Images de page
PDF
ePub

bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les aventures les plus difficiles, et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d'actions honorables qu'il a généreusement entreprises.

SBRIGANI.

Je suis confus des louanges dont vous m'honorez: et je pourrois vous en donner avec plus de justice sur les merveilles de votre vie, et principalement sur la gloire que vous acquîtes, lorsqu'avec tant d'honnêteté Vous pipâtes au jeu, pour douze mille écus, ce jeune seigneur étranger que l'on mena chez vous; lorsque vous fites galamment ce faux contrat qui ruina toute une famille; lorsqu'avec tant de grandeur d'ame vous sùtes nier le dépôt qu'on vous avoit confié, et que si généreusement on vous vit prêter votre témoignage à faire pendre ces deux personnes qui ne l'avoient pas

mérité.

NÉRINE.

Ce sont pétites bagatelles qui ne valent pas qu'on en parle; et vos éloges me font rougir.

SBRIGANI.

Je veux bien épargner votre modestie; laissons cela et, pour commencer notre affaire, allons vîte joindre notre provincial, tandis que de votre côté vous nous tiendrez prêts au besoin les autres acteurs de la comédie.

É RASTE.

Au moins, madame, souvenez-vous de votre rôle; et, pour mieux couvrir notre jeu, feignez, comme on vous a dit, d'être la plus contente du monde des résolutions de votre pere.

JULIE.

S'il ne tient qu'à cela, les choses iront à merveille.
É RASTE.

Mais, belle Julie, si toutes nos machines venoient à ne pas réussir ?

JULIE.

Je déclarerai à mon pere mes véritables sentiments. É RASTE.

Et si contre vos sentiments il s'obstinoit à son dessein ?

JULIE.

Je le menacerois de me jeter dans un couvent.

É RASTE.

Mais si malgré tout cela il vouloit vous forcer à ce mariage?

[blocks in formation]

Que rien ne pourra vous contraindre; et que, malgré tous les efforts d'un pere, vous me promettez d'être à moi.

JULIE

Mon dieu! Eraste, contentez-vous de ce que je fais maintenant; et n'allez point tenter sur l'avenir les résolutions de mon cœur; ne fatiguez point mon devoir par les propositions d'une fâcheuse extrémité dont peut-être n'aurons-nous pas besoin; et, s'il y faut venir, souffrez au moins que j'y sois entraînée par la suite des choses.

Hé bien!...

ERASTE.

SBRIGANI.

Ma foi, voici notre homme; songeons à nous.

NÉRINE.

Ah! comme il est bâti!

SCENE V.

M. DE POURCEAUGNAC, SBRIGANI.

M. DE FOURCEAUGNAC, se retournant du côté d'où il est venu, et parlant à des gens qui le suivent.

Hé bien? quoi? qu'est-ce? qu'y a-t-il ? Au diantre soient la sotte ville et les sottes gens qui y sont! Ne pouvoir faire un pas sans trouver des nigauds qui vous regardent et se mettent à rire! Hé! messieurs les badauds, faites vos affaires, et laissez passer les personnes sans leur rire au nez. Je me donne au diable, si je ne baille un coup de poing au premier que je verrai rire.

SBRIGANI, parlant aux mêmes personnes. Qu'est-ce que c'est, messieurs? que veut dire cela? A qui en avez-vous? Faut-il se moquer ainsi des honnêtes étrangers qui arrivent ici?

M. DE POURCEAUGNAC.

Voilà un homme raisonnable, celui-là.

SBRIGANI.

Quel procédé est le vôtre ! Et qu'avez-vous à rire?

Fort bien.

M. DE POURCEAUGNAC.

SBRIGANI.

Monsieur a-t-il quelque chose de ridicule en soi ?

Oui?...

M. DE POURCEAUGNAC.

SBRIGAN I.

Est-il autrement que les autres?

M. DE POURCEAUGNA G.

Suis-je tortu ou bossu?

SBRIGANI.

Apprenez à connoître les gens.

M. DE POURCEAUG NAG.

C'est bien dit.

SBRIGANI.

Monsieur est d'une mine à respecter.

M. DE POURCEAUGNAC.

Cela est vrai.

SBRIGANI.

Personne de condition.

M. DE POURCEAUGNAC.

Oui, gentilhomme limosin.

Homme d'esprit.

SBRIGANI.

M. DE POUR CEAUGNAC,

Qui a étudié en droit.

SBRIGANI.

Il vous fait trop d'honneur de venir dans votre ville.

M. DE POURCEAUGNAC.

Sans doute.

SBRIGANI.

Monsieur n'est point une personne à faire rire.

M. DE POURCEAUGNAC.

Assurément.

SBRIGANI.

Et quiconque rira de lui aura affaire à moi.
M. DE POURCEAUGNAC, à Sbrigani.
Monsieur, je vous suis infiniment obligé.

SBRIGANI.

Je suis fâché, monsieur, de voir recevoir de la sorte une personne comme vous, et je vous demande pardon pour la ville.

M. DE POURCEAUGNAC.

Je suis votre serviteur.

SBRIGANI.

Je vous ai vu ce matin, monsieur, avec le coche,

Lorsque vous avez déjeûné; et la grace avec laquelle vous mangiez votre pain m'a fait naître d'abord de l'amitié pour vous: et comme je sais que vous n'êtes jamais venu en ce pays, et que vous y êtes tout neuf, je suis bien aise de vous avoir trouvé pour vous offrir mon service à cette arrivée, et vous aider à vous conduire parmi ce peuple, qui n'a pas par fois pour les honnêtes gens toute la considération qu'il fau-'

droit.

M. DE POURCEAUGNAC.

C'est trop de grace que vous me faites.

SBRIGANI.

Je vous l'ai déja dit; du moment que je vous ai vu, je me suis senti pour vous de l'inclination.

M. DE POURCEAUGNAC.

Je vous suis obligé.

SBRIGANI.

Votre physionomie m'a plu.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ce m'est beaucoup d'honneur.

SBRIGANI.

J'y ai vu quelque chose d'honnête....

M. DE POURCEAUGNAC.

Je suis votre serviteur.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PrécédentContinuer »