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SCENE VIII.

ERASTE, PREMIER MEDECIN, L'APOTHICAIRE, UN PAYSAN, UNE PAYSANNE.

LE PAYSAN, au médecin.

Monsieur, il n'en peut plus; et il dit qu'il sent dans la tête les plus grandes douleurs du monde. PREMIER MÉDECIN.

Le malade est un sot; d'autant plus que, dans la maladie dont il est attaqué, ce n'est pas la tête, selon Galien, mais la rate, qui lui doit faire mal.

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LE PAYSAN.

Quoi que c'en soit, monsieur, il a toujours avec cela son cours de ventre depuis six mois.

**

PREMIER MÉDECIN.

Bon, c'est signe que le dedans se dégage. Je l'irai' visiter dans deux ou trois jours: mais s'il mouroit avant ce temps-là, ne manquez pas de m'en donner avis, car il n'est pas de la civilité qu'un médecin visite un mort.

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LA PAYSANNE, au médecin.

Mon pere, monsieur, est toujours malade de plus en plus.

Quinze, monsieur, depuis vingt jours.
PREMIER MÉDECIN.

Quinze fois saigné?

Oui.

PREMIER MÉDECIN.

Ce n'est pas mia faute. Je lui donne des remedes; que ne guérit-il? Combien a-t-il été saigné de fois ?

LA PAYSANNE.

LA PAYSANNE.

PREMIER MÉDECIN. Et il ne guérit point?

LA PAYSANNE.

Non,

PREMIER MÉDECIN.

C'est signe que la maladie a'est pas dans le sang. Nous le ferons purger autant de fois, pour voir si elle n'est pas dans les humeurs; et, si rien ne nous réussit, nous l'envoierons aux bains.

monsieur.

L'APOTHICAIRE.

Voilà le fin cela, voilà le fin de la médecine.

SCENE IX.

ERASTE, PREMIER MEDECIN, L'APOTHICAIRE.

É RASTE, au médecin.

C'est moi, monsieur, qui vous ai envoyé parler ces jours passés pour un parent un peu troublé d'esprit que je veux vous donner chez vous, afin de le guérir avec plus de commodité, et qu'il soit vu de moins de monde.

PREMIER MÉDECIN.

Oui, monsieur ; j'ai déja disposé tout, et promets d'en avoir tous les soins imaginables.

É RASTE.

Le voici.

PREMIER MÉDECIN.

La conjoncture est tout-à-fait heureuse, et j'ai ici un ancien de mes amis avec lequel je serai bien aise de consulter sa maladie.

SCENE X.

M. DE POURCEAUGNAC, ERASTE, PREMIER MEDECIN, L'APOTHICAIRE.

ERASTE, à M. de Pourceaugnac.

Une petite affaire m'est survenue, qui m'oblige à vous quitter; (montrant le médecin.) mais voilà une personne entre les mains dè qui je vous laisse, qui aura soin pour moi de vous traiter du mieux qu'il lui sera possible.

PREMIER MÉDECIN.

Le devoir de ma profession m'y oblige; et c'est assez que vous me chargiez de ce soin.

M. DE POURCE AUGNAC, à part. C'est son maître-d'hôtel, sans doute; et il faut que ce soit un homme de qualité.

PREMIER MÉDECIN, à Eraste.

Oui, je vous assure que je traiterai monsieur méthodiquement, et dans toutes les régularités de notre

a rt.

M. DE POUR CEAUGNA Č.

Mon dieu! il ne faut point tant de cérémonies; et je ne viens pas ici pour incommoder. PREMIER MÉDECIN.

Un tel emploi ne me donne que de la joie.
É RASTE, du médecin.

Voilà toujours dix pistoles d'avance, en attendant ce que j'ai promis.

M. DE POURCEAUGN A C.

Non, s'il vous plaît, je n'entends pas que vous fassiez de dépense, et que vous envoyiez rien acheter pour moi.

LRASTE.

Mon dieu! laissez faire; ce n'est pas pour ce que vous pensez.

M. DE POURCEAUGNA C.

Je vous demande de ne me traiter qu'en ami.
É RASTE.

C'est ce que je veux faire. (bas, au médecin.) Jé vous recommande sur-tout de ne le point laisser sor-' tir de vos mains; car par fois il veut s'échapper.

PREMIER MÉDECIN.

Ne vous mettez pas en peine.

É RASTE, à M. de Pourceaugnac.

Je vous prie de m'excuser de l'incivilité que je

commets.

M. DE POURCEAUGNAC.

Vous vous moquez, et c'est trop de grace que vous me faites.

SCENE X I.

M. DE POURCEAUGNAC, PREMIER MEDECIN, SECOND MEDECIN, L'APOTHICAIRE.

PREMIER MEDECIN.

Ce m'est beaucoup d'honneur, monsieur, d'ètre choisi pour vous rendre service,

M. DE POURCEAUGNA C.

Je suis votre serviteur.

PREMIER MEDECIN.

Voici un habile homme, mon confrere, avec lequel je vais consulter la maniere dont nous vous traite

rons.

M. DE POURCE

POURCEAUG NAC.

Il ne faut point tant de façons, vous dis-je-; je suis homme à me contenter de l'ordinaire.

PREMIER MÉDECIN.

Allons, des sieges.

Des laquais entrent et donnent des sieges.)

M. DE POURCEAUGNAC, à part. Voilà, pour un jeune homme, des domestiques bien lugubres.¡

PREMIER MÉDECIN.

Allons, monsieur; prenez votre place, monsieur. (Les deux médecins font asseoir M. de Pourceaugnac entre eux deux.)

M. DE POURCEAUGNAC, s'asseyant.
Votre très humble valet.

(les deux médecins lui prenant chacun une main pour lui táter le pouls.)

Qué veut dire cela?

PREMIER M
MÉDECIN.

Mangez-vous bien, monsieur?

M. DE POURCEAUGNA C.

Oui, et bois encore mieux.

PREMIER MÉDECIN.

Tant pis. Cette grande appétition du froid et de l'humide est une indication de la chaleur et séche-. resse qui est au-dedans. Dormez-vous fort?

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M. DE POURCEAUGNAC.

De la nature des songes. Quelle diable de conversation est-ce là ?

PREMIER MÉDECIN.

Vos déjections, comment sont-elles ?

M. DE POURCEAUGNAC.

Ma foi, je ne comprends rien à toutes ces questions; et je veux plutôt boire un coup.

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