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défendre des côtes, c'est-à-dire d'un rayon déterminé par la plus forte portée du canon.

En dedans de ce rayon, les lois pénales, les lois de police et notamment les lois de douanes sont obligatoires pour tous.

2o La souveraineté d'un Etat s'exerce même en pleine mer sur tout navire qui porte son pavillon. Le navire est, comme on l'a très bien dit, considéré comme une portion détachée du territoire de la nation à laquelle il appartient (1). En pleine mer, cela est vrai, sans distinction entre les bâtiments de guerre et les bâtiments de commerce. — Mais quand les navires ne sont plus en pleine mer, qu'ils sont dans les eaux réputées la propriété d'un Etat étranger, il faut distinguer :

Le navire de guerre qui porte une partie de la puissance publique de son pays est affranchi de toute police étrangère sur son bord. Son équipage n'est soumis qu'à la loi nationale; sans cela la souveraineté dont il est l'une des personnifications à l'étranger serait soumise à la souveraineté étrangère. —La nation dans les eaux de laquelle est ce bâtiment de guerre peut prendre à son égard des mesures de sûreté et de surveillance; elle peut exercer le Droit de défense; mais elle ne peut exercer le Droit de punir qui suppose une supériorité hiérarchique.

(1) Ordonnance de 1681. Loi du 22 août 1790.-Loi du 1er décembre 1790.-Arrêt du 26 mars 1804.-Décret du 22 juillet 1806.-Décret du 12 novembre 1806. Décret du 15 août 1851.-Décret du 26 mars 1852.

Quant aux bâtiments de commerce dans les eaux d'une puissance étrangère, ils ne représentent pas la souveraineté de leur pays et partant ils sont soumis aux lois de police et de sûreté du pays dans les eaux duquel ils stationnent.

3o La souveraineté du pouvoir social s'exerce en dehors même du territoire dans tous les lieux occupés militairement en son nom et où flotte son drapeau. Ce principe a été traduit d'une manière précise et vive: « Là où est le drapeau, là est la France. -» Mais comme le fait très bien observer M. Mangin, la loi n'est applicable qu'à l'armée et à ceux que quelque lien y rattache (1).

Je viens de vous indiquer l'extension que subit le principe de la territorialité de la loi pénale.—Voici maintenant la restriction.

La restriction est encore la conséquence du même principe, et ce principe il importe d'autant plus de le mettre en lumière qu'il est à mon sens la meilleure explication, le plus solide fondement du Droit de punir.- Les agents diplomatiques accrédités près du pouvoir exécutif français ne sont pas soumis à l'application de la loi pénale française: c'est là un principe de Droit international, c'est-à-dire d'un droit sans

(1) Ordonnance du 25 juillet 1665.-Décret du 22 septembre 1790,- Loi du 28 août 1791. — Décret du 12 mai 1793. Loi du 4 nivôse an IV.-Loi du 13 brumaire an V.-Loi du 21 brumaire an V. Loi du 18 vendémiaire an VI.- Décret

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sanction, puisque les nations ne reconnaissent pas de supérieur commun. Mais ce principe ne résulte pas seulement des usages et des traditions ; il résulte des nécessités communes à toutes les sociétés et il a été reconnu par la raison de tous les temps et de tous les pays: «Sancti habentur legati,» disait la loi 17 au Dig.de legationibus. Les ambassadeurs sont inviolables.

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Mais le principe de leur inviolabilité est-il un principe absolu? - Quelques auteurs ont voulu y apporter des restrictions: ils ont dit que cette inviolabilité devait cesser quand les agents diplomatiques conspiraient contre le gouvernement près duquel ils étaient accrédités ou qu'ils commettraient de ces crimes odieux dont l'impunité serait un scandale ou dont l'éclat appellerait une prompte répression, et cela, parce que dans ces cas les ambassadeurs devraient être réputés violer le mandat qu'ils ont reçu et ne devraient plus être considérés comme les représentants de la puissance étrangère.

J'hésiterais beaucoup à admettre ces restrictions. La question de savoir si l'ambassadeur étranger a abusé de son mandat à ce point que la puissance qui l'a envoyé ne le considère plus comme son mandataire, ne peut être jugée que par cette puissance; et tant qu'elle n'est pas jugéc contre lui, le mandataire non révoqué a un titre qui le couvre parce qu'il est la souveraineté étrangère et qu'encore une fois, entre deux souverainetés, il peut être question de défense, même de guerre, mais non de l'application de la sanction du Droit de commander qui n'existe pas.

- La théorie que je combats aurait bientôt tous les inconvénients qui ont fait introduire le principe de l'inviolabilité des ambassadeurs. La doctrine que je soutiens ne désarme pas le Gouvernement français : si je lui dénie le Droit de punir, je lui reconnais le Droit de se défendre. Le Gouvernement pourra prendre tous les moyens nécessaires pour réduire l'ambassadeur à l'impuissance de faire du mal. Il pourra l'expulser; il pourra même le faire arrêter; mais il ne pourra le faire juger, c'est-à-dire le soumettre à une juridiction, expression d'une souveraineté dont il ne relève pas. Un décret du 13 ventôse an II, émané de la Convention, d'un pouvoir qu'on n'a jamais été tenté d'accuser de déférence obséquieuse pour les puissances étrangères, a consacré ce principe. -Ce décret est resté en vigueur (1).

Concluons :

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La loi pénale est tout à la fois une loi territoriale et personnelle parce qu'elle est une conséquence du Droit de souveraineté qui est lui-même territorial et personnel. - Là où existe le Droit de commander existe le Droit de punir. - Là où le Droit de commander n'existe pas, il ne peut être question que du Droit de défense (2).

(1) Voir MANGIN, no 80.

(2) BURLAMAQUI, édition COTELLE, tome Ier, p. 313, etc.Eléments de Droit naturel, ch. IV, du Droit pris pour faculté, etc.

HUITIEME LEÇON.

EMPIRE DE LA Loi pénale sous le rapport du TEMPS.-Questions de rétroactivité.-Lois de fond.—Art. 4 du Code pénal.-Questions diverses. -Lois de pure forme.-Lois admettant ou rejetant un certain genre de preuve, ou changeant la majorité nécessaire pour la condamnation.-Lois de compétence Lois qui transportent la répression de certaines infractions d'une juridiction à une autre juridiction.-Lois qui instituent des juridictions nouvelles et même des juridictions d'exception.-Quelle est l'influence de la Loi nouvelle qui saisit une juridiction de la connaissance d'un certain genre d'infractions sur les infractions déjà déférées à la juridiction ancienne? Lois qui introduisent ou suppriment une voie de recours." Lois de prescription.

MESSIEURS,

J'ai examiné l'étendue de l'empire de la loi pénale sous le rapport du territoire et sous le rapport des per

sonnes.

J'examine aujourd'hui quelle est l'étendue de son empire sous le rapport du temps.

L'art. 2 du Code Napoléon proclame que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a pas d'effet

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