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le minimum considérablement élevé, la loi nouvelle est défavorable.-Voilà un calcul de proportion difficile.

Un quatrième système enfin dit que du moment où le maximum de la pénalité est abaissé par la loi nouvelle, la peine est adoucie, bien que le minimum soit élevé (1).

Il semble qu'un cinquième système pourrait dire que du moment où le minimum est élevé par la loi nouvelle, cette loi constitue une aggravation.

Cette question est très grave. Toutefois je crois que l'élévation du minimum ne blesse pas un droit acquis, puisqu'au moment de l'infraction l'agent n'a pu compter que le juge userait de la faculté d'abaisser la peine jusqu'à sa dernière limite; que l'élévation du maximum pourrait seule être considérée comme l'atteinte à un Droit, à raison de la faculté qu'elle donnerait d'excéder l'ancienne mesure assignée au châtiment.

Quelle est la législation applicable dans l'hypothèse de trois lois pénales successives dont la première, contemporaine du fait, le punit de la peine de mort, dont la seconde le punit de la peine des travaux forcés à temps, et dont la troisième, contemporaine du jugement, le punit des travaux forcés à perpétuité?

La peine, sanction du commandement violé, c'est la

(1) MM. Chauveau, Hélie, t. Ier, p. 44, 2e édition. M. Achille Morin, Répertoire, vo Effet rétroactif, no 7.

peine de mort; mais la société n'a plus besoin de la peine de mort, elle ne peut donc l'appliquer.

Mais elle a besoin des travaux forcés à perpétuité; pourra-t-elle les appliquer? Non. Il est survenu une loi intermédiaire qui ne punissait le fait que des travaux forcés à temps. Le retard dans le jugement ne saurait préjudicier à l'accusé; il a eu droit à l'adoucissement de la peine (1).

Que si l'affaire était jugée par une décision en dernier ressort, que la loi nouvelle fût, favorable ou défavorable, elle serait sans influence (2).

Mais la loi nouvelle peut-elle changer le mode d'exécution de la peine? L'affirmative est évidente quand le mode d'exécution est plus favorable. Mais quid si le mode d'exécution est plus rigoureux?

Cette question a été vivement agitée entre les meilleurs jurisconsultes de l'Assemblée législative dans la séance du 21 avril, et dans la séance du 8 juin 1850. Pour la négative on a dit que le sort du condamné était définitivement, irrévocablement fixé par l'arrêt et par la loi en vigueur au moment de la condamna

(1) Cass., 9 juillet et 1er octobre 1813.-Rauter, no 10.Chauveau, Hélie, t. Ier, p. 41.—Lesellyer, no 25.

(2) Article dernier de la loi du 25 septembre 1791.—Le décret des 3 et 7 septembre 1792 n'est qu'une exception; l'art. 19 de la loi du 25 frimaire an VIII ne statue que pour le cas où la condamnation est susceptible d'un recours.

L'avis du Conseil d'Etat du 7 novembre 1832 n'a rien de contraire.

tion. M. Odilon-Barrot a éloquemment développé cette idée.

M. de Vatimesnil et M. Baroche ont énergiquement soutenu que le mode d'exécution de la peine restait toujours dans le domaine du pouvoir social, et ils ont maintenu que la substitution d'un mode d'exécution à un autre n'était entachée d'aucune espèce de rétroactivité.

Il s'agissait de déterminer le mode d'exécution de la déportation; il n'y avait pas, avant la révision du Code de l'empire, de lieu de déportation. Le pouvoir exécutif convertissait la déportation en une détention perpétuelle.

Lors de la loi du 28 avril 1832, on décida législativement que, tant qu'il ne serait pas établi de lieu de déportation, le déporté serait détenu dans une forteresse sur le territoire continental du royaume. La loi du 9 septembre 1835 décida que la détention aurait lieu soit dans une forteresse de royaume, soit dans une forteresse en dehors du territoire continental. La loi du 8 juin 1850 fixa un lieu de déportation à Noukahiva.

De là une difficulté : Les condamnés à la déportation, sous les lois anciennes, pouvaient-ils être transportés à Noukahiva?

L'art. 8 consacre la négative: il dit, en effet, que ce lieu de déportation ne sera applicable qu'aux faits postérieurs à la promulgation de la loi; à plus

forte raison la loi n'est-elle pas applicable à ceux qui avaient été condamnés avant la loi.

Il a été considéré que c'était une aggravation de peine; mais cela n'infirme en rien le Droit du pouvoir sur la question d'exécution.

Il a été seulement législativement décidé qu'il ne s'agissait pas de la simple substitution d'un mode d'exécution à un autre mode d'exécution, ou plutôt que cette substitution serait interdite, ce qui, loin de supposer que la règle générale était en ce sens, implique la reconnaissance qu'il était nécessaire de procéder par voie de disposition exceptionnelle.

L'art. 7 proteste d'ailleurs contre l'interprétation qu'on veut déduire de cette loi.

« Dans le cas où les lieux établis pour la déporta<<tion viendraient à être changés par la loi, les « déportés seraient transférés des anciens lieux de « déportation dans les nouveaux. » Donc la loi n'a pas adopté l'opinion de M. Barrot.

Sans doute la déportation dans un pays salubre et la déportation dans un pays insalubre, la déportation dans un pays éloigné et la déportation dans un pays rapproché, ne sont pas absolument la même chose; mais si l'exécution n'appartenait pas au pouvoir exécutif, il ne pourrait même pas changer le régime intérieur de ses prisons, prescrire ces mesures qui sont essentiellement du domaine de l'administration. Je crois qu'en l'absence de dispositions législatives contraires, par cela seul que le pouvoir ne change pas

le nom et la nature de la peine, le mode nouveau peut être appliqué sans rétroactivité.

Mais, en l'absence de textes législatifs, les condamnés pourraient-ils se pourvoir devant l'autorité judiciaire? MM. de Vatimesnil et Baroche l'ont soutenu, et ils se sont prévalus d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 1845 (Sir. 45-1-543), qui juge que tous les incidents contentieux, soulevés sur l'exécution de la peine, sont de la compétence judiciaire. Il s'agissait de savoir si, dans une condamnation de plusieurs mois d'emprisonnement, la durée du mois était de 30 jours.

L'autorité judiciaire serait en effet compétente pour statuer sur le point de savoir si l'innovation métamorphose la nature de la peine et l'aggrave ou si au contraire cette innovation ne change que le mode d'exécution. Dans le silence de la loi, l'innovation ne serait inapplicable, qu'autant que la nature de la peine. ne serait plus la même (1).

SECONDE QUESTION. --Le príncipe de la non-rétroactivité est-il applicable aux lois de procédure pénale? La négative est professée par beaucoup d'auteurs d'une manière absolue; MM. Hélie et Chauveau professent d'une manière également absoluc que les lois de procédure ne régissent que les faits postérieurs à leur promulgation.

(1) Voir décrets des 27 mars, 26 avril 1852.

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