Images de page
PDF
ePub

principalement et directement aux biens physiques de l'homme, à sa vie, à sa liberté, à son patrimoine; toute peine afflictive est infamante accessoirement, par voie de conséquence, par contre-coup.

Les peines infamantes sont celles qui s'attaquent principalement et directement aux biens moraux de l'homme, à son honneur, à sa position sociale, à ses droits de famille et de cité.

Toutes les peines infamantes sont aussi afflictives parce qu'elles réagissent sur les biens physiques, sur la liberté matérielle et la fortune.

La qualification de peines infamantes a soulevé de vives critiques. Le déshonneur et l'infamie, a-t-on dit, ne se décrètent pas à l'opinion, à la conscience publique appartient la vraie souveraineté quand il s'agit de considération ou de flétrissure: le crime fait la honte et non pas l'échafaud. L'application de la peine est,, tout au plus, la constatation officielle de l'infraction à laquelle l'infamie peut s'attacher, mais ne s'attache pas toujours. En effet, de deux choses l'oné, ou la loi, dans la peine qu'elle édicte, est d'accord avec la conscience publique, ou elle est en désaccord avec elle. Si la loi est d'accord avec la conscience publique, la peine ne créera pas l'infamie, elle la déclarera seulement; si la loi est en désaccord avec la conscience publique, elle essaiera vainement de ffétrir des actes que l'opinion protégera. Sans doute les peines ne sont pas une recomm indation et un titre d'honneur; cela est vrai de toutes les peines mais non pas exclusivement d'une classe de peines.

Voilà les objections que d'excellents livres et les leçons même de Boitard, d'ordinaire si judicieux, accréditent (1).

Je ne saurais, pour mon compte, m'associer à ces critiques que je trouve dangereuses, parce qu'elles tendent à infirmer le principe d'autorité sans lequel aucune société ne peut vivre. Quelle est la mission du pouvoir social? C'est de rechercher, en raison et en justice, les règles des rapports sociaux et la sanction nécessaire de ces règles. Sans doute, le pouvoir n'est pas infaillible; mais, de ce qu'il peut se tromper, doiton en conclure qu'il se trompe toujours, et que, par suite, il est fait pour obéir et non pour commander? La présomption n'est-elle pas, au contraire, que le pouvoir, justement parce qu'il est le pouvoir, le souverain, est l'organe de la vérité et de la raison? Cette présomption n'est-elle pas la condition de toute souveraineté ? Comment l'autorité, qui a le droit de commander, ne serait-elle pas présumée avoir titre pour déterminer l'importance de ses commandements et pour qualifier leur violation en caractérisant la peine qu'elle entraîne?

C'est, en vérité, demander au pouvoir de ne pas avoir foi en lui et prétendre lui imposer la loi au lieu de la recevoir, que de lui interdire le droit de mesurer les conséquences, la portée de la peine qu'il inflige.

(1) Taillandier, Réflexions sur les lois pénales de France et d'Angleterre, p. 50. Rossi, t. III, p. 189. Boitard, no 39. Théorie du Code pénal, t. Ier, p. 751, troisième édition.

La Constituante fit donc, dans ce système, acte d'usurpation lorsque, résistant à la pression de préjugés iniques, elle proclama le grand principe de la personralité du châtiment, de la personnalité de la flétris

sure.

Mais, dit-on, aucune peine n'est un titre à la considération; donc toutes les peines devraient être déclarées infamantes. Oui, les peines, en géné-ral, nuisent à la considération de l'agent puni, mais elles n'entament pas toutes cette considération dans la même mesure.

Les peines afflictives et infamantes sont au nombre de six 1° la mort; 2° la peine des travaux forcés à perpétuité; 3° la déportation; 4° les travaux forcés à temps; 5° la détention; 6° la réclusion.-Les peines infamantes sont au nombre de deux : 1° le bannissement; 2° la dégradation civique.

La peine de mort consiste, conformément au principe de la Constituante, dans la simple privation de la vie. Le condamné est décapité à l'aide d'un instrument auquel le docteur Guillotin a donné son

nom.

La peine de mort, lorsqu'elle est appliquée au parricide, est précédée de certains détails préparatoires qui l'aggravent. Le condamné est conduit sur le lieu de l'exécution en chemise, nu-pieds et la tête couverte d'un voile noir; il reste exposé sur l'échafaud pendant qu'un huissier fait au peuple lecture de l'arrêt de condamnation; avant la révision du 28 avril 1832 le parricide subissait une mutilation: ce n'était qu'a

près lui avoir coupé le poignet droit sur l'échafaud, qu'on lui tranchait la tête; cette mutilation a dû être et a été supprimée ! Je ne crois pas qu'on ait fait encore assez cette translation en chemise, pieds nus, ce voile noir, cette prolongation de l'agonie pendant la lecture de l'arrêt, ajoutent à la rigueur de la peine de mort qui, par elle-même et isolée de tout accessoire, semble la plus rigoureuse des peines que puisse infliger le pouvoir social.

La peine des travaux forcés à perpétuité consiste dans une détention perpétuelle et dans l'obligation d'accomplir les travaux matériels les plus pénibles. Les lieux où sont enfermés les condamnés aux travaux forcés sont les ports de mer militaires désignés par une ordonnance du 20 août 1828. Ces condamnés traînent à leurs pieds un boulet, ou sont attachés deux à deux avec une chaîne, lorsque la nature du travail le permet.

La perpétuité des peines avait été abolie par le Code pénal du 28 septembre 1791. L'Assemblée constituante avait considéré les peines perpétuelles comme plus terribles que la mort même. Cette perpétuité fut rétablie par le Code pénal de 1810; il y avait, dit-on avec raison, une trop grande distance entre la peine de mort et 20 ans de travaux forcés. Cette perpétuité a été maintenue lors de la révision du 28 avril 1832; la nécessité d'un degré intermédiaire entre la mort et la peine temporaire ne me paraît pas contestable; qu'on ne dise pas qu'en enlevant au condamné toute espérance de rentrer dans

le sein de la société et de se réconcilier avec elle, on lui enlève l'un des plus puissants mobiles d'amendement et de retour au bien le droit de grâce est là; l'espérance peut donc survivre; sa réalisation est subordonnée à la conduite du condamné.

:

Le décret des 27 mars-16 avril 1852, annonce un nouveau mode d'exécution des travaux forcés.

La déportation consiste à être transporté et à demeurer à perpétuité dans un lieu déterminé par la loi, en dehors du territoire continental de la France. Cette peine était inconnue dans notre ancien Droit. Elle figure au nombre des peines afflictives dans le Code pénal du 25 septembre 1791 (I" partie, titre 1o, art. 29).

Je ne veux pas vous faire l'historique de la déportation pendant la Révolution. Elle fut plutôt une mesure politique qu'une pénalité. Elle avait d'abord été édictée comme peine de la récidive, mais elle ne reçut pas, à ce titre, d'exécution.

Le Code de 1810 maintint la déportation au nombre de ses peines; mais la déportation, sous l'Empire et sous la Restauration, ne reçut pas plus d'exécution que sous l'empire du Code pénal de 1791. Les condamnés à la déportation restaient à la disposition du gouvernement; ils étaient provisoirement renfermés dans la maison du Mont-Saint-Michel, et le provisoire se perpétuait indéfiniment faute d'un territoire convenable pour les recevoir. La loi du 28 avril 1832 régularisa cette substitution d'une peine à une autre ; elle décida, dans son art. 17, que tant qu'il n'aurait

« PrécédentContinuer »