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mesure de faire exécuter la condamnation, qu'il a le condamné sous la main.

Si, en effet, le condamné se dérobe par la fuite à la peine, le temps pendant lequel il conservera sa liberté ne pourra pas être imputé sur la durée soit de la réclusion, soit de la détention, soit des travaux forcés à temps. Aux termes de l'art. 635 du Code d'instruction criminelle, la prescription de la peine prononcée en matière criminelle est de vingt ans; si le condamné à une peine de vingt ans de travaux forcés s'évade et u'est arrêté que la dix-neuvième année depuis l'irrévocabilité de sa condamnation, il est impossible d'admettre qu'il n'aura qu'une année, plus une partie d'année de peine effective à subir. Si le condamné à dix ans de réclusion se dérobe pendant dix ans à cette peine, il est bien évident qu'il n'est pas libéré, que pendant dix ans encore il peut être arrêté, et que, si son arrestation a lieu avant l'expiration du délai assigné à la prescription, il aura dix ans de réclusion réelle à supporter; s'il en était autrement la prescription serait, non pas toujours de vingt ans en matière criminelle, mais seulement du nombre d'années déterminé pour la peine temporaire; il semble que je ne devrais pas insister sur une vérité aussi saisissante. Cependant j'ai quelque raison pour appeler votre attention sur ce point; la vérité que vous trouvez tous évidente a été méconnue, non pas directement, mais indirectement, dans une question naissant des termes de l'art. 635 du Code d'instruction criminelle, qui

fixe le point de départ de la prescription, et qui la fait courir de la date des arrêts ou jugements.

Une opinion, esclave de la lettre (1), soutient que le condamné, qui a exécuté dix-neuf ans sa peine et qui s'évade la vingtième année, ne peut être arrêté utilement que pendant l'année de l'évasion, parce que, dit-on, la prescription court du jour de la condamnation.-Oui, quand la peine ne se subit pas ; non, quand la peine se subit. Quand la peine a été temporairement subie, ce n'est que du jour où le condamné s'est soustrait à la peine qu'il peut commencer à se libérer par la prescription de la partie de la peine non subie; le délai de vingt ans ne court donc que du jour de l'évasion.

Je ne discute pas cette question; je la signale parce qu'il y a là deux idées qui sont en corrélation parfaite: Le temps, qui peut compter pour la prescription, ne peut jamais compter pour l'exécution de la peine, et, vice versa, le temps imputable sur l'exécution de la peine ne peut jamais être compté pour la prescription.

Du moment où la peine temporaire ne court que du jour de son irrévocabilité, le pourvoi du condamné, non seulement quand il est rejeté, mais alors même qu'il entraîne la cassation de la condamnation re

(1) Vazeille, t. II, no 456 et 457. Traité des Prescriptions en matière pénale, par Van Hoorebeke, professeur agrégé à l'université de Bruxelles, 1852, p. 267.—Contrà, Cass., 20 juillet 1827 (Sir. 1827-1-532). Legraverand, t. II, p. 776. Boitard, dernière leçon sur le Code d'instruction criminelle.

tarde le point de départ de la durée de la peine. Ce qui est plus grave, c'est que le pourvoi du ministère public a la même conséquence, que le pourvoi soit rejeté ou admis; ainsi un recours mal fondé, non imputable au condamné, prolonge la privation de sa liberté tant que la condamnation est attaquable ou attaquée, elle n'est pas réputée s'exécuter.

La même règle est-elle applicable aux matières correctionnelles ?

Oui et non. Oui, quand la peine ne consiste pas dans un emprisonnement, ou lorsque, consistant dans un emprisonnement, le condamné n'était pas, au moment de la condamnation, en état de détention préventive.

Lorsqu'il s'agit de la peine d'emprisonnement appliquée à un agent en état de détention préventive, il faut faire de nombreuses distinctions.

Le condamné ne forme-t-il pas de recours contre le jugement? C'est le jugement qui est le point de départ de la durée de la peine. Le recours du ministère public n'est pas imputable au condamné, et il ne saurait aggraver sa position.

Le condamné exerce-t-il un recours? Ce recours n'empêchera pas la durée de la peine de courir si ce recours est bien fondé, si l'événement le justifie; mais si le recours échoue, la peine ne courra que du jour où la décision attaquée sera devenue irrévocable. La loi est-elle bien équitable en exposant à un danger, à une prolongation de peine, le condamné qui use d'une voie de recours qu'elle lui ouvre?

L'application de ces distinctions écrites dans l'art. 24 a déjà soulevé plus d'une difficulté.

Une première hypothèse a été examinée : le ministère public appelle seul d'un jugement qui condamne un prévenu à six mois d'emprisonnement; ce jugement est confirmé; le condamné se pourvoit contre la décision confirmative; son pourvoi est rejeté, de quel jour courra la peine? Est-ce du jour du rejet du pourvoi, du jour soit de l'arrêt, soit du jugement confirmatif, ou du jour de la première décision?

C'est du jour de l'arrêt, disent de savants jurisconsultes (1).

Cette solution ne saurait se justifier, suivant moi. Il n'y a que deux solutions possibles: ou la peine ne court que du jour du rejet du pourvoi, parce que, comme le disent ces jurisconsultes, le condamné, par son pourvoi, aura perdu le bénéfice de son acquiescement présumé au jugement; ou elle courra dans l'intervalle qui se sera écoulé depuis le jugement jusqu'à l'arrêt confirmatif, et cessera de courir depuis l'arrêt jusqu'au rejet du pourvoi, pour reprendre son cours à partir de ce rejet.-A mon sens le condamné n'a pas été en faute jusqu'à l'arrêt ; il n'a pas usé il n'a de la faculté d'appeler; l'appel du ministère public ne saurait lui préjudicier; donc sa détention, jusqu'à l'arrêt, s'imputera sur la durée de la peine. Le condamné est réputé en faute parce qu'il s'est pourvu

(1) Théorie du Code pénal, t. I, p. 233, troisième édition.

contre l'arrêt; jusqu'au rejet du pourvoi sa détention ne lui profitera pas.

Les auteurs, dont je combats la doctrine, imputent au contraire au condamné la détention qui correspond à la période pendant laquelle il est réputé retarder, par son imprudence, l'exécution de la peine. Je comprendrais, à la rigueur, qu'on privât le condamné du bénéfice de la détention jusqu'à l'arrêt, et cela, en considérant que la présomption d'acquiescement à la décision première était exclue par le pourvoi.

Les deux jurisconsultes dont je viens d'examiner l'opinion, supposent, en conservant la même hypothèse, que le pourvoi du condamné a été admis et qu'il a abouti à une réduction de peine. Ils font encore courir la durée de la peine, non du jour du jugement, mais du jour de l'arrêt contre lequel il y a eu pourvoi. Pourquoi donc ? Ce n'est pas le condamné qui a saisi la juridiction d'appel, et l'eût-il saisie que l'événement a démontré qu'il n'aurait pas commis de faute il suffit que la peine ait été réduite par l'exercice d'une voie de recours quelconque, pour que tout le temps qui a précédé la décision qui opère réduction, soit imputable au condamné.

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Une seconde hypothèse peut mettre dans tout son jour la véritable pensée de l'art. 24. Une condamnation de cinq ans d'emprisonnement est prononcée; le condamné appelle du jugement; la Cour confirme; le condamné se pourvoit; l'arrêt est cassé; la Cour, saisie par le renvoi, réduit l'emprisonnement à trois ans ; nouveau pourvoi du condamné; ce

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