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rétroactif. Ce principe est-il applicable aux lois pé

nales?

Cette question est complexe :

1° Ce principe est-il applicable aux lois de fond? 2° Ce principe est-il applicable aux lois de procédure?

3° Ce principe est-il applicable soit aux lois qui fixent la durée de la prescription de l'action répressive, soit aux lois de prescription relatives à l'exécution de la peine?

Il y a une question qui domine toutes ces questions. Quel est, dans notre Droit pénal, le caractère du principe de la non-rétroactivité ? Ce principe est-il aujourd'hui un principe constitutionnel, c'est-à-dire un principe non seulement liant le juge, mais liant ou ayant au moins titre pour lier le législateur? N'est-il, au contraire, qu'un principe législatif, un principe dont on doit présumer l'admission dans le silence de la loi, mais auquel la loi a le pouvoir de déroger?

II y a, sous ce rapport, deux phases dans notre législation depuis 1789.

Dans la Constitution du 3 septembre 1791 (art. 8), dans la Constitution du 24 juin 1793 (art. 14), dans la Constitution du 5 fructidor an III (art 14), le principe de la non-rétroactivité est un principe constitutionnel; mais dans la Constitution du 22 fructidor an VIII, dans la Charte de 1814, dans la Charte de 1830, dans la Constitution de 1848, le principe de la non-rétroactivité n'est plus un principe constitutionnel; il n'est qu'un principe législatif auquel le

législateur n'est plus tenu d'obéir, mais est sculement réputé obéir, quand il ne déclare pas le contraire.

Les Constitutions des 14 janvier, 2 et 25 décembre 1852, ont-elles restitué au principe de la non-rétroactivité le caractère que trois de nos Constitutions lui avaient d'abord imprimé. Un auteur. M. Duvergier, a pensé que l'art. 1" de la Constitution du 14 janvier 1852, confirmant et garantissant les grands principes proclamés en 1789 et qui sont la base du Droit public des Français, se référait né– cessairement à la déclaration des Droits du 26 août 1789.

Mais l'art. 1 se réfère au Droit public en vigueur et je vous ai dit que le principe de la non-rétroactivité n'était plus qu'un grand principe de raison et de justice présumé écrit dans la loi, mais non au dessus de la loi. Quoi qu'il en soit, il y a des principes qui puisent leur force et leur titre à l'inviolabilité dans la conscience publique.

Ceci dit, je reprends mes trois questions:

PREMIÈRE QUESTION. Lé principe de la nonrétroactivité est-il applicable aux lois pénales de fond?

Cette question doit être subdivisée : 1° les lois qui introduisent des incriminations nouvelles, ou des pénalités plus graves, peuvent-elles rétroagir?

Au point de vue philosophique, cette question doit être résolue affirmativement ou négativement, suivant que la pénalité sera considérée comme un instrument de défense appartenant à la société, ou seulement

comme la sanction nécessaire d'un commandement du pouvoir social. Si le Droit de punir s'exerce, non pas en vue du passé et comme la répression de la violation d'un commandement, mais en vue de l'avenir, et pour prévenir le retour de faits dangereux à l'ordre social, il ne faut pas hésiter à appliquer la loi nouvelle, quand elle est une meilleure arme défensive.

En effet, la punition des faits, antérieurs à la promulgation de la loi qui les prohibe, est tout aussi propre à servir d'exemple que la punition des faits postérieurs à cette loi; et, quant à l'aggravation de la pénalité, pourquoi appliquer un châtiment jugé insuffisant quand le pouvoir en a un plus efficace à sa disposition? Voilà ce que dit la logique.

M. Rauter (1) le reconnaît; mais la logique recule parfois devant les conséquences d'un principe sans consentir à confesser que le principe est faux.

Que si la peine n'est légitime que comme conséquence du commandement, la conséquence ne peut précéder la cause et les incriminations nouvelles, et les aggravations de pénalité ne peuvent rétroagir. Moneat lex prius quam feriat.

Le principe est écrit dans l'art. 4 du Code pénal; il était déjà écrit dans l'art. 8 de la Constitution du 3 septembre 1791 et dans l'art. 3 du Code du 3 brumaire an IV.

2o La loi nouvelle ne doit-elle pas rétroagir quand

(1) Tome Ier, p. 55.

elle ne reproduit pas toutes les incriminations de la loi ancienne, ou qu'elle adoucit la pénalité ?

Quel que soit le caractère de la pénalité, qu'elle soit un instrument de défense ou la sanction d'un commandement, c'est-à-dire la conséquence de la violation d'un ordre ou d'une prohibition, le pouvoir n'a plus le droit de punir, quoique s'étant produit sous la loi ancienne, un fait qu'il ne regarde plus comme un danger social ou d'infliger à ce fait qu'il juge encore punissable, une peine qui lui semble dépasser la mesure de la nécessité. Cela est évident si le principe de la défense est admis; le Droit de défense ne naît que du péril de l'attaque.

Cela est certain encore dans notre système à nous qui ne voyons dans la peine qu'une sanction, parce que, du moment où la société juge qu'un certain commandement ne doit pas être maintenu, ou n'exige qu'une sanction moins énergique, elle n'a plus de titre, parce qu'elle n'a plus d'intérêt soit à une sanction quelconque, soit à une sanction reconnue excessive.

Mais à quel caractère reconnaître que la loi nouvelle est plus favorable?

La loi, sous l'empire de laquelle le fait a été commis le punissait, par exemple, d'une peine afflictive et infamante, dont le maximum de durée était de 3 ans, et la loi nouvelle le punit d'une peine simplement correctionnelle, dont le maximum est de 5 ans et le minimum 2 ans. Laquelle des deux lois est la plus favorable? L'accusé, sous l'ancienne

loi, ne pouvait être privé de la liberté que pendant 3 ans ; sous la loi nouvelle il peut être privé de sa liberté pendant 5 ans.

Je crois que la gravité de la pénalité s'apprécie d'après son caractère et non d'après sa durée.

Mais quid, si la loi nouvelle, saus changer la nature de la pénalité, abaisse le maximum et élève le minimum?

Sous l'ancienne loi, l'emprisonnement pouvait être de 6 ans et le minimum était de 2 ans. La loi nouvelle dit que le minimum sera de 3 ans et que le maximum ne sera que de 5 ans. Si vous appliquez la loi ancienne l'accusé court la chance de n'être condamné qu'à 2 ans ; mais en revanche il court la chance d'être condamné à 6 ans.

Si vous appliquez la loi nouvelle il est garanti contre la chance de 6 ans, mais il n'a plus la chance de 2 aus.

Plusieurs systèmes se sont produits. Les uns ont dit : La loi nouvelle profitera à l'accusé en ce sens qu'il ne pourra plus être condamné à six ans ; mais elle ne pourra lui préjudicier en ce sens qu'elle ne l'empêchera point de n'être condamné qu'à deux ans.

D'autres ont dit: Il faudra laisser l'option à l'accusé; mais il ne pourra scinder les deux législations.

M. Le Sellyer a proposé un troisième système. Il faudra calculer, a-t-il dit, si le maximum est plus abaissé que le minimum n'est élevé.

Si le maximum n'est que faiblement abaissé et

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