VALER E.

Moi, y toucher! Ah! vous lui faites tort, aussi bien qu'à moi; et c'est d'une ardeur toute pure et respectueuse que j'ai brûlé pour elle.

HARPAGON, à part.

Brûlé pour ma cassette!

VALER E.

J'aimerois mieux mourir que de lui avoir fait paroître aucune pensée offensante; elle est trop sage et trop honnête pour cela.

HARPAGON, à part.

Ma cassette trop honnête !

VALERE.

Tous mes desirs se sont bornés à jouir de sa vue; et rien de criminel n'a profané la passion que ses beaux yeux m'ont inspirée.

HARPAGON,

à part.

Les beaux yeux de ma cassette! Il parle d'elle comme un amant d'une maîtresse.

VALERE.

Dame Claude, monsieur, sait la vérité de cette aventure; et elle vous peut rendre témoignage...

HARPAGON.

Quoi! ma servante est complice de l'affaire ?

VALERE.

Oui, monsieur, elle a été témoin de notre engagement; et c'est après avoir connu l'honnêteté de ma flamme, qu'elle m'a aidé à persuader votre fille de me donner sa foi, et de recevoir la mienne.

HARPAGON.

Hé! (à part.) Est-ce que la peur de la justice le fait extravagner? (à Valere.) Que nous brouillestu ici de ma fille?

VALERE.

Je dis, monsieur, que j'ai eu toutes les peines du monde à faire consentir sa pudeur à ce qué vouloit

mon amour.

HARPAGON.

La pudeur de qui?

VALERE,

De votre fille ; et c'est seulement depuis hier qu'elle a pu se résoudre à nous signer mutuellement une pro. messe de mariage.

HARPAGON.

Ma fille t'a signé une promesse de mariage?

VALERE.

Oui, monsieur, comme de ma part je lui en ai signé

une.

HARPAGON.

O ciel! autre disgrace!

M JACQUES, au commissaire.

Ecrivez, monsieur, écrivez.

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