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MONSIEUR

DE

POURCEAUGNAC.

SCENE I.

ERASTE; UNEMUSICIENNE, DEUX MUSICIENS, CHANTANTS; PLUSIEURS AUTRES, JOUANT DES INSTRUMENTS; TROUPE DE DANSEURS.

ERASTE, AUX musiciens et aux danseurs.

SUIVEZ les ordres que je vous ai donnés pour la sérénade. Pour moi, je me retire, et ne veux point paroître ici.

SCENE II.

UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS, CHANTANTS; PLUSIEURS AUTRES, JOUANT DES INSTRUMENTS; TROUPE DE DANSEURS.

Cette sérénade est composée de chants, d'instruments, et de danses. Les paroles qui s'y chantent ont rapport à la situation où Eraste se trouve avec Julie, et expriment les sentiments de deux amants qui sont traversés dans leur amour par le caprice de leurs parents.

UNE MUSICIENNE.

Répands, charmante nuit, répands sur tous les yeux

De tes pavots la douce violence,

Et ne laisse veiller en ces aimables lieux

Que les cœurs que l'amour soumet à sa puissance. Tes ombres et ton silence,

Plus beaux que le plus beau jour, Offrent de doux moments à soupirer d'amour.

PREMIER MUSICIEN.

Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose! A d'aimables penchants notre cœur nous dispose; Mais on a des tyrans à qui l'on doit le jour. Que soupirer d'amour

Est une douce chose,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose !

SECOND MUSICIEN.

Tout ce qu'à nos vœux on oppose Contre un parfait amour ne gagne jamais rien; Et pour vaincre toute chose

Il ne faut que s'aimer bien.

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TOUS TROIS ENSEMBLE.

Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle ; Les rigueurs des parents, la contrainte cruelle, L'absence, les travaux, la fortune rebelle, Ne font que redoubler une amitié fidele. Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle; Quand deux coeurs s'aiment bien, Tout le reste n'est rier.

PREMIERE ENTREE DE BALLET.

Danse de deux maîtres à danser.

DEUXIEME ENTREE DE BALLET.

Danse de deux pages,

TROISIEME ENTREE DE BALLET.

Quatre curieux de spectacles, qui ont pris querelle pendant la danse des deux pages, dansent en se battant l'épée à la main.

QUATRIEME ENTREE DE BALLET.

Deux Suisses séparent les quatre combattants, et, après les avoir mis d'accord, dansent

avec eux.

SCENE IIL

JULIE, ERASTE. NERINE.

JULIE.

Mon dieu! Eraste, gardons d'être surpris. Je tremble qu'on ne nous voie ensemble; et tout seroit perdu, après la défense que l'on m'a faite.

É RASTE.

Je regarde de tous côtés, et je n'apperçois rien.
JULIE, à Nérine.

Aie aussi l'œil au guet, Nérine; et prends bien garde qu'il ne vienne personne.

NÉRINE, se retirant dans le fond du théâtre Reposez vous sur moi, et dites hardiment ce que Vous avez à vous dire.

JULIE.

Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable? et croyez-vous, Eraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon pere s'est mis en tête?

ÉRASTE.

Au moins y travaillons-nous fortement ; et déja nous avons préparé un bon nombre de batteries pour renverser ce dessein ridicule.

NÉRINE, Accourant à Julie.

Par ma foi, voilà votre pere.

JULIE.

Ah! séparons-nous vîte

NÉRINE.

Non, non, non, ne bougez ; je m'étois trompée.

JULIE..

Mon dieu! Nérine, que tu es sotte de nous donner de ces frayeurs !

ERASTE.

Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines; et nous ne feignons point de mettre tout en usage, sur la permission que vous m'avez donnée. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer, vous en aurez le divertissement; et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir : c'est assez de vous dire que nous avons en main divers stratagêmes tout prêts à produire dans l'occasion; et que l'ingénieuse Nérine et l'adroit Sbrigani entreprennent l'affaire.

NÉRINE.

Assurément. Votre pere se moque-t-il, de vouloir vous anger de son avocat de Limoges, monsieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vu de sa vie, et qui vient par le coche vous enlever, à notre barbe? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, sur la parole de votre oncle, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée ? et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin? S'il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine, et ne laisse-t-il en repos les chrétiens? Le seul nom de monsieur de Pourceaugnac m'a mise dans une colere effroyable. J'enrage de monsieur de Pourceaugnac. Quand il n'y auroit que ce nom-là, monsieur de Pourceaugnac, j'y brûle

rai mes livres, ou je romprai ce mariage, et vous ne serez point madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac! cela se peut-il souffrir? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurois supporter; et nous lui jouerons tant de pieces, nous lui ferons tant de niches sur niches, que nous renvoierons à Limoges monsieur de Pourceaugnac.

RASTE.

Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nouvelles.

SCENE IV.

JULIE, ERASTE, SBRIGANI, NERINE.

SBRIGANI.

Monsieur, votre homme arrive. Je l'ai vu à trois lieues d'ici, où a couché le coche; et, dans la cuisine, ou il est descendu pour déjeûner, je l'ai étudié une bonne grosse demi-heure, et je le sais déja par cœur. Pour sa figure, je ne veux point vous en parler ; vous verrez de quel air la nature l'a dessiné, et si l'ajustement qui l'accompagne y répond comme il faut : mais pour son esprit, je vous avertis par avance qu'il est des plus épais qui se fassent; que nous trouvons en lui une matiere tout-à-fait disposée pour ce que nous voulons, et qu'il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu'on lui présentera.

Nous dis-tu vrai?

É RASTE.

SBRIGANI.

Oui, si je me connois en gens.

NÉRINE.

Madame, voilà un illustre. Votre affaire ne pouvoit être mise en de meilleures mains, et c'est le héros de notre siecle pour les exploits dont il s'agit ; un homme qui vingt fois en sa vie, pour servir ses amis, a généreusement affronté les galeres ; qui, au péril de ses

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