Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]
[ocr errors]

de la loi de prescription en matière civile. C'est l'art. 2281, C. Nap.: « Les prescriptions commencées à l'époque de la publication du présent titre seront réglées conformément aux lois anciennes ; néan« moins, les prescriptions alors commencées et pour « lesquelles il faudrait encore, suivant les anciennes «lois, plus de 30 ans, à compter de la même époque, << seront accomplies par ce laps de 30 ans. »>

Cet article comprend deux dispositions bien distiuctes: la première proclame le principe que la prescription commencée avant la promulgation de la loi ancienne, est régie par la loi ancienne.-La seconde restreint ce principe et déclare que si sur le temps déterminé par la loi ancienne, il reste encore plus de 30 ans à courir sous la loi nouvelle, 30 ans écoulés sous l'empire de la loi nouvelle suffiront pour le complément de la prescription.

Il faut bien déterminer l'étendue de cette restriction et pour cela je prends deux hypothèses.-Je suppose que la prescription de la loi ancienne fût de 40 ans et qu'il se fût déjà écoulé 5 ans avant la promulgation du Code Nap.; aux termes du dernier § de l'art 2281, le prescrivant n'aurait que 30 ans à attendre pour avoir prescrit.

Mais si le prescrivant comptait 15 ans de possession sous la loi ancienne, en sorte qu'il ne lui restât plus que 25 ans à attendre, suivant cette loi, 15 ans de possession sous le Code Nap. ne lui suffiraient pas. Il faudrait qu'il complétât les 40 ans par 25 ans de possession sous le Code.

Il est bien évident que le principe qui domine l'art. 2281 est que la loi en vigueur au moment où la prescription commence est la seule d'après laquelle on doit déterminer toutes les conditions nécessaires pour prescrire. Et ce qui le prouve, c'est que la loi nouvelle n'est appliquée, en matière civile que pour la prescription de 30 ans et à la condition encore que les 30 ans s'accomplissent depuis la promulgation de la loi nouvelle.

Ce principe a été l'objet d'assez vives critiques.On a dit qu'il serait bien plus équitable d'appliquer ici la rétroactivité, parce qu'une prescription inachevée n'est qu'une simple attente, une espérance qui, à la veille même de sa réalisation, peut être brisée, anéantie par un acte interruptif.

Je crois que ceux qui ont fait ces critiques n'ont envisagé qu'une des faces de la question; il est bien vrai que le prescrivant, tant qu'il n'est pas arrivé au dernier jour de la prescription, n'a pas de droit acquis, qu'il n'a qu'une expectative; mais il y a un autre intérêt qu'on doit considérer, c'est l'intérêt contre lequel on prescrit. Si la loi nouvelle change toutes les conditions de la prescription, quelle sera la position de celui auquel la prescription sera opposée ? La loi ancienne exigeait 40 ans. La loi nouvelle n'en demande que 10. Si la loi nouvelle était applicable et que 10 ans eussent couru sous l'ancienne loi, tout serait fini; ce serait une surprise. Celui contre lequel on prescrivait croyait encore avoir 30 ans devant lui. Il rassemblait ses preuves: il

préparait la lutte et le succès, et voilà que sa prudence serait la mort du Droit qu'il voulait protéger !

Tout ce que l'on pourrait dire en faveur de la rétroactivité, c'est que la loi nouvelle aurait le pouvoir d'allonger le temps nécessaire pour la prescription, et non celui de l'abréger, parce que si elle l'abrégeait, elle s'exposerait à ruiner des droits qui, selon la loi ancienne, pouvaient compter sur un long temps pour se faire jour.

Eh bien, l'art. 2281 est-il applicable aux matières pénales?

Non. Cet article n'est applicable qu'aux matières civiles dans l'acception la plus large du terme, c'està-dire aux matières civiles et commerciales et à la procédure. C'est ce que revèle l'art. 2264 du Code Nap.-Ce qui est certain, c'est qu'il ne régit pas, au moins directement, les matières pénales.

Comment donc sont réglées les prescriptions commencées lors de la promulgation d'une loi qui change les conditions auxquelles ces prescriptions étaient subordonnées ?

Quatre systèmes sont en présence :

PREMIER SYSTÈME.-Si l'art. 2281 n'est pas directement applicable aux matières pénales, il doit au moins être appliqué par analogie.-Il faut en effet tenir compte non seulement de l'intérêt du prescrivant, mais de l'intérêt contre lequel on prescrit, et ici le prescrivant a en face l'intérêt de la partie lésée et, ce qui est bien plus grave, l'intérêt social.

Si la loi ancienne exigeait 30 ans pour la prescription de la poursuite et que la loi nouvelle n'en exigeât que dix, le ministère public pourrait voir soudainement son action paralysée. S'il n'avait pas agi pendant 10 ans, c'est qu'il voulait agir avec certitude. Que si la loi nouvelle augmentait le temps nécessaire pour prescrire, on ne pourrait l'appliquer au prévenu ou au condamné ; car ce serait aggraver sa situation.

Deuxième système.-Il ne faut appliquer exclusivement ni la loi ancienne ni la loi nouvelle, mais bien les deux lois cumulativement, en faisant compte an prescrivant du temps écoulé sous l'ancienne loi, proportionnellement à la durée de la prescription sous cette loi et en imputant le temps écoulé sous la loi nouvelle, proportionnellement à la durée de la prescription sous la loi nouvelle.

Ainsi, la prescription ancienne était de 40 ans. La prescription nouvelle est de 10 ans.-20 ans se sont écoulés sous l'empire de la loi ancienne, 5 ans suffiront sous l'empire de la loi nouvelle. M. Merlin a professé ce système (1).

TROISIÈME SYSTÈME.-Il ne faut appliquer ni exclusivement la loi ancienne, ni exclusivement la loi

(1) Arrêts de cassation, 25 février 1808.-29 avril 1808.18 août 1808, rapportés par Merlin. Répert., vo Prescription, sect. I, § 3, no 12.

nouvelle, ni cumulativement la loi ancienne et la loi nouvelle; mais soit la loi nouvelle soit la loi ancienne, suivant que l'une ou l'autre est plus favorable au condamné.

On ne comprendrait pas que la société appliquât la loi ancienne, la prescription de 40 ans par exemple, quand elle reconnaît que, pour les faits nouveaux, après 10 ans elle ne peut pas poursuivre en sécurité. Pourquoi pourrait-elle poursuivre le fait ancien pendant 40 ans ?

Que, si c'est la loi nouvelle qui augmente la durée de la prescription, il faut appliquer la loi ancienne car on aggraverait, après coup, la position du prévenu ou du condamné.

La prescription de la poursuite et surtout celle de la peine reposant sur l'idée que l'expiation a été subie par équivalent, on doit appliquer à la loi de la prescription, le principe qui régit la pénalité elle-même.—Or, entre deux lois établissant des peines différentes, on applique la loi la plus douce (1).

QUATRIÈME SYSTÈME. -Ce système, c'est le nôtre, applique aux matières pénales, toujours et sans dis

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Mangin, no 295.-Dalloz, vo Prescription, ch. II, sect. 4.Lesellyer,, tome VI, no 2408.-Achille Morin, Répertoire, vo Effet rétroactif, no 16. '

« PrécédentContinuer »